En décembre, le gouvernement a discrètement décrété un moratoire de trois mois sur le rachat de l’énergie solaire par EDF. À l’origine de cette décision, un rapport pondu par un administrateur du mastodonte de l’électricité…
Et une pilule de plus à avaler pour ceux qui croyaient encore à l’écologie à la sauce Sarkozy, une ! Après deux baisses consécutives du tarif de rachat de l’énergie solaire, le gouvernement a discrètement instauré, à la fin décembre 2010, un moratoire de trois mois, suspendant ainsi l’obligation pour EDF de racheter cette énergie verte aux tarifs actuels. La filière se demande même si le gouvernement n’a pas décidé de tuer une industrie émergente. D’ailleurs, à la suite de l’annonce du moratoire, la principale entreprise du secteur, Photowatt, a annoncé 95 licenciements.
Officiellement, il s’agit juste de se donner le temps de revoir les règles encadrant le développement de l’énergie solaire, au motif qu’on friserait une surchauffe du secteur. Une analyse a priori pas dénuée de fondement. De plus en plus de petits malins se seraient mis à construire des bâtiments vides, aux seules fins de bénéficier des tarifs attractifs de rachat par EDF. Une véritable bulle spéculative se serait formée. À force, tout cela finirait par coûter trop cher à EDF, qui serait obligée de le répercuter sur ses prix. En plus, rappelle Nathalie Kosciusko-Morizet, ces mesures ne dopent pas l’emploi en France puisqu’on importe massivement des panneaux solaires d’Asie… N’en jetez plus ! Il était donc urgent de sonner la fin de la récré.
Pourtant, les acteurs du solaire commencent à trouver la potion bien amère et pointent le rôle pour le moins ambigu d’EDF dans le dossier. Le lobbying du mastodonte, obligé de racheter – cher – l’électricité solaire produite, ne serait pas tout à fait étranger à la nouvelle religion gouvernementale en matière d’énergie solaire. Il est vrai que certains faits sont troublants. Ainsi, le rapport qui préconise de lancer un grand seau d’eau froide sur le secteur a été rédigé par deux experts, Jean-Michel Charpin et Claude Trink, dont l’indépendance à l’égard d’EDF est toute relative. Le premier est membre du conseil d’administration d’ERDF et ex-administrateur d’EDF. Le second est notoirement lié au lobby du nucléaire. Qu’ils soient chargés aujourd’hui de mener la concertation sur l’avenir de la filière fait donc un peu tousser les acteurs du milieu.
Autre preuve, aux yeux de ces derniers, du poids des liens incestueux entre les pouvoirs publics et EDF dans cette affaire : avant même que le gouvernement annonce une baisse des tarifs de rachat, la filiale d’EDF spécialisée dans le solaire, EDF EN, a déposé un nombre astronomique de dossiers. Le groupe a d’ailleurs été condamné en octobre par le tribunal administratif de Nîmes pour avoir usé d’informations propres à fausser la concurrence dans le cadre d’un appel d’offres pour équiper des bâtiments publics. Sur le photovoltaïque, EDF est visiblement bien informé des projets gouvernementaux. Parce qu’il les a largement inspirés ?