Les coups bas d’Imala

Début mai 2005, déjà soupçonné par la presse et surtout par la Direction de Surveillance du Territoire (DST) d’être l’ingénieur des faux-listing Clearstream, Imad Lahoud cherche à se refaire une virginité auprès du contre-espionnage. Mais n’ayant pas d’entrée directe rue Nélaton, il imagine alors de faire passer le message de sa probité via Pierre Sellier, le patron d’un cabinet de conseil en stratégie Salamandre. Sellier est en effet proche de Jean-François Clair, le directeur-adjoint de la DST. Et il travaille également avec Michel Lacarrière, un ancien directeur de cabinet du directeur du contre-espionnage.

Lahoud va donc tenter de convaincre Sellier qu’il est victime d’un complot fomenté par certains flics dévoyés de la DST, dirigés par Jean-Jacques Martini, alors patron de la direction C, chargé du contre-espionnage économique. Voici les fables de Lahoud, désigné ici sous le nom de code d’Imala, telles que Sellier les a retranscrites dans un verbatim de cinq pages. Elles sont censées expliquer pourquoi certains à la DST voulaient mouiller Lahoud dans l’affaire Clearstream. Un grand moment de mythomanie.

« Le général RONDOT lui a demandé (à Imala, ndlr) de mettre sur écoute (mail et téléphones) des cadres d’Altran car soupçons de financement politiques (Michel FRIEDLANDER aurait donné 92,5 millions d’euros au RPR de l’époque). IMALA ne sait pas qui a demandé au général RONDOT de s’intéresser à l’affaire »

Au départ, selon Lahoud, Rondot lui aurait commandé des écoutes illégales sur l’affaire Altran Technologies, une société de conseil en technologies de pointe travaillant pour la défense et déstabilisée par des rumeurs de malversations en 2002. Rien dans les fameux carnets Rondot ne vient pourtant accréditer l’idée que le général se soit interessé à cette affaire Altran… Lahoud insiste pourtant. Et d’assurer avoir effectué pour Rondot une autre mission périlleuse.

« Mission de surveillance des échanges électroniques de membres de la DST qui auraient couvert un système de fausses factures d’Altran ».

Bref, Lahoud, financier déchu aurait réalisé des écoutes sur des as du contre-espionnage… à la demande de Rondot, le conseiller pour les affaires de renseignement de Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense de son état. On plonge dans le n’importe quoi.

« Imala a découvert que les correspondants d’Altran à la DST (cite notamment C.) couvraient le système des factures a émettre (falsification des comptes) au prétexte qu’il fallait maintenir le cours de bourse dans une optique de défense du patrimoine »

Voilà l’astuce : Lahoud aurait découvert les turpitudes d’agents de la DST…

« Imala a conservé une copie des écoutes »

Mais il se garde bien de les fournir à son interlocuteur…En revanche, le chef des agents corrompus se serait fait remonter les bretelles assure Lahoud.

« MARTINI s’est fait convoquer par le Général RONDOT avec IMALA présent dans le petit bureau adjacent. Le Général RONDOT a demandé à MARTINI ce qu’étaient ces « conneries » et MARTINI est parti sans rien dire. Après le départ de MARTINI, le Général RONDOT aurait dit à IMALA : « voilà, on en parle plus, c’est réglé ».

CQFD. Pris la main dans le sac à cause de Lahoud, réprimandés par le général Rondot, les agents dévoyés de la DST auraient donc juré la perte de Lahoud. Ils ne cessent donc de le salir en utilisant des arguments spéciaux.

« La DST aurait rapporté au Général RONDOT qu’IMALA travaillait pour le MOSSAD puisque sa femme est juive… IMALA est lui pourtant chrétien maronite »

Evidemment ceux qui profèrent de telles accusations diffamatoires voire antisémites sont capables de tout, tente de faire valoir Lahoud.

« Imala en veut surtout à MARTINI et dit qu’il « ira jusqu’au bout » »

Et Lahoud de conclure en faisant de la gonflette en se prévalant de soutiens au plus haut niveau.

« Au cabinet VILLEPIN, Bruno LE MAIRE (Directeur de cabinet du Premier Ministre, ndlr) soutiendrait IMALA face à la sous-direction B de la DST »

À l’issue de cet entretien délirant avec Lahoud, Sellier a donc rédigé un verbatim non-signé… qu’il s’est empressé de confier… à la DST. Laquelle l’a transmis depuis aux juges d’Huy et Pons chargés de l’affaire Clearstream, avant que ce morceau d’anthologie soit publié par Bakchich qui ne pouvait pas priver ses lecteurs de ce moment de franche rigolade. Sacré Lahoud !