Dans un rapport de police du 5 mars 2007, remis à deux juges d’instruction, un flic insolent écrit noir sur blanc qu’une société a été créée au Luxembourg en 1994, « avec l’aval du ministre Nicolas Sarkozy » et de « Nicolas Bazire, directeur de cabinet d’Edouard Balladur », dans le but de distribuer de discrètes commissions sur des ventes de frégates, de sous-marins et autres joujoux.
Comme Bakchich le révélait le 25 juin dernier, la justice a ouvert à Paris un dossier concernant des enquêtes effectuées par une poignée de barbouzes pour le compte de l’ancienne Direction des constructions navales, devenue aujourd’hui DCNS. Des perquisitions dans les locaux de ce saint des saints de l’armement, où sont conçus et fabriqués les bateaux, frégates et autres sous-marins, et de DCN International (DCNI), sa branche commerciale d’alors, ont permis aux flics de la Division nationale des investigations financières (DNIF, un service de la direction centrale de la police judiciaire) de ramener du gros dans leurs filets : les preuves des filières de commissions distribuées par l’appareil d’État à l’occasion de la vente à l’étranger de ses frégates et ses sous-marins.
Selon les documents récupérés, deux petites sociétés, Heine et Eurolux Gestion, créées au Luxembourg sous la houlette de Jean-Marie Boivin, un ancien cadre maison à l’entregent important (contacté jeudi 11 septembre, il n’a pas souhaité répondre à nos questions) ont joué un rôle clé pour acheminer discrètement les commissions. Heine était utilisée avant la mise en place de la convention de l’OCDE, qui interdit de graisser la patte à des ministres ou fonctionnaires étrangers. Après l’entrée en vigueur de ce texte international, la structure Eurolux a été créée. « Après 2002, Eurolux a servi à contourner la mise en place de la convention OCDE de lutte contre la corruption », a expliqué l’un des mis en examen dans le dossier, comme l’a rapporté Le Monde.
Les policiers ne s’y sont pas trompés et un rapport de la DNIF du 5 mars 2007, analysant ces documents, prête un rôle clé à Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget du gouvernement d’Edouard Balladur et homme de confiance du Premier ministre. On est alors en 1994 et les équipes de Balladur se préparent à entrer en campagne. Reconnaissant à la société luxembourgeoise Heine le rôle de tuyau à commissions, les flics évoquent dans leur synthèse que Bakchich a pu consulter l’un des docs mis sous scellé : « Une chronologie fait apparaître que la création de la société Heine au deuxième semestre 1994 s’est faite après accord de Nicolas Bazire, directeur de cabinet d’Edouard Balladur, et du ministre Nicolas Sarkozy, et fait un lien entre ces faits et le financement de la campagne électorale de Monsieur Balladur pour l’élection présidentielle de 1995 ».
Traduction : Sarkozy et Bazire, alors les deux plus proches collaborateurs d’Edouard Balladur et aujourd’hui meilleurs amis du monde (Nicolas Bazire fut le témoin de mariage du président avec Carla Bruni) ont donné leur feu vert à la création par une société d’armement d’une structure planquée à l’étranger permettant la rémunération opaque d’intermédiaires et pouvant servir à la campagne électorale des balladuriens. Rien que ça.
Interrogé par les policiers de la DNIF le 4 juin 2008, l’ancien directeur financier de DCNI confirme : « Nicolas Bazire est d’accord pour la création de Heine, comme M. Sarkozy ». Et le cadre en question d’évoquer des paiements relatifs à la vente au Pakistan de sous-marins à l’intermédiaire Ziad Takieddine, dont Bakchich a déjà noté le rôle majeur à cette époque dans l’entourage de Balladur et de François Léotard, alors ministre de la Défense. Ce mégacontrat avec le Pakistan, d’un montant de 840 millions d’euros devait, selon la déposition de cet ex-cadre de DCNI, rapporter 4%, soit 32 millions de commissions à Takieddine, via sa société panaméenne Mercor Finance. De l’argent baladeur dont les destinataires réels restent mystérieux… Comme nous le révélions ici, l’intermédiaire jugé trop balladurien a été viré dès l’accession de Jacques Chirac à l’Elysée.
