Après l’affaire Clearstream, Jacques Chirac est cité par le juge d’Huy dans l’affaire de la Sempap, une ancienne société d’économie mixte de la Mairie de Paris. Il va devoir se rafraîchir la mémoire - une fois de plus ! -, s’expliquer sur des détournements effectués lors de son mandat de maire de la capitale et démontrer pourquoi, qu’en dépit des alertes, il n’avait rien fait pour stopper le système.
C’est une sorte de revanche : le juge d’instruction Jean-Marie d’Huy va enfin pouvoir mettre Jacques Chirac sur le grill en son cabinet du pôle financier de Paris. Cela fait presque un an qu’il attendait ce moment. En juin dernier, alors qu’il souhaitait entendre le Chi comme témoin dans l’affaire Clearstream (dont il est co-saisi avec son collègue magistrat Henri Pons), le magistrat s’était sèchement fait renvoyer dans les cordes par l’ancien chef de l’Etat. Chirac avait excipé de l’article 67 de la Constitution, couvrant ses faits et gestes pendant son séjour à l’Elysée, pour refuser d’apporter ses lumières sur la manip anti-Sarko des faux listings Clearstream. D’Huy avait du s’incliner. Fort marri.
Mais également chargé d’enquêter sur les magouilles de la Sempap, cette ancienne société d’économie mixte de la Mairie de Paris lors du règne chiraquien, le magistrat financier se fait maintenant un point d’honneur à chatouiller l’Ex, à travers une convocation en bonne et due forme au pôle parisien. A la clé pour Chirac, déjà mis en examen dans l’affaire des chargés de mission fictifs de la ville, une éventuelle nouvelle mise en cause « pour complicité par abstention du délit de favoritisme dans les marchés publics, détournement de fonds publics et abus de bien sociaux ». Une bien mauvaise nouvelle au moment où la nouvelle fondation Chirac vient d’obtenir le label « d’intérêt public ».
Le citoyen Chirac, qui bénéficie comme tout le monde de la présomption d’innocence, est suspecté d’abord avoir fermé les yeux sur un système de surfacturation mis en place dans les marchés de travaux d’impression de la Mairie de Paris au bénéfice d’un de ses amis gaullistes. Sans grand respect pour les procédures d’appels d’offres. Et, également, d’en avoir personnellement un petit peu profité…
Selon les résultats de l’enquête judiciaire ouverte en septembre 1997, malgré deux rapports de ses services d’inspection l’alertant sur les anomalies du système Sempap, en 1989 puis en 1992, le maire de Paris avait laissé le système se poursuivre.
Devant le juge, le Chi pourra difficilement s’en sortir en plaidant l’ignorance. Son paraphe manuscrit a été retrouvé sur une note du 21 septembre 1992, rédigée par son directeur de cabinet d’alors, Michel Roussin, le mettant en garde face au dysfonctionnement de la Sempap. Une autre étude signée Remy Chardon, alors patron de l’Inspection générale de la ville, était annexée à cette note Roussin. Elle proposait de remettre de l’ordre dans les affaires troubles de la Sempap. Chirac avait apposé son paraphe à la lettre de Roussin : « Je suis d’accord avec toutes les propositions de Chardon. Les mettre vite en œuvre ». Et pourtant rien n’a été fait pour mettre fin aux détournements avant la fin 1995, sous le mandat Tibéri. Jusqu’alors l’argent de la ville affluait sur les comptes en banque d’un imprimeur privé proche du RPR, dont cinq curieusement ouverts à 20 000 kilomètres de la capitale, à la Banque de Polynésie à Tahiti, terre chiraquienne s’il en est.
Autre élément gênant pour le Chi : au cours des perquisitions chez cet imprimeur, aujourd’hui décédé, ont été retrouvées des cartes de vœux imprimées au nom de Bernadette Chirac, conseillère générale de Corrèze. Un « cadeau » offert par ce gentil entrepreneur proche de la Mairie au couple Chirac, comme l’ont reconnu les témoins. L’Ex, qui sera cuisiné très prochainement par le juge Jean-Marie d’Huy, pourra néanmoins insister sur la valeur finalement minime de cette gracieuseté : entre 150 et 250 euros, selon l’enquête. Un pourboire pour l’ami des milliardaires Hariri ou Pinault.