François Fillon a engagé hier à l’Assemblée la responsabilité de son gouvernement sur l’ensemble de la politique étrangère de la France. De quoi faire taire les voix discordantes de l’UMP.
Le suspense était limité, hier à l’Assemblée. À partir du moment où François Fillon, avec l’aval de l’Élysée, avait décidé, conformément à l’article 49-1 de la Constitution, d’engager la responsabilité de son gouvernement sur la politique étrangère de la France, l’issue du débat était connue. Le Premier ministre allait forcément recevoir le soutien de la majorité… L’Assemblée nationale a voté mardi par 329 voix contre 238 la confiance au gouvernement.
Car voter contre cette question de confiance revenait pour un député UMP à unir ses voix à la gauche et affaiblir de facto François Fillon. Un choix cornélien… vite tranché par nombre d’élus UMP pour éviter d’avoir ensuite la tête coupée au Château ! Et pour éviter la déperdition des troupes, l’objet du vote ne portait pas sur la réintégration de la France dans les structures militaires de l’OTAN, quittées par le général de Gaulle le 7 mars 1966, mais sur l’ensemble de la politique étrangère.
Une manière détournée de faire voter les élus sur l’Otan sans avoir à poser précisément la question. Une façon aussi d’éviter que les ex-Premiers ministres, Dominique de Villepin et Alain Juppé, qui s’étaient publiquement opposés à la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’Otan, ne se refassent une santé politique sur ce sujet en semant le trouble au sein du groupe UMP. Sarkozy veille au grain et n’a pas hésité à pousser un coup de gueule, hier, au cours de la réunion hebdomadaire avec les dirigeants de la majorité.
« Parce que notre politique étrangère et de défense est l’affaire de la nation », a déclaré Fillon dans l’Hémicycle, « me voilà devant vous, sollicitant la confiance de la majorité pour servir une certaine idée de la France dans le monde ». Et le Premier ministre de poursuivre : « En 1966, en plein cœur des tensions Est-Ouest, notre retrait de l’organisation constitua un choc. Mais en 2009, notre retour ne constitue qu’un ajustement qui, de ce fait, ne provoque aucun émoi dans le concert international ». Dans le concert international, on verra ; dans la majorité, l’émoi était pourtant bien là. D’où un petit recadrage du gouvernement.
Si une trentaine de députés UMP - chiraquiens, villepinistes, souverainistes - était opposée à un retour de l’Otan, seule neuf d’entre eux se sont abstenus hier. « Si l’on vote contre la question de confiance, c’est assimilé à un vote de défiance », expliquait, hier, François Goulard. « C’est une manière de nous forcer la main et de nous empêcher de voter librement », ajoutait un autre. Selon Goulard, « C’est l’inverse du Cid : “Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort. Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port”. Nous quand on arrive au port, on est moins nombreux ! » Ça, c’est dit.
Jusqu’au bout, Sarkozy avait longuement hésité avant de donner son feu vert à son Premier ministre pour que le gouvernement engage sa responsabilité. Aux yeux du chef de l’État, en berne dans les sondages et à deux jours d’une forte mobilisation sociale, le sujet paraissait très technique et en décalage avec les préoccupations des Français en temps de crise.
Mais le désordre au sein de la majorité l’a finalement poussé à le faire. Surtout que la gronde prend de l’ampleur au sein de l’UMP. Outre l’Otan, un nombre croissant d’élus de la majorité s’interroge sur la pertinence du bouclier fiscal, mesure phare du gouvernement. De quoi annoncer des débats houleux au sein du groupe…
Au Sénat aussi, des voix discordantes se sont élevées, sans pouvoir participer au vote… pour la simple et bonne raison qu’il n’y en avait pas. Un choix qui s’explique par la crainte de l’exécutif d’enregistrer un éventuel vote négatif au Palais du Luxembourg, où l’UMP ne dispose que d’une majorité relative… C’est bête comme chou ! Mais très stratégique.
Les sarkozystes du groupe, à l’Assemblée comme au Sénat, eux, tempèrent ce qu’ils considèrent comme des « sauts d’humeur » et « petites parlotes » de quelques parlementaires « inutiles en ces temps de crise ». « Ça n’a rien à voir avec ce que nous avons connu lors du vote sur la Constitution », décrypte un élu francilien. En clair, tout va bien sous le soleil. Ça dépend juste de l’endroit où l’on se place…
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