Barack Obama et Vladimir Poutine, frères ennemis. Sous l’oeil des Etats-Unis, Moscou arme nombre de pays de la région.
La première centrale nucléaire de l’Iran a été inaugurée le 21 août à Bouchehr dans le sud du pays. Elle fût construite avec l’aide technique de Moscou qui fait les yeux doux aux Mollah de Téhéran. C’est un véritable pied de nez à Israël et « doigt dans l’oeil » de l’Amérique, selon les termes de l’ancien ambassadeur américain et néo-conservateur patenté à l’ONU John Bolton, tenus le 17 août sur la chaine Fox Business Network.
Le lendemain, en marge du sommet de Sotchi, ville balnéaire située sur les bords de la mer Noire et prisée des Tsars de la Grande Russie, de Pierre le Grand à Poutine, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, rétorque qu’il s’agit au contraire « d’une ancre essentielle maintenant l’Iran dans le régime de non-prolifération » nucléaire. Bataille de mots, guerre des nerfs… Il s’agit surtout pour la Russie de s’ancrer plus avant dans la région.
En effet, Moscou a installé peu auparavant, des batteries de missiles intercepteurs S-300 en Abkhazie et des armes de défense aérienne en Ossétie du Sud, sur la rive nord de la mer Noire, avec pour prétexte la menace de la Géorgie… qui n’utilise pas d’avion de combat.
Ces deux petites républiques ont déclaré leur indépendance en 2008, réduisant la Géorgie comme peau de chagrin avant de provoquer la guerre russo-georgienne qui vit Tbilissi se faire ratatiner par l’armée russe venue défendre ces petites républiques soeurs que seul le Kremlin a reconnues.
Moscou a mis en place ces batteries pour faire contrepoids à la Sixième Flotte américaine qui mouille en Méditerranée et mer Noire et aux bases américaines de Constanta en Roumanie et de Bezmer en Bulgarie, où s’entraîne Tsahal.
L’attention des observateurs russes et iraniens a en effet été attirée par les exercices menés par l’aviation israélienne, et en particulier par le crash de l’hélicoptère israélien Yasur CH-53 dans les montagnes des Carpates en Roumanie le 26 Juillet. Il est évident pour eux que la façon dont le CH-53 s’est écrasé ainsi que le secret imposé par les autorités israéliennes indiquent un entraînement risqué d’attaques sur des sites nucléaires iraniens retranchés dans des tunnels creusés aux flancs de montagnes (source JSS news).
Il suffit de regarder une carte pour se rendre compte d’une autre motivation russe dans ce déploiement de force : ces installations empêchent que ne décollent des avions de chasse américains ou israélien des bases américaines en Bulgarie et Roumanie pour filer vers l’est, direction la Géorgie, l’Azerbaïdjan et la mer Caspienne au nord de l’Iran…
Si Tel Aviv est ulcérée de l’attitude des Russes à l’égard de la République islamique et du « laisser-faire » américain, Washington prend acte de ce retour de Moscou en Asie centrale. Les deux capitales ont décidé d’accorder leurs violons pour résoudre les dossiers brûlants de la région. Ainsi au sommet régional de Sotchi où le président Hamid Karzaï était présent avec ses homologues pakistanais, Ali Zardari, et Tadjik, Emomali Rahmon, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a promis de faire don à l’Afghanistan d’armes d’infanterie et de munitions pour lutter contre le terrorisme, avec l’aval de l’OTAN. Palettes de Kalachnikovs au menus.
La Russie et l’OTAN prévoient aussi la fourniture quasi gratuite de 27 hélicoptères russes Mi-17. Le gros avantage du MI-17 est d’être le meilleur pour voler dans l’air raréfié et poussiéreux de l’Afghanistan et d’être bien connu des aviateurs afghans qui l’ont pratiqué en URSS dans les années 80. Mais Moscou ne se contente pas de l’aspect militaire et organise son retour en douceur dans la vie Afghane. En avril dernier, Victor Ivanov, président de l‘office des stupéfiants, s‘est rendu à Kaboul, officiellement pour évoquer le problème de la drogue, en réalité pour réactiver les lobbies russes très présents dans l’administration où de nombreux anciens communistes officient. Reçu par le président Hamid Karzaï, il a évoqué la remise en chantier de 142 projets lancés à l‘époque soviétique sans oublier de proposer l‘aide de la Russie pour la prospection et l‘exploitation des richesses naturelles.
Les Américains regardent du coin de l’œil ce manège, et font contre mauvaise fortune bon cœur. Les Russes ont autant besoin qu’eux d’un Afghanistan stabilisé.