Selon les déclarations faites à la Direction générale des impôts en 1998 par DCN International, les commissions versées via la société Heine s’élèvent – pour l’année 1997 – à 6,74 millions d’euros (44 227 196 francs). Des codes indiquant les contrats concernés sont inscrits en regard des sommes mais, hormis celui de « Garoh » qui est le nom du marché de patrouilleurs vendus au Koweït en 1998, les autres restent mystérieux : « LTLS-BOA), « Modfrag » et « divers », terme explicite à défaut d’être transparent…
Mais bon, tout cela semble relever selon le parquet de Paris de sujets tout juste bon à intéresser les journalistes… mais pas les juges. Les documents figurent pourtant au dossier des magistrats Françoise Desset et Jean-Christophe Hullin : répartitions d’argent, contrats d’intermédiaires, sociétés immatriculées au pays du Grand Duc, tout y est si l’on veut bien gratter. Mais habile procédurier, le procureur de la République Jean-Claude Marin a circonscrit l’enquête à quelques barbouzes payés par DCN. Ces derniers se renseignaient tous azimuts sur l’avancement du dossier des frégates de Taiwan, sur les activités d’Alain Gomez, l’ex-patron de Thomson-CSF (devenue Thales) ou sur le décès d’un employé de la même boite, Bernard d’Escrivan, dont la mort a semble-t-il intrigué la direction de DCNI.
Mais sur les bénéficiaires réels des commissions des contrats d’armement, personne ne cherche à savoir.
Lire ou relire dans Bakchich la trépidante enquête sur la DCN et les caisses noires de l’armement menée en juin. Bakchich a sur ce sujet délicat publié en exclusivité six articles étayés de documents confidentiels et inédits. Nous avons décortiqué dans ces six articles les filières qui ont permis à de mirifiques commissions de s’évaporer. Ventes de frégates, sous-marins, torpilleurs et autres bateaux militaires : autant de marchés juteux passés par les pouvoirs de droite comme de gauche au cours des années 1990. Mais dans lesquels la justice s’évertue à ne pas vouloir mettre son nez.
Sil 54,
Les informations que je vous livre sont publiques puisqu’elles émanent de tous les médias écrits et audiovisuels de Taiwan, que les affaires citées ont fait l’objet de rapports de députés taiwanais rendus publics.
Cependant, là où vous avez raison, c’est que la presse française commence à en parler par le bout franco-français. Mais, la vérité se fraie son chemin….
Pour les sources qui accumulent les informations publiques sur ces faits, je vous informe de ces deux blogs en mandarin des activistes taiwanais anti-corruption :
http://chinaairlinesairbus.blogspot.com/
celui-là s’occupe des 600 millions d’euros d’acompte de China Airlines à EADS. Rappelons que le PDG responsable de cette opération pour China Airlines, Rango Chiao, est en prison et accusé de corruption et détournement de fonds publics !!!
http://firebug88.blogspot.com/
Ce blog s’occupe des ventes d’armes françaises à Taiwan depuis les célèbres frégates jusqu’au scandale de Taiwan Goal Corportion dit TGC. Et vous avez même les rapports officiels parlementaires d’enquête sur les sujets indiqués.
Quant aux rapports parlementaires officiels mettant en cause les personnes citées aussi par la police judiciaire française, je les ai en disque dur en format PDF en mandarin.
C’est vrai que c’est en mandarin, mais la presse française a des traducteurs, si elle veut. Aux JO de Pékin, elle avait trouvé des traducteurs en nombre….
Il faut s’y faire : ANTICOR existe aussi à Taiwan et ils sont très nombreux dans cette structure, ce qui fait que la Justice taiwanaise est très efficace, indépendante et compétente, même pour dire en mandarin les faits vrais sur les scandales nés en France !
En 2006, plus de 5 millions de citoyens taiwanais (sur 23 millions tous âges unis) sont descendus dans les rues contre les corrompus.
Selon un sondage publié par la presse de Taipei, 92% des Taiwanais exigent des sanctions impitoyables contre les corrompus politiques. Beaucoup sont déjà en prison pour 10 à 25 ans.
En France, combien de corrompus poursuivis et emprisonnés ? Et quelle presse parle de la corruption dans le pays ? Quels politiques célèbres corrompus ont été condamnés et emprisonnés ?
Très cordialement,
Bonsoir à tous, Je me permets ce message, comme en résonance avec celui envoyé pendant le 2ème tour. Pour ceux qui doutent, un industriel de ma connaissance avait fait appel au ministre de l’intérieur de l’époque , ancien ministre de l’économie et directement concerné par les agissements du ministre (alsacien) de l’industrie de l’époque. Ce "chef de police" est aujourd’hui président. Son sous-fifre budgétaire de l’époque avait demandé 3 MF ( 200 K€) pour faire uniquement "ce pour quoi il est payé" c’est à dire défendre l’industrie française. La dénonciation du chef d’entreprise de ces agissements au ministre-président en question lui ont valu la perte du contrôle de ces entreprises et un appétissant contrôle fiscal. Ces faits avaient été dénoncés également à TF1, FR2,Libé, le Canard et Marianne. Personne n’a bougé. Si vous souhaité de plus amples informations, n’hésitez pas à en faire la demande sur ce forum salutaire, j’interviendrai de nouvau et plus précisément.
De quoi peut-on encore être surpris dans cette république bananière ?? Bien cordialement.