Dans son édition du 24 novembre, Libération affirme que "l’Etat a accepté de dédommager en 2009 l’organisateur des rétro-commissions" du contrat de vente de sous-marins au Pakistan, le cœur du Karachigate. Mieux, le quotidien de la gauche tarama avance un chiffre de 8 millions d’euros, et un accord conclu le 24 janvier par un haut représentant de l’État français afin de sceller le silence de Jean-Marie Boivin, alias l’Alfred Sirven de l’Armement, maître ès commission, vexé que les marchands d’armes aient arrêté de le faire bosser,….
Et le journal n’avance pas ce scoop sans un biscuit bien dur. Rien de moins qu’un jugement de la Haute cour de l’île de Man, qui "atteste l’existence de cet accord- une pièce qui n’est pas encore versée au dossier du juge Van Ruymbeke". Bigre, les journalistes ont devancé les limiers de la financière.
Las, alliées au brouillard juridique, les brumes du paradis fiscal peuvent égarer jusqu’au plus hardi des enquêteurs.
Pour passionnant qu’il soit, le jugement du 28 octobre 2009 de la Haute Cour de l’ïle de Man auquel Libé fait référence et que Bakchich publie ci-dessous in extenso, ne garantit pas l’existence d’un accord entre l’État français et le sieur Boivin. A lire de près la décision, elle aurait même tendance à suggérer le contraire.
La juridiction de Douglas, charmante capitale de Man, n’a même pas été saisie à ce sujet… Décryptage.
Le 15 octobre 2009, une certaine société Simker Limited, domiciliée à Douglas, dépose une requête en vue de retirer une assignation en paiement placée antérieurement devant la Haute Cour avec demande d’extension de ses effets hors juridiction, à l’encontre des sociétés DCN International SA, DCNS SA et Thalès.
L’assignation elle-même portait sur une somme de 8 millions d’euros, au titre d’une prétendue créance de ce montant due à Simker par les défenderesses.
Une procédure d’une banalité affligeante si ce n’était l’identité des débitrices présumées et la nature de la créance supposée. Les pièces jointes à l’assignation suscitent évidemment la curiosité lorsqu’elles affirment que : « …les services rendus par Monsieur Boivin, l’ont été par le truchement de la Société de Développement International Heine SA qui appartient en totalité à la demanderesse, la créance de Monsieur Boivin au titre de sa note d’honoraire ayant donc été transférée à ladite société… ».
La demande de retrait de l’assignation s’expliquait, d’après les pièces jointes à la requête, par « une transaction amiable intervenue entre la plaignante et un représentant des défenderesses, par ailleurs ‘haut fonctionnaire du gouvernement français », heureuse issue datée du 24 janvier 2009.
Un accord qui ne manque pas de plonger l’honorable juge Deemster Doyle, en charge du litige, dans la perplexité.
A réception de la requête en radiation de Simker, aucune copie de la transaction amiable du 24 janvier 2009 justifiant la demande, n’est jointe comme l’exigent pourtant les « Rules 2009 of the High Court of Justice ». Interrogée par e-mail le 22 octobre 2009 par le Greffe du tribunal sur cette omission de taille, Mademoiselle Pimbley l’avocate de Simker, admettra non sans une gêne manifeste, qu’il n’existait aucun document matérialisant la transaction qui aurait été conclue verbalement ( !). Au passage, le magistrat s’étonne que l’attestation de sincérité des avocats sur les documents qu’ils produisent n’a pas été signée…
Plus troublante encore, la copie de l’acte de reprise des dettes et des créances de Heine par Simker date du 21 juillet 2009, soit six mois après qu’un accord oral a prétendument réglé le différend. Transmis parmi les pièces jointes à son assignation initiale, le dit acte comporte une clause n°4 selon laquelle la mystérieuse transaction amiable conclue « verbalement » relève de la compétence de la Haute Cour de l’Ile de Man.
Deux manières de dire que le prétendu accord du 24 janvier 2009 était une mascarade dont on comprend mal la destination, et qu’à partir de l’Ile de Man, Simker se ferait fort de contraindre DCNI & Co à venir s’expliquer devant la Haute Cour et d’honorer leurs hypothétiques engagements.
En résumé, Simker demande à retirer une plainte déposée en octobre, sur une créance qu’elle a récupérée en juillet, en vertu d’un accord verbal obtenu en janvier. Elementaire…Et accordé.
Le 28 octobre 2009, la Haute Cour de l’Ile de Man se prononce donc uniquement et favorablement sur la demande de retrait d’assignation de Simker. Elle n’a en aucun cas, garanti un quelconque accord, quel qu’en fussent la date, le montant, ni attesté de son l’existence. Ce qui laisse à Boivin tout loisir de déposer sa plainte dans une autre juridiction… Une sorte d’assurance pour le résident luxembourgeois, devenu administrateur de Simker le 3 novembre 2009.
Tout au nord ouest de l’Angleterre, proche des froides et inhospitalières eaux irlandaise, se niche un petit coin de paradis…fiscal ! L’ïle de Man. Où sont peut-être planqués les secrets du Karachigate.
Y est domiciliée Simker, trust créé en 1990, propriétaire de Heine et…actionnaire majoritaire d’Eurolux. Soit les deux sociétés off-shores créés par Boivin, avec l’aval de Nicolas Sarkozy directeur du budget, pour répartir les commissions de la vente de sous-marins au Pakistan. Détail qui peut sembler insignifiant, après l’arrivée de Boivin à la tête de Simker, le trust s’est fait trustee. C’est à dire patron de la société de gestion du trust. Bref un nouvel écran…Ou une glace sans tain, chargée de dissimuler les véritables bénéficiaires du trust.