Un milliard d’euros. C’est la somme qu’Apollonia, une société immobilière basée à Aix-en-Provence, a escroqué à plusieurs centaines de riches clients. Des têtes – de notaires – commencent à tomber.
Apollonia dénombre à peine moins de fans qu’Apollon le glorieux de fidèles derrière son chariot de feu. Aux dernières nouvelles, 463 clients de cette société immobilière aixoise se frottaient les bourses devant ses juteux programmes. Des programmes immobiliers sous forme de pack tout compris : emprunts locataires, montages fiscaux, etc. Argument choc, les loyers prévus par Apollonia allaient permettre de couvrir tout le meccano financier. Difficile de résister à un achat immobilier sans bourse délier. L’ordonnance a convaincu bon nombre de médecins, espèce fort répandue sur la côte méditerranéenne et clientèle-cible du projet. À travers la France, c’est toute une profession qui a fait tinter son stéthoscope à la gloire d’Apollonia. Un peu vite.
« La différence de prix entre les biens expertisés et les biens vendus avoisine le milliard d’euros », estime Maître Gobert, avocat des parties civiles. Une marge suffisante pour que des juges marseillais aient pris la peine, depuis bientôt deux ans, de mener une instruction à l’encontre d’Apollonia et de ses muses pour escroquerie en bande organisée, faux, usage de faux et exercice illégal de l’activité d’intermédiaire.
Les complices d’Apollonia comptaient des notaires peu précautionneux, des commerciaux fâchés avec les rendez-vous ou la paperasse et des banques guère regardantes. Tout ce monde mangeait grâce à la surévaluation des biens, explique un rapport d’expertise précieusement conservé par les magistrats marseillais : « Du promoteur immobilier aux banquiers prêteurs, sans oublier les notaires instrumentaires, dont les émoluments (au tarif de 1%) sont calculés sur ce prix, et bien sûr la SAS Apollonia, commissionnée à hauteur de 12 à 15% ».
Avec des biens allant de 800 000 à 4 millions d’euros, tout le monde y trouvait plus que son compte. Alors, chacun a mis du sien et fermé les paupières sur les irrégularités. Les procurations, remplies par les clients ou tout simplement falsifiées, s’entassaient et étaient enregistrées par les notaires. La société Apollonia bidouillait les dossiers de ses clients afin que les coffres des banques leur soient ouverts, quitte à créer des comptes à leur insu. Et les demandes de crédits étaient généreusement accordées, bien au-delà du taux généralement admis. Seul baudet à tirer la charrette en feu d’Apollonia : le client, inévitablement conduit au surendettement pour combler la surévaluation du mirifique bien acquis.
Las ! toute idole a son crépuscule. Et le culte à la déesse Apollonia a été mis à bas, à partir de février 2009. D’abord ses grands prêtres, la famille Badache : le père Jean, la mère Viviane et le fils Benjamin. Une trinité, mise en examen, qui avait pris soin de placer les deniers du culte dans le grand duché du Luxembourg comme dans la douce Helvétie. Ensuite leur zélote, Rémy Suchan, grand ordonnateur commercial d’Apollonia, chargé de transmettre la bonne parole aux fidèles. Désormais, ce sont les scribes qui trinquent. Arrêtés le 15 janvier dernier, trois notaires provençaux, Maîtres Brines, Courant et Jourdeneaud, dorment à la prison des Baumettes et leurs demandes de remise en liberté ont été rejetées le 27 janvier.
En attendant, peut-être, le tour des grands argentiers. Les banques, et notamment le Crédit mutuel, fortement titillées dans la procédure pour la caution qu’elles ont apportée aux démarches d’Apollonia et pour la légèreté de leurs contrôles, pourraient avoir à se justifier. Quand meurt la foi, ne restent que les apostats.
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