La vente de 3 sous-marins français au Pakistan en 1994 a coûté bonbon au contribuable. Mais son lien avec l’attentat de Karachi, qui a couté la vie à 11 Français en 2002, reste à démontrer.
Depuis le vendredi 19 juin et la sortie de Me Olivier Morice en fait, avocat des victimes de l’attentat de Karachi, le 8 mai 2002, les contrats passés avec le Pakistan sont à la une de l’actualité. En affirmant urbi et orbi que les onze ingénieurs de la DCN ont été tués en raison d’une guerre politico-financière, remontant à la présidentielle de 1995 entre le clan Chirac et le clan Balladur-Sarkozy, l’avocat a mis le feu aux poudres. Et des documents, signés par un ancien de la DST à la réputation mitigée, ont été publiés dans Libération selon lesquels la DGSE française aurait « brisé des genoux » de quelques gradés militaires. Autant de révélations à prendre avec prudence. Selon nos informations, cette campagne de presse soudaine est à prendre avec des pincettes.
Jusqu’à présent, ce vieux contrat de 1994, trois sous-marins fournis par la direction des chantiers navals (alors établissement public) au Pakistan contre 826 millions d’euros –n’intéressait pas grand monde.
Seule certitude, des versements de commissions avaient été engagés, de façon à l’époque légale, par Edouard Balladur, Premier ministre en 1994, et son ministre du Budget, Nicolas Sarkozy, puis bloqués par Jacques Chirac à partir de 1996, un an après son élection. Par peur que son ex-bras droit, vaincu à la présidentielle de 1995, ne se fasse un trésor de guerre.
Sacrée bagarre, en tout cas, autour de ce gros contrat… sur lequel s’est même longuement penché la Cour de discipline budgétaire et financière, « la juridiction administrative spécialisée, chargée de réprimer les irrégularités en matière de finances publiques », dixit le propre site de la Cour des comptes dont elle dépend.
Saisie en juillet 1999 par les ministères de la Défense, de l’Economie et du Budget, tous socialistes, la Cour a mis un brin de temps à rendre son verdict. 6 ans. Le temps de saler l’addition sans doute.
L’arrêté délivré par le Président Philippe Séguin n’a rien de bien tendre pour le contrat de vente de trois sous-marins Agosta au Pakistan, assortis d’un « transfert de technologie ».
En premier lieu, note le cerbère budgétaire, « la DCN n’avait jamais fourni jusqu’alors ce type de contrat » et, en conséquence, « les incertitudes étaient donc patentes sur le coût de fabrication des sous-marins (…) pesaient également sur la valeur des prestations liées à l’engagement de transfert de technologie pris par la DCN ».
Et pour une première, cela n’a pas été une réussite. « Avant même la signature du contrat, deux notes de travail du 24 juin 1994 et du 3 août 1994 faisaient état d’un résultat prévisionnel en perte »… Petit roulement de tambour… « respectivement de 650 millions de francs et de 310 millions de francs ». Pour finalement être estimé à « 500 millions de francs (soit plus de 76 millions d’euros) ». Du bel et bon œuvre, gagnant-gagnant… dont bon nombre étaient conscients.
« Il est établi que des agents de la DCN étaient conscients d’un risque financier important et que cette information a été communiquée par le directeur à sa hiérarchie », note l’ami Philou. Mais le contrat a quand même été signé et réalisé.
Le panier de la DCN est bien rempli quant aux irrégularités qu’ont occasionné la vente de sous-marins au Pakistan.« Concessions successives faites au Pakistan tant sur le contenu du contrat que sur les prix », « règles relatives aux achats de la DCN dans le cadre de la gestion des contrats confiés à DCN-I (…) ambigües ». En gros, le versement et la négociation de commissions, sur lesquels se penche actuellement la presse, n’ont pas obéi à des règles très claires…
En résumé, le contrat, déficitaire dès la signature, a pourtant été mené à bien, sans que les informations concernant les versements de commissions n’aient obéi à des règles très claires.
« Les éléments qui précédent font ressortir une mauvaise gestion financière caractérisant cette opération », tance l’arrêté. En termes moins policés, un contrat merdeux, sans aucun bénéfice pour les caisses de l’Etat… un peu plus pour celles des intermédiaires, à qui 4% du montant global, soit près de 33 millions d’euros, était promis. A se demander pourquoi le contrat a bien été passé…
Mais telle n’est pas la mission de la Cour de justice budgétaire, qui se borne à sanctionner les clampins de la DCN, alors en poste. Des amendes de 4.500 à 6.000 euros pour trois hauts fonctionnaires, alors en poste à la DCN… quand le déficit du contrat se chiffre à 75 millions d’euros.
Il est possible d’affirmer que ledit contrat qui a agité les sphères chiraquienne et balladuro-sarkozienne a coûté bonbon au contribuable.
A lire ou relire sur Bakchich.info
"Selon nos informations, cette campagne de presse soudaine est à prendre avec des pincettes."
Un peu court, jeune homme ! Se sentirait-on brenneux à Backchich, de ne pas avoir su ? ou peut-être de s’être fait enfumer ?