Sarko Ier annoncera ce soir le retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan…Et le Parlement aura le droit de débattre poliment le 17 mars prochain d’une décision déjà entérinée.
C’est ce mercredi soir à l’Ecole militaire, devant la fine fleur des milieux français de la défense et de la sécurité, que Nicolas Sarkozy annoncera officiellement le retour de la France dans le Commandement intégré de l’OTAN. Le Président de la République intervient en clôture de la journée d’étude de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), intitulée : « La France, la défense européenne et l’OTAN au XXIème siècle ». Le débat parlementaire ne s’ouvrira, quant à lui, que le 17 mars. C’est bien de débattre une fois que les décisions sont prises et annoncées.
Voilà qui rappelle le grand débat parlementaire sur l’Afghanistan de l’été dernier, après que des soldats français ont été tués dans une embuscade. Depuis plusieurs années des parlementaires et plusieurs milieux militaires réclamaient un examen par la représentation nationale des raisons et conditions de l’engagement français dans ce pays, sous la bannière de l’OTAN, en vain… Il aura fallu attendre un sérieux incident pour que les députés se réveillent et aient l’autorisation de l’évoquer dans l’hémicycle. Pour finalement confirmer la présence française et entériner un renforcement du dispositif qui avait été décidé par l’Elysée, une fois encore, avant que le moindre débat n’ait eu lieu.
En l’occurrence, l’habillage démocratique postmortem est d’autant plus grotesque qu’on connaît déjà les commandements que l’Elysée a troqué avec Washington contre cette réintégration des moins glorieuses. « Mais ce n’est pas parce qu’on aura placé une vingtaine d’étoiles (de généraux s’entend) qu’on maîtrisera en quoi que ce soit les ordres qui seront donnés par les Américains », commente un officier rebelle de nos vaillantes armées. C’est un vieux reste d’Ancien Régime qui continue à nous faire croire qu’en arrachant quelques postes prestigieux de commandement et de direction dans les organisations internationales, on en maîtrise les missions et les orientations. L’Elysée - que son locataire soit de droite ou de gauche - s’efforce à appliquer ce principe erroné pendant que les Britanniques prennent le contrôle entier de programmes de l’OTAN ou d’agence des Nations unies en fournissant la logistique et le petit personnel. Comme méthode, c’est plus sûr !
Le plus dommageable de l’empressement élyséen concerne les deux héritages les plus modernes du gaullisme historique : l’existence d’une force de dissuasion nucléaire indépendante des Etats-Unis et de la Grande Bretagne, fondement d’une diplomatie, elle-aussi indépendante ; et le maintien d’un siège permanent française au Conseil de sécurité des Nations unies. Le retour de la France dans le Commandement intégré de l’OTAN affaiblit considérablement ses deux acquis, notamment sa crédibilité à l’ONU. En effet, c’est à Madeleine Albright, ancienne secrétaire d’Etat de Bill Clinton que revient l’idée brillante de fonder un « club des démocraties » afin de doubler l’ONU et son Conseil de sécurité toujours susceptible d’être bloqué par un véto russe, chinois ou… français. Sa successeure Condoleezza Rice a repris l’idée en s’exclamant : « Mais le club de démocraties nous l’avons, c’est l’OTAN ! ». Dès lors les deux administrations Bush n’ont eu de cesse d’élargir l’Alliance aux nouveaux pays de l’Est envisageant même des partenariats avec l’Australie, le Japon, la Nouvelle Zélande et d’autres pays de l’océan Pacifique. Madame Rice, aux visions géopolitiques connues, a même déclaré vouloir faire de l’OTAN, « une organisation globale pour, à terme, remplacer l’ONU et son Conseil de sécurité toujours susceptible d’être bloqué par un véto russe, chinois ou …français ! ».
Mais au-delà d’un affaiblissement de la position française aux Nations unies, le retour de la France dans le Commandement intégré de l’OTAN détruit l’acquis le plus important du gaullisme : celui du non alignement sur les grandes puissances. Parce qu’aujourd’hui quel habitant du monde ne considère pas avec raison que l’OTAN est une machine américaine ?
La vieille démocratie cocardière, avec les valeurs de sa Révolution qui ont été exportées dans le monde entier, le camp de l’Occident ! Tel est le choix d’un Président de la République atlantiste et pro-américain en faveur d’un nouvel occidentalisme. Une façon sûre de conforter la guerre des civilisations qui, d’une grille d’analyse est devenue une méthode de gestion de crise. Avec une OTAN globale consolidée, il n’y a plus, désormais que « l’Occident démocratique » et le reste du monde confiné à la barbarie. C’est quand même mieux et plus gérable que les complexités d’un monde multipolaire toujours en recherche d’arbitrage.
A cet égard, et plutôt que de se précipiter pour proclamer l’honnêteté de Bernard Kouchner, dernièrement rattrapé par ses pratiques affairistes, Martine Aubry, Elisabeth Guigou et une bonne partie du PS auraient brillé d’intelligence politique si elles avaient profité de cette affaire pour mettre en chantier la critique de la politique étrangère de notre pays. On aurait compris alors, et pas seulement sur l’affaire de l’OTAN que, contrairement à ce que disait Hubert Védrine en période de cohabitation, à savoir qu’il n’y a pas de politique étrangère de droite, ni de gauche… eh bien Nicolas Sarkozy a, bel et bien rallié une politique étrangère de droite inventée par les idéologues néoconservateurs américains : elle s’appelle l’Occidentalisme et l’OTAN en est son bras armé.
À Lire ou relire dans Bakchich :
Bonjour Camille, bravo pour cet article d’une rare intelligence, peu de commentateurs ont le courage d’inclure la question de l’onu dans le débat. Une question : d’où est tirée la citation de Condoleeza Rice ?
Bien à toi,
Emmanuel.
Soyons plus terre à terre
Le petit homme aux talonnettes vend notre liberté aux US pour un plat de lentilles.
Lorsqu’il aura été viré, il faudra être très attentif à ce que le successeur s’engage à remettre les affaires en place.
Ce type est une vraie calamité.
Le club des hommes-sandwichs
Redéfinition :
Tout est une affaire de cycle électoral, d’amnésie collective et de timing économique. Les antagonismes d’hier produisent les addictions de demain car elles ne sont que les parties visibles de l’interdépendance structurelle et géographique des peuples sédentarisés. Depuis que les idées incarnent les hommes, et plus l’inverse, les symboles monopolisent le temps des négociations, tout en rendant mimétiques les extrêmes supposés. Le monde est une construction sociale à géométrie variable et à durée déterminée où le moyen terme articule l’appareil idéologique des expansionnistes autarciques.
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