En juin dernier, un rapport de l’Insee, prestement rangé dans les archives de Bercy, dénonçait l’ampleur des niches fiscales dont bénéficient les multinationales. « Bakchich » a pu mettre la main dessus.
Christine Lagarde dénonçait, mercredi 7 mai, les niches fiscales des particuliers. Pas un mot en revanche de notre ministre sur les cachotteries des grandes entreprises, dénoncées pourtant dans un rapport de Bercy, en juin dernier. Lequel fut prestement enterré.
« Les niches fiscales dans le collimateur de Bercy ». Le mercredi 7 mai, la ministre de l’Economie, Christine Lagarde, dénonçait haut et fort « un certain nombre d’abus » dont se rendent coupables les particuliers largement exonérés de l’impôt sur le revenu. Pour un gouvernement condamné à faire les fonds de tiroir, cette lutte contre les « niches » fiscales devrait permettre de trouver le milliard et demi nécessaire au financement du RSA (Revenu de solidarité active). Haro donc sur le contribuable !
Seule surprise, la ministre des Finances a omis de parler des « niches » fiscales qui concernent les grosses entreprises. La manip est simple : les groupes puissants choisissent des paradis fiscaux, type Suisse, Hollande ou Luxembourg, pour établir leur siège social. La maison mère prête de l’argent à des filiales installées par exemple en France. Lesquelles filiales paient de gros taux d’intérêt au holding de tête. Et comme ces intérêts sont déductibles du bénéfice imposable, le fisc français se retrouve grugé d’autant. Comme d’autres pays, la France a mis en place, depuis le premier janvier 2007, un dispositif pour lutter contre de tels dérapages. Encore faut-il le faire connaitre aux services fiscaux chargés d’appliquer la loi.
Conscients de ces enjeux, les têtes d’œuf de Bercy et de l’INSEE organisaient le 20 juin 2007, un symposium au ministère des Finances sur ce sujet. Madame Lagarde ne peut pas prétendre ignorer ces pratiques, comme elle l’a fait pourtant face à la journaliste de Bakchich durant sa conférence de presse. (Lire ou relire dans Bakchich : Sophie Huet monte Lagarde)
Ce jour là, un exposé fort complet, se basant sur des chiffres datant de 2003, évalue à 120 millions d’euros par an, l’évasion fiscale des grands groupes français ou étrangers basés à l’extérieur de l’hexagone et exerçant une partie de leurs activités en France. Soit six cent millions d’euros depuis cinq ans, et sans doute bien d’avantage. Les services du Trésor et de l’Insee ont en effet travaillé avec les données fournies par les grandes entreprises et pas forcément fiables. Et ils sont connus pour leur extrême prudence. Edifiant !
Apparemment, cette niche fiscale des filiales française des multinationales est protégée par un chien, et du genre méchant. Rien n’a filtré de ce symposium. Et pour cause, les hauts fonctionnaires présents n’ont pas eu droit au rapport fort pointu rédigé par leurs collègues de la direction du trésor et de l’Insee. Pas une copie distribuée, pas un écho dans les revues internes du monde financier gouvernemental. Il faut dire qu’en juin dernier, le paquet fiscal vient d’être adopté. Dur de faire un joli cadeau aux plus fortunés des Français, tout en apprenant que nombre d’entre eux fraudent légalement l’impôt par des astuces comptables.
Quelques mois plus tard et alors qu’il n’y a plus un sous dans les caisses, on aurait pu imaginer que la ministre annonce triomphalement les résultats de cette lutte exemplaire contre la dissimulation fiscale des grands groupes industriels. Et bien pas du tout. Pas un mot de notre ministre des finances. Pire, interrogée par une journaliste de Bakchich, madame Lagarde prétend tout ignorer du sujet (Voir ou revoir notre vidéo dans Bakchich : La drôle de guerre de Madame Lagarde contre les niches fiscales). Sans doute, le combat de Madame Lagarde contre les multinationales, mené sans publicité excessive, n’a pas tourné à l’avantage du ministère des Finances.