Les Verts tout étourdis de leur succès aux européennes de juin dernier paradaient ce week-end à Nîmes pour leurs journées d’été. De quoi se regonfler à bloc avant les élections régionales de mars 2010.
Qu’importe l’élection, pourvu qu’on ait l’ivresse. Les journées d’été des Verts ce week-end à Nîmes furent l’occasion pour les 1500 écolos réunis de ne pas dessoûler du score de 16,2% aux européennes de juin dernier. En super- tôlier de la maison verte, Cohn-Bendit l’assure : « On n’est plus à l’heure d’être des nains en politique ». Si l’humeur était à la fête, reste que tous n’ont qu’une idée en tête, prolonger l’état d’enivrement dans les urnes aux élections régionales de mars prochain. La partie semble en réalité, plus compliquée que prévue.
« Maintenant, l’écologie ». Le slogan des journées d’été charge sabre au clair. 25 ans après sa naissance, le parti écolo ne pouvait rêver de plus beau cadeau. Faire sa mue politique en profitant de l’élan des européennes autour d’ateliers, forums, conférences pour « le plus large rassemblement en vue de réussir le pari de l’écologie politique » selon les mots de José Bové.
Sous le soleil provençal, dans l’amphi V, Dany le Vert dessine les contours de son serment du jeu de Paume de l’écologie en « tirant les conséquences politiques de ce qui nous est tombé sur la tête […] par un nouveau manifeste, un texte dans une convention nationale d’Europe Ecologie ». Avec comme objectif à court terme une « souscription nationale d’ 1 million d’euros d’ici Noël ». Car le parti vert a une dette de 730.000 euros d’intérêts à rembourser aux banques pour les comptes de campagne européens. Nerf de la guerre qui est pour l’heure la priorité à régler avant de penser décliner les listes d’Europe-Ecologie aux élections régionales de 2010.
Les allées nîmoises n’avaient qu’un refrain en tête, comment réussir le pari des régionales sans s’aliéner une partie de la gauche avec qui elle gouverne. Depuis 2004, 168 conseillers régionaux Verts cogèrent dans la majorité des 20 régions présidées par des socialistes. Dont 29 en Ile de France et 18 en Rhône-Alpes. Deux régions qu’espèrent remporter les Verts. « Ca parait dingo, mais on applaudira peut-être bientôt nos présidents de régions », ironise Cécile Duflot.
Révolution d’approche dans la maison verte et ambitions toutes affichées. Faire cavalier seul au premier tour, à l’inverse de 2004, pour peser de tout son poids dans les négociations d’entre deux tours et briguer des postes à responsabilités. « 40% des voix 40% des postes », résume Pascal Durand, porte-parole d’Europe Ecologie. Ne plus se faire plumer par le PS comme en 1998 et fonder une alliance de gouvernance sur de nouvelles bases. Au risque de jouer la carte de la désunion tout en allant charmer les électeurs du Modem. 20% des électeurs d’Europe Ecologie avait voté Bayrou en 2007 et, comme le rappelle Libération, 30% des signataires du pacte écologique de Nicolas Hulot étaient des centristes.
Cette « intuition politique » de Cohn-Bendit de surfer sur la vague des européennes a pourtant ses limites. Primo, institutionnelle : le mode de scrutin des régionales (proportionnelle à deux tours) avec une prime majoritaire pour celui qui arrive en tête tend à écarter les partis minoritaires au profit des grandes formations UMP et PS. L’exemple des Municipales à Paris en mars 2008 est révélateur : en optant pour la stratégie de l’autonomie au premier tour, les Verts avec un score faible de 6,47% ont perdu 18 sièges au Conseil de Paris. Nécessité donc pour les écologistes de faire carton plein dans toutes les régions pour ne pas avoir à négocier au rabais.
Secondo politique : 20 des 22 régions sont administrées par des socialistes qui possèdent de puissants relais au sein de la société civile par un réseau de notables dans les collectivités, communes, fédérations, associations en contact avec des électeurs de sensibilité écologiste. Capable de peser sur le jeu politique local. D’autant que par ses 168 conseillers régionaux intimement liés à la gestion socialiste, il va être difficile pour les Verts de tracer une ligne politique qui s’écarte de ce à quoi ils ont contribué.
Enfin symbolique : si le succès d’Europe Ecologie tient en partie à l’incarnation d’un programme autour d’une seule figure, Daniel Cohn-Bendit, la nature des élections régionales tend à faire émerger des figures politiques moins médiatiques, plus locales. Pour les Verts, il s’agit de trouver des têtes de liste qui rompent avec cette logique. Privilégiant la stature nationale. Taubira a déjà refusé de porter l’étendard pour l’Ile de France. Cécile Duflot est dans les starting-block. Dire que "Dany" pourra rééditer et réajuster le discours écologiste européen à des réalités et enjeux propre à chaque région berce dans l’illusion.
Dont pour l’instant, à l’issue de ces chaudes journées nîmoises, on préfère ne pas s’en faire une raison.
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