L’arrivée de Jean-Marie Weber, le trésorier généreux de l’ISL - leader mondial du marketing sportif - à l’Association des journalistes olympiques ne plaît pas à tous ses membres. Qui se renvoient la balle dans les médias.
L’Association des journalistes olympiques, (ou l’Association olympique des journalistes, c’est selon), présidée par Alain Luzenfichter, par ailleurs rédacteur en chef adjoint de L’Equipe, et qui compte quelques plumes mondiales de gros calibre concernées par le mouvement olympique et l’éthique sportive, a recruté en 2009 une figure un brin controversée : Jean-Marie Weber, le fameux « trésorier-payeur-général » d’ISL, dont le procès s’est tenu l’année dernière à Zug, vient en effet de rejoindre l’association de journalistes en qualité de « membre associé » ; un statut proposé par son comité exécutif à « tout individu, journal, fédération, réseau de télévision, sponsor ou association de toute nature qui contribue au fonctionnement de l’Association, ou dont les fonctions ont eu un impact sur les Jeux Olympiques ».
Pas de doute : Weber, qui s’est vu reproché par le tribunal pénal de Zug l’année dernière d’avoir distribué en plusieurs années près de 138 millions de Francs suisses de bakchich et d’avoir largement corrompu des dirigeants sportifs mondiaux en contrepartie des droits TV octroyés à ISL, a eu un méga impact sur les Jeux Olympiques ! Même, voire surtout, parce qu’il a toujours refusé de se mettre à table et d’identifier les bénéficiaires de ses largesses. Une qualité primordiale pour un journaliste lorsqu’il s’agit de ses sources !
Comme il se plaît à le rappeler sans fausse pudeur « il n’a rien fait d’illégal ». Un constat vaguement gêné, dressé fin 2008 par le tribunal de Zug en rappelant à une assistance mi-furieuse mi-goguenarde que le versement d’enveloppes même très épaisses n’était pas une pratique illégale pendant le règne de « l’empereur Weber » au sein d’ISL.
Un verdict qui, on s’en souvient, avait été accueilli par de vives réactions de la salle et un soulagement non dissimulé de la part de plusieurs membres de la FIFA et du Comité international olympique (CIO).
Si, pour Weber, il n’était pas illégal en droit suisse de les verser, les statuts des organisations sportives concernées interdisaient évidemment à leurs dirigeants concernés de les percevoir. D’où le mutisme du « trésorier Weber » qui s’est doublement comporté comme un « seigneur » : d’abord en lubrifiant généreusement les rouages du mouvement sportif, puis en taisant le nom des bénéficiaires de ses cadeaux.
Bien entendu, des voix de plusieurs membres de l’association de journalistes se sont élevées à l’annonce de l’arrivée de Weber. Son secrétaire général, le Suisse Adrian Warner a tenté de calmer le jeu en déclarant « j’ai envoyé un Email aux membres de l’association pour leur dire qu’on devait discuter de cette question à la suite de la protestation de l’un de nos membres ».
Le membre en question, le journaliste allemand Jens Weinreich, traque les turpitudes des dirigeants de la FIFA depuis des années. Il a couvert le procès de Zug l’année dernière, et menace tout bonnement de quitter l’association si Weber en reste membre. Fou de rage, il déclarait sur son blog il y a une dizaine de jours : « Je suis de retour de Coventry où j’ai participé à la très stimulante conférence organisée par PlaytheGame et je découvre dans le nouvel annuaire, mon nom à côté de celui d’un nouveau « membre associé » de l’AJO ; son nom ? Jean-Marie Weber… qui a élu Jean-Marie Weber ? Il n’a jamais été journaliste. Mais il a eu un rôle clé au sein du mouvement olympique. Il a payé les pots-de-vin ; d’énormes pots-de-vin ; des pots-de-vin versés peut-être pendant une trentaine d’années à des hauts dignitaires du sport ; est-ce-que ça le qualifie pour devenir membre de l’Association des Journalistes Olympiques ?.. ».
La polémique enfle au sein de la presse sportive internationale où l’on reprend, avec gourmandise, les propos d’Adrian Warner sur le BBC Olympics blog. Des réflexions un brin emphatiques consacrées au début de l’année, à la manie du « secret » qui entoure les chiffres et les procédures édictées par le consortium London 2012 :
« Je suis déterminé à enquêter sur les raisons qui empêchent les gens de parler des détails du projet olympique, depuis que j’ai entendu, l’année dernière, que le nouveau staff de London 2012 avait signé un engagement de confidentialité… Je me demande pourquoi un projet avec autant d’argent public, 9,3 milliards de £, doit être tenu à tant de secret… » Ou encore, le 26 janvier 2009, « …Les sociétés que j’ai contactées sont choquées d’avoir à signer une autorisation de perquisition sur leurs chantiers de la part du consortium London 2012… ».
Pourquoi Adrian ne demande-t-il pas un cours particulier à son « collègue » Jean-Marie Weber ? En matière de secrets d’argent entourant le mouvement olympique, l’ex-« trésorier payeur général » d’ISL est un expert reconnu qui ne manquera pas de faire avancer de manière décisive, à coup de langue de plomb, le niveau de connaissance des membres de son Association…
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