Simple conseil. Pour éviter d’entrer en contact avec ces aoûtiens envahisseurs qui vous feraient perdre votre latin, chers autochtones, barricadez-vous chez vous.
Cette rubrique a pour fonction de décrypter le mode de vie parasitaire de l’aoûtien, sa façon d’infecter son hôte et les moyens de vous en débarrasser…
C’en est fini de la faune de juillet, les voilà à présent revenus à leur point de départ : les files d’attente de l’ANPE. Mais ne croyez pas que vous allez finir l’été tranquille, je ne sais pas où vous habitez mais pour ma part je considère l’autre espèce, les aoûtiens, comme une variété encore plus pernicieuse que les juilletistes. Appelé aussi rougets cuits à point ou pinzutti en Corse, les aoûtiens envahissent temporairement les régions côtières à fort ensoleillement et occasionnent des démangeaisons d’exaspération parfois dramatiques chez les autochtones.
Le plus souvent accompagnée de ses petits mômignards dont certains encore poupards sont attachés dans des appareillages à roulettes, la famille aoûtienne vit à la surface du sol des plages et contamine l’indigène lorsqu’il passe à proximité. Véritable publicité sur pattes, la peau de l’aoûtien est ornée de poils et de divers colifichets que l’autochtone infecté singe aussitôt. L’épidémie de 2009 consiste surtout à se précipiter chez les camelots pour se procurer les dernières sandales Birkenstock et les lunettes Persol. On se souvient de la terrible infection 2008 qui avait vu l’irruption par millions des sabots en plastique injecté parfaitement ridicules à 48 € la paire, s’il vous plaît. (Ayant été infecté moi-même, j’ai deux paires à vendre quasi neuves, si ça vous intéresse…)
Une fois infecté, l’autochtone commence à perdre sa prononciation et à parler étrangement, c’en est fini de son bel accent du cru : « je vè cherchèr le paingue à la boulaangerie… euh, con ! ». Contaminé, il dira alors : « Ma chérie, je m’en vais vaquer au dehors de notre logis afin d’acquérir une inappréciable baguette qui nous sustentera pendant ce charmant repas de midi que tu prépares avec la virtuosité qui te singularise… »
En présence d’aoûtiens dans votre commune, évitez de sortir, barricadez-vous dans votre maison et jetez les Birkenstock et les Persol à la poubelle (dites-moi où vous habitez avant…). Pensez également à planter sur vos fenêtres, entre une bouteille d’huile d’olive et une de 51, de l’ail ou des lavandes, des plantes du sud que les aoûtiens ne supportent pas du tout, ou mieux, si le parasitage persiste malgré tout, lavez tout, du sol au plafond au savon de Marseille en hurlant « Allez l’OM ! ». Si cela n’est pas suffisant, il existe des promontoires rocheux suffisamment élevés dans les calanques de Piana ou sur la route des Crêtes entre Marseille et La Ciotat pour ne pas rater votre saut, il s’agit là de la manière la plus efficace pour faire en sorte que les aoûtiens ne reviennent plus vous déranger.
Mais que faire alors si le plongeon du haut des falaises vous répugne ? Et bien il s’agit avant tout d’être patient pour une raison très simple, c’est ainsi, aucun aoûtien ne résiste à l’arrivée de septembre. En effet, la reproduction des aoûtiens se faisant uniquement sur les plages durant la saison sèche, au premier orage, les aoûtiens plient aussitôt bagage vers le nord du continent. Toutefois, les femelles ayant pondu dans le sable des GPS, on est certain de les retrouver en août 2010 mais on sera tout de même désinfecté pendant onze mois… À moins que l’on ne devienne soi-même aoûtien. C’est hélas possible. On a vu encore récemment des indigènes du sud de la France, des E.P.O. (Eau, Pastis, Olives) devenir brutalement d’ignobles aoûtiens et s’en aller contaminer des pauvres Suédois.
C’est un secret de polichinelle, Stieg Larsson, le célèbre auteur des Millenium avait intitulé son deuxième tome : « La minotte qui rêvait d’un pastaga et d’une boule de pétanque ». Heureusement, son éditeur veillait au grain et a eu la bonne idée de changer le titre, on voit qu’il a eu raison…
Denis Blémont-Cerli est Marseillais et Corse à la fois. Il a longtemps pratiqué son métier de policier à Paris et est l’auteur de Marseille-Corse, aller simple, Retour à Lama, Le Roman de 1770 et L’Affaire des Jumeaux de l’Île Rousse.
Animé par le romancier Ugo Pandolfi, le blog www.corsicapolar.eu est un espace collaboratif, interactif, multi-auteurs et multimédia depuis 2006.