Les Bobbies, statisticiens ethniques

Plutôt que de se lancer dans une vaine déforestation médiatique de la « jungle » de Calais, Eric Besson aurait sans doute été mieux avisé de faire distribuer aux candidats au passage sauvage en Angleterre, un petit opus d’une trentaine de pages rédigé en anglais et susceptible de les amener à réfléchir avant de se lancer dans leur périlleuse aventure : le rapport 2008-2009 de la Police de Londres est en effet très instructif à plus d’un titre. En particulier en ses pages 24 à 27.

Le Royaume-Uni, qui ne figure pas au rang des états totalitaires, s’est doté depuis 1984 ( !), d’une loi (Police and Criminal Evidence Act – ou « Pace ») qui traite des pouvoirs de la police en matière de fouilles et de perquisitions des individus et de leurs propriétés (résidence, véhicule, bateaux, coffres-forts…).

« Pace » définit également -avec une marge réduite d’appréciation des fonctionnaires de police- les conditions d’arrestation et de détention des suspects ainsi que des modalités de leur interrogatoire.

Les fameux « codes », annexés au texte principal, précisent par exemple les conditions de détention et d’interrogatoire (code C) ou encore des modalités d’enregistrement audio et vidéo des auditions (codes E et F) sans oublier celles qui portent sur les pouvoirs d’arrestation (code G) et de détention des terroristes présumés (code H).

United colors of helmets

Ray Clid

Typologie

C’est donc notamment en application de la loi de 1984 que la police londonienne procède entre autres chaque année, à un certain nombre de fouilles de véhicules et de leurs occupants : 5335 très précisément en 2008-2009.

La page 24 du rapport présente un tableau de synthèse des motifs de fouille (vol, drogue, armes à feu, armes offensives, dommages criminels…) répertoriés par…catégorie ethnique ! Oui, vous avez bien lu.

Pendant que de ce côté-ci de la Manche, on philosophe à l’envi sur l’utilité, la légitimité et la faisabilité de statistiques ethniques, à London, la police rapproche déjà depuis longtemps ses motifs d’intervention de la « clientèle » à laquelle elle sont destinées, analysée dans sa très grande diversité.

Les blancs : anglais, irlandais ou autres. Les métis : blancs et noirs de type antillais, de type africain, les métis de blanc et d’asiatique et les autres ( !). Les asiatiques : anglais et étrangers et notamment les Indiens, les Pakistanais, ceux du Bangladesh et les autres. Les noirs, anglais et étrangers : les Antillais, les Africains et les autres ( ?). Sans oublier nos amis aux yeux bridés, divisés entre les Chinois et les autres.

Hit-parade

Ce n’est donc pas sans fierté que le rapporteur annonce qu’au cours de l’année 2008-2009, tous motifs confondus, 3 125 blancs et leurs véhicules ont été contrôlés. Contre « seulement » 230 métis, 638 asiatiques avec le prix d’excellence décerné à ceux du Bangladesh (364), 735 noirs et 33 malheureux chinois…

Même punition page 25 où l’on dénombre cette fois les arrestations consécutives aux contrôles effectués page précédente : vont y avoir droit, 299 blancs, 31 métis, 73 asiatiques, 119 noirs et 13 jaunes.

Page 26 cette fois, on recense les fouilles effectuées sur le fondement du Terrorism Act 2000 section 44. Sont passés au crible les groupes ethniques fouillés tantôt en qualité d’automobilistes, tantôt en tant que piétons (567) Dans ce dernier cas et comme partout ailleurs dans le monde, le « délit de sale gueule » doit, très subtilement cela va sans dire, guider la main innocente des Bobbies…

Politique RH transmanche

Pour faire bonne mesure, la police applique la même grille de lecture à ses ressources humaines : on découvre donc page 27, que sur 820 policiers tous grades confondus, 784 sont blancs ; dans les seules forces d’appoint (« supporting staff ») on dénombre 280 blancs sur 353 fonctionnaires auxiliaires de police…

Bref, des chiffres de nature à démontrer aux Afghans de Calais qu’ils n’ont pas besoin de traverser le Channel au péril de leur vie, agrippés une nuit sans lune au réservoir d’essence d’un semi-remorque. De toute évidence, ils sont les bienvenus au Royaume de sa très gracieuse majesté, à condition qu’ils s’engagent dans la police…

C’est moins vrai en revanche pour les Londoniens originaires du Bangladesh envers lesquels les keufs british paraissent très soupçonneux dès lors qu’on parle de détention de drogue (200 contrôles en 2008-2009). Des fouilles qui ne donneront d’ailleurs pas lieu à un pourcentage significatif d’arrestations.

Qui osera encore affirmer, au vu d’informations aussi intéressantes, que les statistiques ethniques sont inutiles ?

Brice Hortefeux

© Grumbl

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