Palais de Justice de Paris, le 30 septembre 2009, sixième jour d’audience
Salle pleine pour cette audience tant attendue : « La Journée de Monsieur de Villepin ». On le sait : chacun risque de camper sur ses positions, l’essentiel se jouant alors plutôt sur la forme que sur le fond. Du coup, on attend la phrase cinglante, on observe les tensions, on guette le lapsus. Un brin perfectionniste, on peut s’amuser à classifier ces attitudes : une, deux ou trois étoiles selon la force du propos ou du geste expédié à l’adversaire. Exemple. Villepin à Me Herzog, le représentant de Nicolas Sarkozy : « C’est le Président de la République qui parle là, ou c’est son avocat ? », deux étoiles. Villepin, au président Pauthe, à propos de « l’acharnement » de Sarkozy : « Tout au long de cette instruction, le doigt de Nicolas Sarkozy était porté sur moi, lance l’ex-premier ministre. Cette instruction s’est construite au profit d’une seule partie civile qui veut se faire justice elle-même », une étoile. Villepin, au tribunal : « Tous les Français auront remarqué que la physionomie de Nicolas Sarkozy change dès que le mot Clearstream est prononcé », trois étoiles. Me Metzner, l’un des avocats de Villepin, s’adressant à Me Herzog : « Est-ce décent de prendre les gens pour des cons en leur posant trois fois la même question ? » Trois belles étoiles.
Plus difficile à retransmettre sur carte postale : quand la tension n’est pas dans le verbatim, mais bien dans l’attitude. C’est tout l’intérêt du face à face entre le procureur Jean-Claude Marin et le prévenu de Villepin. Debout sur son perchoir, Marin trône. Position de force, regard qui toise : deux étoiles. La réponse de Dominique de Villepin est une grimace souriante. Rien à voir avec le sourire qu’il arbore habituellement, c’est là un rictus crispé avec regard en coin appuyé, disant : « Ah mon beau sal… ». Trois étoiles. La balle est à Marin. Quand il interroge de Villepin, la voix porte, le débit de parole devient curieusement très lent, les syllabes sont découpées, le ton est celui du professeur qui vilipende un enfant de six ans : « Mais… Monsieur de Villepin… (lent) Evidemment… (très lent, ton mielleux) On n’arrive pas en voiture de-vant (haché) votre bureau, il s’agit d’être déposé (lent) de-vant (haché) le mi-nis-tè-re (haché) de l’in-té-rieur (haché) ». Ce ton de l’instituteur envers l’ex-premier ministre est un cinglant trois étoiles.
Pour relire les précédentes cartes postales du procès