Désormais, les fruits et légumes devront montrer leurs papiers. Une initiative ministérielle prise sans concertation avec les distributeurs
Fraise, dis-moi de quel pays viens-tu… On imagine déjà Éric Besson, en mal de charters ou de statistiques, renvoyer vers le Maroc des milliers de cageots de fruits et légumes pas bien de chez nous. Car depuis le 31 janvier, en effet, plus question de curriculum vitae anonyme pour les fruits et légumes !
La faute à un décret, paru au Journal officiel, qui rend l’affichage de l’origine obligatoire, « de façon visible et lisible, en caractères d’une taille égale à celle de l’indication du prix. » Il s’agit, explique le cabinet d’Hervé Novelli, secrétaire d’État au Commerce, de « favoriser une consommation responsable » et de « soutenir les producteurs français », confrontés à un « contexte sensible ». Ah ! cet amour pour les agriculteurs, la France, le terroir… C’est beau à en tirer des larmes. Des larmes, oui, mais d’avoir trop ri.
Passons d’abord sur l’ambition, déjà aléatoire, qui veut qu’en lisant la mention « Maroc » sur une barquette de fraises, proposée à un prix imbattable, le chevaleresque consommateur français se dise : « rhalala, non, ces fraises viennent de trop loin, avec un bilan carbone tout pourri, je vais les reposer et acheter celles, beaucoup plus chères, qui viennent de France, notre beau pays, et vont ainsi faire vivre ce fier maraîcher qui a sué corps et âme pour me fournir ce beau produit ». Au mieux, c’est une bêtise : il n’est pas du tout évident que la fraise produite sous serre chez nous vaille mieux, « carboniquement parlant », que sa copine marocaine élevée en plein air, même venue par voie maritime.
Autre alternative, peut-être visée par cette politique de la traçabilité : laisser sous-entendre que la production étrangère est de moindre qualité. Mise en situation : mêmes fraises, même consommateur, et même mot, « Maroc », barrant l’étiquette.
L’idée, cette fois, est de voir le client s’exclamer : « rhalala, beurk, ça vient du Maroc, c’est pas bon, j’en prends pas. » Insultant, si ce n’est xénophobe.
Mais le plus drôle, surtout, c’est que cette décision a été prise sans aucune concertation avec les principaux intéressés, les distributeurs, petits et gros. La Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, pour la grande distribution, de même que l’Union nationale des détaillants en fruits et légumes, pour les petits commerçants, tombent littéralement des nues. Elles s’offusquent toutes deux d’être « mises devant le fait accompli », et se lamentent « du coût supplémentaire que cela va engendrer pour elles. » À deux doigts, en somme, de crier au fou. Mais Hervé Novelli, lui, « se félicite » de ce décret. Un grand rigolo, ce bon Hervé. Origine ? France, assurément.
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N’importe quoi cet article ! Nous ressortir jusque dans les fruits et légumes, ça tourne à la fixette.
Et comme d’autres lecteurs, j’espère bien qu’on sera de mieux en mieux informés sur l’origine des produits, alimentaires ou non, qu’on consomme.
Ca concerne aussi le "made in EU", qu’il serait bien de remplacer par une indication géographique plus précise…