Alors que la réforme des Chambre de commerces ne sera pas examinée par le parlement avant le printemps, des grincheux contestent toujours la régularité des derniers budgets de la tête du réseau.
A 73 ans, Jean-François Bernardin, le grand patron du réseau des chambres de commerce sait y faire pour mettre les rieurs de son côté. La semaine passée, en conférence de presse, il a fait rigoler les journalistes en chambrant à plusieurs reprises ce gamin de 35 ans qu’est le secrétaire d’Etat à l’emploi, Laurent Wauquiez. Histoire de lui montrer qui a le vrai pouvoir…
La conférence de presse – sur l’emploi des seniors dans les PME - se tenait d’ailleurs avenue de la Grande Armée près de l’Etoile. Là où siège l’ACFCI, ( l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie ) fief tenu depuis 2001 par Bernardin, également patron de la Chambre de commerce de Versailles.
Le tout s’est achevé par un cocktail bien sympathique dans la tradition consulaire et tout le monde était content et de bonne humeur. Las, Bernardin ne parvient plus à fluidifier de la même manière les rapports avec ceux qui l’ont élu président de l’ACFCI c’est-à-dire les patrons de CCI. Partisan de la réforme contestée conduite par le secrétaire d’Etat chargé du commerce, son copain Hervé Novelli, Bernardin fait face à la fronde de certaines baronnies, CCI de Paris, de Lille, d’Alés, du Gers et quelques autres.
La réforme qui est engluée dans le calendrier parlementaire doit rationaliser les réseaux des chambres pléthoriques ( 148 CCI plus les chambres régionales ), via une concentration du pouvoir aux chambres régionales et un renforcement de l’ACFCI. Elle doit aboutir à ce que l’Etat pilote le budget consulaire, histoire de faire des économies, le réseau brassant 4,5 milliards d’euros par an, parfois joliment gaspillés, et tirés en partie la taxe professionnelle.
Lien de cause à effet ou pas, Bernardin a d’autres soucis internes. Voilà deux ans que l’ACFCI fonctionne avec des comptes qui ne sont pas régulièrement approuvés. Certains refusent de les voter et stigmatisant la « dérive financière » de l’organisation qui emploie une bonne centaine de salariés et la « situation catastrophique de ses filiales ».
Comme déjà raconté, le budget rectificatif de 2009 n’a toujours pas été approuvé. Et voilà qu’aujourd’hui certains patrons un peu procéduriers veulent chercher des poux dans la tête de Bernardin au sujet des comptes 2008. Les instances internes doivent se réunir mardi 16 et le sujet pourrait revenir sur la table.
Certitude en tous cas, débattu lors de l’assemblée générale du l6 juin dernier, le "budget exécuté 2008" a donné lieu à des échanges assez vifs, loin de la tradition feutrée où tout se règle entre “fréres“, en bonne intelligence maçonnique.
« L’analyse des comptes exécutés de l’ACFCI, de 2005 à 2008 fait apparaître que les capitaux propres sont passés de + 4,8 millions à – 4,5 millions, le fonds de roulement de + 4,8 millions à - 2,8 millions et les dettes de 7,7 millions à 96 millions d’euros » a ainsi pointé le Président de la CCI de Brest.
Raison apparente de cet endettement fantastique, les déboires immobiliers dûs à la vente avortée des deux anciens immeubles parisiens qui devait en partie financer l’achat du siège de l’avenue de la Grande Armée, qui fait d’ailleurs l’objet de travaux supplémentaires. Mais l’acheteur, un promoteur immobilier, Michel Giraud – un homonyme de l’ex-président RPR du Conseil régional d’Ile de France - a fini par se désister dans des conditions qu’il faudrait éclaircir. Il n’a pas souhaité nous parler.
Au cours de cette même AG de la mi-2009, le représentant de la CCI de Paris, Pierre-Antoine Gailly en a rajouté une louche en s’interrogeant sur « le bien fondé de l’augmentation des frais de personnel de l’ACFCI (+14%) ce qui n’est pas courant dans les entreprises que celle-ci, a in fine, vocation à représenter ». Cerise sur le beau gâteau, « les frais de réception ont progressé en 2008 de plus de 13%, a-t-il aussi souligné ce qui ne devrait pas être de mise dans la situation économique à laquelle la France se trouve aujourd’hui confrontée ».
Evidemment, Bernardin qui compte des alliés s’est défendu. Au final, les comptes 2008 ont été approuvés par 114 voix, 20 contre et 12 abstentions. Mais voilà des grincheux ressortent le règlement intérieur de l’ACFCI qui précise qu’un budget doit être approuvé « à la majorité des 2/3 de ses membres de l’organisation » et non pas 2/3 des présents à l’AG. Or avec une ACFCI comptant 170 adhérents, Bernardin aurait dû réunir 117 voix favorables pour faire adopter son budget.
« Tout cela, c’est une histoire de cornecul qui n’a pas de conséquence sur l’exécution des budgets, commente le directeur des relations avec la presse à l’ACFCI, Bernard Giroux. Jusqu’à présent il y a toujours eu une majorité pour. Mais on s’est aperçu à l’occasion de cette opposition qu’un décret pris par Bercy il y a quatre ou cinq ans pour modifier le règlement intérieur avait fixé cette curieuse règle. C’est une vraie connerie ce décret. D’ailleurs le ministère de tutelle s’en est rendu compte. Avec la réforme des CCI, on va rétablir la règle initiale qui vaut ailleurs. Il n’y aura plus de soucis pour les comptes »Voilà un cas d’école qui devrait passionner les juristes ! En attendant, on a retenu le truc. Un décret est contrariant, il n’y a qu’à le faire changer…
Sur le fond, il n’y a pas de souci. « On a un bon budget, assez bien foutu, intelligent, avance Bernard Giroux. Et le porte-voix de l’ACFCI, un peu fanfaron, de continuer. « Si les finances publiques étaient gérées comme l’est le réseau consulaire, on ne serait peut-être pas aussi endetté ».
Pourquoi ne pas nommer Jean-Louis Bernardin ministre des finances au prochain remaniement ?
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