L’Autorité des marchés financiers existe, les dirigeants d’EADS soupçonnés de délit d’initiés l’ont rencontrée. Mais au fait, Bruno, à quoi ça sert, l’AMF ?
Bruno, mon beauf, adore boursicoter sur internet. Une lubie. Soir et week-end, il surfe sur des sites spécialisés espérant dénicher la bonne information sur le bon produit qui va lui rapporter un maximum. A ce jeu-là, Bruno, tu fais partie de la catégorie poids mouche.
La semaine dernière, les dirigeants d’EADS ont été entendus par la commission des sanctions de l’AMF (Autorité des marchés financiers) au sujet d’un présumé délit d’initiés qui a rapporté à quelques dizaines de dirigeants du groupe un sacré pactole. Prévenus des retards de livraison de l’A380, ceux-ci auraient exercé leurs stock-options juste avant que le cours de l’action ne s’écroule.
Heureusement, Bruno, l’AMF veille. Dans cette affaire, le dossier a suivi lentement, mais sûrement, son cours. Un zèle qui surprend, tant l’AMF répugne, la plupart du temps, à jouer son rôle du gendarme.
Fin 2008, 33 procédures étaient en cours. Une paille, me diras-tu Bruno, compte tenu du nombre d’opérations quotidiennes sur la place de Paris. « Ce sont le plus souvent, de petites sociétés et d’illustres inconnus qui sont condamnés », raconte, désabusé, un ancien de l’AMF. « Depuis sa création, l’AMF n’a jamais voulu se servir de son pouvoir de sanction. A croire que les godillots du gendarme ne sont pas assez chics pour elle », ironise-t-il.
Inspection des finances, Trésor public, les membres de l’MAF ont tous des liens étroits avec les acteurs qu’ils jugent. « Ils sont dépendants de tous les réseaux de la place » tranche ce haut fonctionnaire. Le CAC 40 n’a jamais trop craint cette autorité plutôt bienveillante. Certains secteurs voient même en elle une alliée fidèle.
« Les banques et les assurances ont investi les différentes structures de l’AMF, écrit Martine Orange dans Histoire secrète du patronat [1]. Rien ne peut se décider sans leur accord ». Etrangement, l’AMF s’est mise à défendre des produits peu recommandables comme les hedge funds, au nom du rayonnement de la Bourse de Paris qui, sans eux, serait distancée par la City.
« Contrairement à sa mission de protection des épargnants, on trouve qu’elle ne surveille pas beaucoup les placements catastrophiques que les banques conseillent à leurs clients », persifle Jean-Claude Delarue, secrétaire général de SOS Petits porteurs.
Au plus fort de la crise financière, quand éclate le scandale Madoff - tu sais Bruno cette gigantesque escroquerie qui a fait trembler des millions d’épargnants - l’AMF reprend le couplet entonné par les banques selon lequel les fonds français seraient épargnés. Un système de défense qui ne tiendra pas longtemps.
Et quand la SEC, son homologue US, publie un rapport sur ses manquements dans l’affaire Madoff, l’AMF regarde ailleurs.
[1] Histoire secrète du patronat français, La Découverte 2009, 720 pages, 25 euros