Clearstream, une hydre dont on ne compte plus les têtes. En voici des bribes et une belle bouture, où l’ami Villepin balance une lettre de ce bon vieux Gergorin.
Décidément on trouve de tout dans l’affaire Clearstream. Certes pour le moment, Zig et Puce, les juges d’Huy et Pons, sont seulement chargés de confondre le corbeau et ses acolytes falsificateurs des faux-listings de compte. Mais le dossier leur ouvre une multitude d’autres pistes d’enquête si d’aventure, ils voulaient continuer à s’amuser. Un de leurs éminents prédécesseurs au pôle financier, le féroce juge Courroye s’y entendait à merveille pour cultiver dans ses dossiers, des « boutures » comme il les appellait. De nouvelles affaires à partir d’une première malversation. Ainsi d’une simple affaire de fraude fiscale concernant un commerçant du Sentier, Courroye avait par exemple déterré toute l’affaire Falcone.
Amusé plus qu’inquiet, l’entourage de Jean-Louis Gergorin sondé par Bakchich, observe sans ciller la blanche crinière du sieur Galouzeau s’agiter. « Étonnant qu’il charge autant Jean-Louis dans son mémo et aussi peu Lahoud ». Certes. « Au moins aussi drôle que son renoncement à la Cour de Justice de la République », ajoute-t-on perfidement. De là à y voir un Villepin acculé qui se débat comme il peut, il y a un pas. Que personne ne franchit ! Quant à l’auguste missive de Gergo à son ancien ami Dominique, détaillant par le menu la guerre des chefs à EADS, elle n’émeut guère les proche de JLG. « Tout a une explication et nous la donnerons en temps et en heure ». Dès que le dossier s’emballe ?
Avec Clearstream, Zig et Puce, eux, ont l’embarras du choix. Quand ils se seront lassés des faux comptes bancaires au nom de Sarko ou d’autres, ils peuvent se lancer sur la piste conduisant au vrai compte Chirac au Japon, par exemple. L’exploitation des petits cahiers à spirale du fameux général Philippe « OSS 117 » Rondot peuvent également les conduire à des investigations sûrement passionnantes sur l’évaporation mystérieuse d’une partie du trésor de guerre de la DGSE (cf « Le parfum frelaté de la DGSE », Bakchich n°10) encore les méandres du « dossier K », à savoir les vaines recherches du maître-espion pour retrouver le criminel de guerre bosno-serbe Karadzic.
En perquisitionnant cet été chez le sieur Galouzeau de Villepin, les juges ont encore mis la main sur une autre piste bigrement intéressante : la répartition des commissions au sein du groupe EADS. Elle figure dans une lettre de Jean-Louis Gergorin, alors vice-président du groupe à son ami Villepin, datée du 15 novembre 2004 et aujourd’hui archivée dans le scellé judiciaire DDV4. Dans cette missive fort instructive, Gergo passe en revue les querelles de chefs qui se déroulent pour la prise de contrôle de la direction du géant de l’aéronautique de défense.
Outre les petites pépites découvertes ici et là dans les carnets du général Rondot, autant de belles enquêtes judiciaires en puissance, l’affaire Clearstream a déjà fait, et très officiellement, des petits. Ainsi, au moins deux dossiers, découlant du « courant clair » (Clearstream en VF) sont instruites. À savoir la plainte pour faux et usages de faux déposée contre l’ancien directeur de la DST, Pierre Bousquet de Florian par I2F. Cette société d’intelligence économique a mal pris d’être citée comme possible bidouilleuse des fichiers. Une plainte pour violation du secret de l’instruction a également été menée, quoique grandement freinée depuis la perquisition avortée au Canard Enchaîné. Et d’autres affaires, pour l’instant déconnectées du dossier, pourraient rapidement se joindre au ruisseau. Notamment du côté de Tahiti, à l’exotisme proverbial.
Et livre, noir sur blanc, le véritable cœur de la bataille : la main-mise sur les commissions dans les marchés à l’étranger. Ainsi écrit-il, sur un chiffre d’affaires d’EADS de 30 milliards d’euros, 10 milliards au minimum impliquent le versement de com’ aux intermédiaires. Et Gergo de révéler le taux moyen actuel de commissions que EADS pratique sur chaque marché : 1,5 %.
Ce qui représente, calcule l’esprit fécond de Gergo, 150 millions d’euros par an. Un pactole sur lequel Sarko, via Philippe Delmas, un dirigeant réputé proche de lui, risque de mettre la main, avertit Gergorin.
Traduire : si Delmas prend la trésorerie du groupe, l’ennemi intime de Villepin aura accès à un confortable trésor de guerre en vue du financement occulte de sa campagne présidentielle. Gergo accuse carrément Delmas, censé être sous la coupe de Brice Hortefeux de s’apprêter à ouvrir les vannes des retro-commissions au clan Sarko. « Une équipe Hortefeux pourrait monter d’un coup le taux moyen des commissions à 2,5 % », prévient Gergo rappelant à son copain Villepin que Le Floch-Prigent avait, en son temps, impulsé ce genre d’inflation aux commissions chez Elf-Aquitaine.
« Voici l’enjeu si on laisse faire », conclut sobrement le dirigeant d’EADS. Bien sûr, ces vilains procès d’intention, même détaillés noir sur blanc par l’ancien vice-président d’EADS, ne sont nullement prouvés. Jean-Louis Gergorin alors en guerre contre Philippe Delmas peut très bien s’être laissé aller à ces élucubrations pour enrôler Galouzeau de Villepin dans sa guerre. Mais les magistrats peuvent aussi vouloir vérifier par eux-même…
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