Ventes de frégates, sous-marins, torpilleurs et autres bateaux militaires : autant de marchés juteux signés par nos hommes politiques et les industriels, et dont « Bakchich » raconte les coulisses. La bagarre qui a déchiré la droite pour la présidentielle de 1995 a perduré pour le partage des commissions obtenues sur ces beaux contrats. Dès l’élection de Chirac, les intermédiaires jugés trop à la solde des balladuriens sont virés. On envoie même une société de sécurité les effrayer un peu…
Jacques Chirac élu à l’Elysée, c’est le grand chambardement dans les principaux contrats d’armement des années 1990, les marchés « mammouths » comme disent les spécialistes. Une étude publiée en 2003 par le service historique de la Défense, émanation très sérieuse du ministère de la Défense, l’a même souligné : « Notons que sur l’initiative de Jacques Chirac quelques amendements sont apportés au contrat Sawari II. Le nouveau chef de l’Etat français obtient, en particulier, la diminution du montant des “commissions” versées en pareil cas aux “intermédiaires” ». Tout y est, mais la fameuse étude a depuis été retirée du site du ministère. Cela faisait désordre…
Bakchich l’a raconté jeudi 26 juin, la précipitation du gouvernement Balladur à engranger de juteux contrats (un avenant au marché des frégates de Taiwan, d’autres frégates vendues à l’Arabie saoudite, des sous-marins au Pakistan, en tout 3,9 milliards d’euros de matériels) avant la présidentielle de 1995 n’a probablement rien laissé au hasard. Certes, pour la vitrine, le résultat est formidable : l’emploi sera préservé dans les arsenaux grâce à ces millions d’heures à fabriquer tous ces beaux engins.
Mais le soupçon s’est installé : Balladur aurait utilisé ces contrats pour financer sa campagne. Les commissions perçues par l’équipe qui gagne, les intermédiaires Ali Bin Mussalam et Ziad Takieddine, auraient-elles atterri dans les caisses des balladuriens ? Aucune enquête judiciaire a cherché à le savoir, mais pour Chirac, pas de doute. Le nouveau président s’en serait même ouvert au Roi Fahd : « Il n’y aura plus rien pour Balladur ».
En 1995, Edouard Balladur va affronter Jacques Chirac pour la présidentielle. Les équipes du Premier ministre sont menées par trois ministres influents, François Léotard, Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy.
La DCN, direction des constructions navales, fabricant de bateaux, frégates et autres sous-marins, est un établissement public relevant du ministère de la Défense jusqu’en 2003, où elle devient DCNS : Thales prend un quart de son capital et son statut est désormais hybride.
La filiale de DCN, DCN International (DCNI) avait été crée pour commercialiser les bateaux que les techniciens et ingénieurs de DCN ne pouvaient vendre. Discrètement, elle a servi également pour les paiements de commissions aux intermédiaires… Son activité aujourd’hui se cantonne aux contrats anciens qu’il s’agit de gérer jusqu’à leur extinction. Son rôle est aujourd’hui assumé par Armaris, filiale commune DCNS-Thales.
La Sofresa est une société réunissant à la fois l’Etat et les industriels de défense, destinée à servir d’interface entre la France et l’Arabie saoudite dans les contrats de matériels militaires. L’Arabie a toujours souhaité avoir directement le gouvernement français, ou ses représentants, pour négocier les achats d’armement. Elle ne faisait pas confiance aux sociétés à statut privé.
L’équipe principale d’intermédiaires ayant servi aux grands contrats, et qui ont pu connaître du versement des commissions a été constituée autour d’Ali Bin Mussalam, un Saoudien proche du roi Fahd, et de plusieurs Libanais : Ziad Takkieddine, Abdul Rahman El Assir, l’ex-beau-frère de l’un des plus importants intermédiaire saoudien, Adnan Kashoggi, et Omar Zaidan.
Le grand nettoyage commence donc. Des investigations sont menées par la DGSE sur des proches de François Léotard, dont on imagine qu’ils ont pu être informés en interne sur les intermédiaires et leurs contacts en Arabie saoudite. La Chiraquie triomphante remet en cause à la fois le patron de la Sofresa, la société rassemblant l’Etat et les industriels pour traiter avec l’Arabie saoudite, et les intermédiaires choisis par les balladuriens. De la Sofresa est viré Jacques Douffiagues, son président, grand copain de Léotard, pour laisser la place à Michel Mazens, un homme dans la ligne du nouveau pouvoir, considéré comme proche du RPR, l’un des ancêtres de l’UMP.
Côté intermédiaires, ça valse sec. DCNI, la filiale commerciale de la Direction des constructions navales, chargée de commercialiser les bateaux et de régler quelques jolies commissions, mandate une société de sécurité privée pour secouer Ziad Takieddine, l’intermédiaire fort en cour chez les balladuriens. Ce dernier avait signé en juillet 1994 un contrat de consultant avec DCNI, via sa petite structure panaméenne, Mercor Finance (cliquer ici pour revoir les documents publiés par Bakchich).
Il faut l’empêcher de toucher le reste de la commissions sur les sous-marins pakistanais. Control Risk Management, alors dirigée par Frédéric Bauer, facturera (voire notre document ci-dessous) 120 600 francs, soit 18400 euros. L’objectif est d’exiger - gentiment, bien sûr - que Takieddine accepte de signer immédiatement un avenant, l’engageant à renoncer à partir de la fin août 1996 à son contrat de consultant. On le vire, mais il aura finalement perçu 88% des sommes dues, ce qui fait quand même un joli pactole…
Un autre homme d’affaires mêlé aux négociations, Omar Zaidan, un personnage haut en couleur qui fut longtemps installé dans des bureaux au-dessus du Fouquet’s, sur les Champs-Elysées, est lui aussi écarté. Pas pour avoir fréquenté le général Jacques Mitterrand, le frère de l’autre, dont il était proche, mais plutôt l’équipe liée à François Léotard.
De même pour l’associé de Takieddine, Ali Bin Mussalam. Son contrat, déposé dans le coffre d’une banque suisse, le liant à la Sofresa pour la vente des frégates à Riad, est déchiré, « en dépit des nombreux coups de fil de pression, d’amis haut placés, pour essayer d’arranger les choses », a raconté Mazens dans un livre. Le solde de la comm que Bin Mussalam n’a pas touché va être réorienté. On parle de proches du Premier ministre Rafic Hariri, grand copain de Chirac…
Ça se passe comme ça en Chiraquie.
Lire ou relire les trois premiers volets de notre enquête :
Demain dans Bakchich, la suite de notre saga ou comment la France négociaient avec un ancien proche de Pinochet pour vendre la camelote militaire
Pour lire la traduction en anglais de cet article sur Bakchich :
il peut peut etre réceptif a ce qui n est pas de l’ ordre du "matériel".
Oui, quand il dort …
Durant toute sa vie politque cet homme , tout comme son père, s’est servi de l’appareil d’Etat pour s’enrichir, et vivre aux frais de la princesse.
Il continue après sa retraite en étant logé par la famille Harriri dans un appartement de 240 mètres carrés , alors que le Canard nous a révélé que les Hariri ont fait des affaires immobilières grâce à Chirac et le système de voyous mise en place au temps où il était Maire de Paris, et l’autre nous parle de romantisme !?
Vous sortez de quelle planète ? Neuneuland ?