Chaque année, c’est pareil : l’été, c’est un sac d’embrouilles. Petit inventaire des emmerdeurs et des emmerdements estivaux.
D’abord, il y a l’escroquerie bénigne, qui serait plutôt une faute de style : la « taxe de séjour », qui avait disparu des notes d’hôtel et de camping, a, depuis quelques années, refait son apparition. Quelques centimes qui, chaque jour, s’ajoutent à la facture, oh, pas grand chose, mais c’est énervant au possible : quand on pense à l’ardoise que l’on va régler à l’hôtelier, on se dit qu’il pourrait au moins prendre en charge cette somme minime et considérer que le prix de la chambre ou de la pension l’inclut. Ce serait plus élégant que cette espèce de quête de quelques piécettes, qui ressemble à de la mendicité…
Ensuite, il y a les parkings. Rien n’est plus coûteux en été qu’une voiture : quand elle roule, elle coûte du carburant et des péages d’autoroute ; à l’arrêt, loin de son garage habituel, elle doit payer chaque minute de stationnement. Les municipalités des villes « à vocation touristique » l’ont bien compris : ce sont celles dans lesquelles les parkings payants recouvrent la quasi-totalité des voies publiques, et leur totalité absolue à proximité de la plage. Avec des tarifs éhontés : le temps de faire se baigner les gosses, on crame 10 euros. On peut calculer que tout automobiliste dépense plus de 15 euros par jour par le seul fait de ne pas rouler en voiture.
Cela tombe dans les caisses de la commune, qui doit pourtant déduire de ce revenu les sommes considérables engagées pour entretenir une brigade de « police municipale » chargée, pendant la saison, de distribuer des amendes aux mauvais payeurs, et qui ne sert plus à grand chose, souvent, quand la marée des estivants s’est retirée… Rappelons toutefois que ces mêmes estivants, par leur présence généreuse et leur consommation quotidienne, contribuent largement à la vie économique de la commune !
Mais il y a pire : dans bien des cas, tous ces sous tombent dans l’escarcelle d’une société qui a le bonheur de gérer le parking. Par exemple, Vinci (qui se flatte de gérer 1700 parkings dans le monde…) contrôle la totalité des parkings de la riante cité de La Ciotat, laquelle double sa population en été. On a creusé un peu partout, avec un solide appui des finances publiques, des parkings souterrains dont la présence se justifie principalement par l’interdiction généralisée du stationnement gratuit en surface, et le niveau élevé de l’heure sur les espaces offerts par la commune… Encore plus fort : à trente kilomètres de là, le village « médiéval » du Castelet (dont nous reparlerons …) étant interdit à toute circulation automobile, la commune propose deux parkings payants et obligatoires, gérés par Vinci, qu’on n’attendrait pas dans un paysage aussi bucolique. En fait, le piège est parfait : vous raquez, ou vous repartez, en ayant fait trente bornes pour rien.
Et l’investissement minime : le premier parking est un grand champ bitumé, avec des places matérialisées, par deux traits de peinture, bref, Vinci ne s’est pas épuisée en travaux de creusement et d’aménagement ; mais le second parking est un grand champ, un point c’est tout, le seul investissement de Vinci étant le système de péage ! Quant au tarif, tenez-vous bien, il est incompressible : un « forfait » de 3,20 euros, pour visiter un site dont on fait le tour en vingt minutes… Loin de nous l’idée, évidemment, que ce quasi-monopole de Vinci ait pu, d’une manière ou d’une autre, supposer de la part des communes une attitude très compréhensive. Après tout, à Naples, la camorra se targue bien de rendre un service public en monopolisant le ramassage des ordures ! Et pour finir, on m’a signalé une sorte de record : à Vauvenargues, près d’Aix en Provence, il paraît que des employés municipaux réclament 5 euros pour le stationnement « obligatoire » dans un champ à proximité du château de Picasso. L’art pour l’art, en quelque sorte !
Il y a enfin la grande escroquerie de l’été, le chef d’oeuvre des chefs d’oeuvre : la baisse de la TVA pour la restauration, dont on n’aperçoit vraiment pas les effets. Ah, pardon, les prix de la restauration auraient reculé de 1,3%, selon les statistiques. Un chiffre absolument lamentable, que la pudeur commanderait de taire, tant il montre l’étendue du hold-up commis par les bénéficiaires de cette aubaine fiscale sans précédent : il faut être Hervé Novelli, dont, décidément, on ne saurait sous-estimer la finesse et le sens du paradoxe, pour s’en « féliciter » sur toutes les ondes. Disons le carrément : l’immense majorité des restaurateurs n’ont rien changé à leurs prix, ni aux salaires de leur personnel, qui, de toute façon, est notoirement payé au noir dans des proportions que la décence interdit d’évoquer, et qu’il faudrait pourtant évoquer avec autant de liberté que l’on flétrit, chaque fois que l’envie en prend, l’inutilité des fonctionnaires ou les vacances des enseignants. Face à cet Everest d’hypocrisie officielle, le dépit discret de l’opposition vaut largement l’énorme insolence du gouvernement. Clientélisme électoral oblige ! On chouchoute ses chambres de commerce et ses corporations à la sauce Pétain ! On caresse les restaurateurs dans le sens du poil ! Indispensable, pour la mairie, le conseil général, la Région ! Et pourtant, perdre cinq milliards de rentrées fiscales pour une baisse de quelques centimes, c’est déjà une connerie énorme ; mais s’en « féliciter », alors là, mon bon, c’est postuler à l’admission au Guinness Book de la nullité politique, qui, malheureusement, n’existe pas et reste à créer. A tel point que même un député UMP de la Côte d’Azur, constatant ce désastre, a demandé un moratoire et la mise en place de contraintes pour que les restaurateurs ne mettent plus cette baisse de la TVA dans leur poche ! A l’heure où l’on envisage de raboter les « niches fiscales », bénir ainsi un aussi faramineux détournement de cadeau fiscal relève soit du cynisme le plus éhonté, soit d’une cécité intellectuelle sidérante. La profession ne pouvait pas faire moins, et elle a osé le faire, en prenant tous les consommateurs des vacances pour des pigeons avec sa baisse de 10 cents sur le caoua au comptoir. Cela mériterait bien un boycott.
De toute façon, après le racket des parkings, nos chers vacanciers sont allés une fois de moins au resto. Tout se tient, en économie !
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Que tout cela est vrai… Alors, venez à Paris, le mois d’août est le mois de la gratuité. Certes l’activité culturelle y est moindre.
Par contre Michel, je ne comprend pas la remarque sur les indépendants. Nul besoin d’être indépendant pour partir hors vacances scolaire, il faut juste ne pas avoir d’enfant scolarisé…