Fac simile -Sans bredouiller, Sarko, a re-servi aux agriculteurs un discours d’occase. De première main (sur le coeur).
Une fois de plus, il a fallu que la lumière passe pas la case « variétés » : c’est le « petit journal » de Yann Barthès, sur Canal+, qui a levé le lièvre, en diffusant, en synchronie parfaite, les deux discours identiques prononcés par Sarkozy le 19 février et récemment, à l’intention des agriculteurs. Mot pour mot, pendant un bon quart d’heure, le Superprésident déverse des sucreries sur les talents des exploitants agricoles, leur vocation franchement nationale, et l’affection particulière qu’il leur porte – tout en claironnant sa confiance envers le ministre de l’Agriculture, qui, hélas, a changé entre les deux spectacles ! Et, scoop du scoop, on retrouve en copié-collé la fameuse phrase (pétainiste à mort) sur les rapports consanguins entre la terre et l’identité nationale qui a suscité, chez les penseurs de la presse, tant de subtiles dissections en octobre, alors qu’en février, personne ne l’avait remarquée…
On peut le dire à l’ancienne, c’est un fameux « pan sur le bec » à tous les journalistes politiques de France, de Navarre et même de leurs banlieues respectives. Ils ont la réputation de tout comprendre et de tout savoir, ce qui leur permet de tout expliquer. Ils pérorent sur les plateaux et dans leurs éditos, en évaluant les sous-entendus, en mesurant les implications, en rivalisant de dialectique sur nos radios à l’heure du café-crême et des tartines, droite contre gauche, dans des « duels » de cloches assez consonnantes pour nous réveiller. Je ne citerai pas de noms, juste quelques prénoms : Alain, Laurent, Sylvie, Denis-le-boss, et les autres, évidemment. Chacun dans son style, ils ont monté leur gamme sur leurs ondes favorites, sans écouter certains syndicalistes agricoles qui parlaient de « déjà entendu »… Sauf s’ils ont perdu la mémoire – ou s’ils travaillent de douzième main, eux aussi - ces grands professionnels auraient peut-être du consulter leurs archives, comme les coquins de Yann Barthès ont eu le nez de le faire. Et on va finir par croire que la meilleure image de Sarkozy, la plus véridique, la plus troublante, avec ses bredouillis lorsqu’il n’a pas son texte, ses questions idiotes (« C’est quoi ça ? – Un livre », lui répond un gosse de maternelle), ce sont les histrions qui nous la donnent, pour nous amuser. Enfin, dans une certaine mesure…
Il est vrai que, pour rassurer les veaux et la fermière, Sarko-la-Ruse avait distillé du nouveau : « 1 milliard de prêts bancaires et 650 millions d’euros de soutien exceptionnel de l’Etat ». Dès qu’on balance des chiffres, les « spécialistes » frétillent. Les uns pour applaudir à cet « engagement exceptionnel », les autres pour dire « pas mal mais devrait mieux faire », et une toute petite pincée pour se demander où on va trouver encore tout ce pognon. On pourrait, par exemple, demander aux restaurateurs de le règler directement aux paysans, à partir de toute l’économie de TVA qu’on leur a stupidement accordée : vases communicants, puisqu’ils achètent les produits de nos champs et de nos étables, et même du lait pour faire les clafoutis. Donc, en grinçant des roues, les tracteurs ont fait demi-tour, et les sinistrés du marché du lait sont allés ruminer la vieille morphine des primes et des prêts bonifiés. Ah ! si seulement, dans le quart d’heure, l’AFP ou Reuters avaient pointé du doigt le culot (ou l’incompétence : il n’a pas, lui-même, reconnu le topo, c’est clair) d’un Président qui leur ressert une litanie pour les amadouer, avant de les endormir, comme Michael Jackson, avec une grosse cuillère de Propofol ! Peut-être auraient-ils eu le sentiment d’être traités comme des gros couillons, avec l’approbation de leurs gros dirigeants qui baffrent à la mangeoire de l’UMP comme le Pape croque l’hostie. Peut-être auraient-ils balancé vers la tribune présidentielle une bouse de février, plus très chaude, mais toujours bonne à prendre. Peut-être auraient-ils fait virer, parmi les plumes du président, celles qui ont eu l’audace de re-pondre cet oeuf. Il m’a l’air d’abriter de sacrés cocottes, son poulailler d’orateurs à gages !
Enfin, on a maintenant la preuve qu’il dit n’importe quoi, le monsieur. On pourrait lui faire lire la liste de la blanchisserie ou l’annuaire téléphonique, un jour de pénurie plumassière. Il le ferait avec la conviction qu’on lui connaît, le regard intense, le geste emphatique, et cet engagement de toute sa carcasse pour l’exhibition physique de la sincérité passionnée… Quel cinéma ! Comment ne pas saluer la performance de l’acteur ? En tout cas, pour l’heure, c’est à peine si la révélation du « Petit Journal » a ridé la surface des lacs paisibles de la presse : à l’heure qu’il est, un papier dans 20 mn, un autre sur LeMonde.fr , qui glissera peut-être (qui sait ?) jusqu’à la rotative. On attend avec impatience Le Figaro. Et une question orale à l’Assemblée – manque de pot, d’ici la semaine prochaine, on aura oublié la gaffe…
Dommage : faire demander au Président par le ministre de la Culture où il a pris ses cours de parfait comédien, cela aurait de la gueule.
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