Palais de Justice de Paris, le 22 octobre 2009, seizième jour d’audience du procès Clearstream. La défense d’Imad Lahoud a fait de son mieux.
L’exercice devrait être imposé à tous les jeunes avocats : plaider pour défendre un Imad Lahoud, le canard boiteux, le super menteur, le grand escroc. Ce prévenu surnommé Pinocchio a menti durant les quatre années de procédure, menti dans son livre, menti sur sa famille, ses diplômes, ses fréquentations, ses fonctions.
Les interrogatoires l’ont accablé et n’ont fait que souligner ses mystifications : « Si nous ne lui avons posé presque aucune question, c’est simplement parce qu’on ne le croit plus, disait le procureur Romain Victor lors de son réquisitoire. Il est condamné à faire rire, son crédit est nul ». Alors comment défendre un patenté menteur qui agace beaucoup ? Petit appliqué de maître Olivier Pardo.
D’abord, on s’excuse. Platement. Pour tout le mal que l’on a fait, à tout le monde : « Pardon pour les mensonges de quatre années de procédure, commence Me Pardo. Pardon aux parties civiles, car les mensonges ont ajouté une douleur inutile à une douleur déjà vive. Pardon à vous, la justice française ». Profil bas, donc.
Et puis, on se démarque de son client, sans l’apitoyer pour autant : « Ces mensonges, c’est un calvaire pour nous tous. Mon principal adversaire ici, ce n’est pas le parquet, mais les montagnes de mensonges d’Imad Lahoud. Mon rôle, c’est de tenter de les expliquer ».
Pourquoi effectivement tous ces mensonges ? Me Pardo explique que si son client a si souvent menti, c’est parce qu’il était acculé à la tromperie. Lahoud ment parce qu’il n’a pas le choix : « Il était tenu par des protecteurs puissants, par des parrains de haut vol qui, pendant les faits et durant l’instruction, le tenaient. Depuis que les romans d’espionnages existent, la technique est toujours la même : on choisi quelqu’un de fragile, on le monte et on le tient – s’il n’est pas à la botte, on l’enfonce ».
Expliquer, déresponsabiliser, puis attaquer. Les mensonges de Lahoud ne sont rien comparés à ceux des autres : « Dans ce dossier existent des mensonges bien plus forts. Ceux de Jean-Louis Gergorin notamment. “Je ne suis pas le corbeau”, disait-il. Mais lui quand il ment, on le croit. Parce que c’est quelqu’un, qu’il est énarque, polytechnicien, vice-président d’EADS. Or les mensonges de Gergorin ne sont pas ceux de Pinocchio, mais ceux de Machiavel ». Idem pour de Villepin, pires encore : « Ce sont les mensonges d’un homme qui a porté la voix de la France à l’ONU, des mensonges qui pèsent de fait très lourds ».
Et puis, place au droit. Me Pardo rappelle que « nous (les hommes de droit, ndlr) ne sommes pas des journalistes ». Parce que « la morale, nous, on s’en fout ». Le mensonge n’est pas puni juridiquement : « Ce n’est pas beau, dit Me Pardo, c’est choquant, mais dans nos prétoires, on a droit au mensonge ».
Et de rappeler que son client ne comparaît pas pour galéjade, mais pour recel, usage de faux, falsification et dénonciation calomnieuse. Or « la preuve absolue et intangible » concernant Lahoud n’existerait pas. À l’entendre l’intégralité du dossier est montée sur une « construction intellectuelle » du parquet. Certes, il y a bien les aveux d’Imad Lahoud, qui dit lui-même avoir rajouté les noms de Nagy et Bocsa (ceux de Nicolas Sarkozy, ndlr) sur les listings. « Mais ce n’est qu’un aveu de plus d’Imad Lahoud », ose Me Pardo. En clair, cela ne vaut rien : « Il est comme il est. Il ment comme le nez au milieu de la figure. Menteur il était, menteur il est, menteur j’espère qu’il ne sera plus ».
Enfin, défendre un Imad Lahoud ne peut que se terminer par quelques violons. Car l’homme, s’il est fourbe, attendrit aussi : « Tout le monde rie aujourd’hui de lui, conclut Me Pardo en abaissant la voix. Mais on ne peut réduire un homme à sa face sombre. Lui aussi a droit à sa seconde chance. Cet homme a passé son agrégation de mathématique à 41 ans. Il est prof. Il a quitté le monde de l’industrie et de la finance. C’est aussi quelqu’un qui a quatre enfants. À quoi cela servirait de le remettre en prison ? »
Le parquet a requis deux ans de prison dont 18 mois ferme et 45 000 euros d’amende à l’encontre d’Imad Lahoud.
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