Le Premier ministre est plus populaire que le Président, selon le sondage de la Sofres qui paraît aujourd’hui dans le « Figaro Magazine » ! Une première sous la Vème. De là à imaginer que celui qui, jusqu’ici, a donné le sentiment de compter pour du beurre, devienne l’élément moteur de la dyarchie, le sauveur de la droite, faut pas pousser !
C’est une performance unique dans l’histoire de la Vème République. Digne de figurer dans le Guinness des records. Une vraie anomalie. Surtout quand il s’agit de François Fillon. Comment ce monsieur très comme il faut, mais un peu triste, un peu falot, avec sa raie bien dessinée, a-t-il bien pu passer devant le très « énergétique » Nicolas Sarkozy dans les sondages d’opinion ?
Pourtant, on voit le chef de l’Etat à la Une de tous les hebdomadaires, y compris les magazines people –et ça fait vendre - on le voit tous les soirs au 20 heures – et ça fait de l’audience - un jour chez les pêcheurs, le lendemain chez les Indiens, le surlendemain chez les gendarmes… Une cote de popularité, c’est bien connu, cela se construit à coups d’UMB (Unités de bruit médiatique), et de ce point de vue les UBM de Fillon ne sont pas très sonores.
Après s’être fait piquer la résidence de La Lanterne à Versailles (le meilleur du job, comme disait Raffarin), après s’être fait traiter de collaborateur, le locataire de Matignon exulte. Il fallait le voir faire le pan, le jour de ses vœux à la presse, quand déjà un sondage BVA le mettait en meilleure position que Nicolas Sarkozy. Hilare –enfin, souriant ! Parodiant la conférence de presse du président. Interrogeant négligemment : « Vous me trouvez Bling Bling ? » Au Château, on n’a pas vraiment apprécié.
Et déjà dans le microcosme on imagine un scénario digne d’un Spielberg, avec d’un côté, un président décrédibilisé, ridiculisé, anéanti, réduit au rôle de roi fainéant, à force de week-ends en jet avec sa Carla. Et, de l’autre, un Premier ministre vertueux, courageux, qui assène que l’Etat est ruiné, qu’il faut faire les réformes et boire le calice jusqu’à la lie.
Que les fillonistes ne rêvent pas trop. Si François Fillon baisse moins dans les sondages que Nicolas Sarkozy (-2 contre -8) et si cote de popularité est un peu moins négative (43% d’opinions positives, contre 41%), c’est surtout parce qu’il ne dérange pas. Il est la toile de fond du sarkozisme, l’arrière plan. Avant de s’en prendre au décor, on s’attaque généralement aux acteurs qui bougent sur le devant de la scène.
La cote de Nicolas Sarkozy a surtout dégringolé chez les personnes âgées – elles n’ont pas aimé le nombril de Clara ; dans l’électorat populaire du FN – ils n’ont pas aimé les jets et les bagues à 18 000 euros alors qu’ils ne peuvent pas travailler plus ; et chez les sympathisants du Modem – ils aimeraient une gestion un peu plus vertueuse pour résorber notre dette.
En revanche, ces catégories n’ont rien de spécial à reprocher à Fillon. Il est discret, il ferait un gendre idéal, il préfère l’abbaye de Solesmes aux yachts de milliardaires, il a une kyrielle d’enfants, tous de la même mère, on n’imagine qu’il porte encore la montre de sa communion solennelle. C’est reposant.
Mais à court, moyen ou long terme, Fillon a peu de chances de faire de l’ombre à Sarkozy. D’abord, le chef de l’Etat va rectifier le tir. Tenter de se « représidentialiser ». En cessant de se montrer aux quatre coins de la planète, au moindre prétexte. Régler la question de sa vie privée. Ensuite, il va engager les réformes qu’il est décidé à faire. Sans se soucier de son impopularité. Et là, si l’opinion se rebiffe, le chef du gouvernement a de bonnes chances d’être embarqué dans le même spirale que le Président.
Le problème de F. FILLON est de ne même plus faire d’ombre à lui-même.
En effet, y compris pour son club "France9" -un peu étriqué, il est vrai-, notre premier Ministre a longtemps voulu se présenter en gaulliste social (un pléonasme politique, par parenthèse).
Or, que devient-il ?
N’oublions pas que tout remonte à son éviction du Gouvernement Villepin après lequel, par haine de Chirac, il choisit de faire allégeance au Kronprinz d’alors, pour empêcher Chirac de se représenter et, surtout, le battre, si besoin.
Quel prix à cette stratégie ? TOUT !
Il ne reste RIEN du discours "social" du prétendu gaulliste. Les petits doivent bosser plus et gagner moins. (Fin des 35 h, mais pas de la précarité) ; Les gros peuvent moins payer d’impôts (15 Milliards d’Euros), imédiatement sortis de l’économie réelle au bénéfice de l’épargne stérile) ;
Pire : avec le Traité de Lisbonne, Fillon abandonne même ses idées de l’époque de Maastricht et trahit l’indépendance nationale, faisant revirer Joël le Theule et le Général dans leur cercueil.
Bref : le terne François est vraiment un Petit premier ministre…