A un mois pile poil de l’ouverture des controversés jeux de Pékin, ce petit livre très bien ficelé synthétise les évolutions et les faits marquants de l’olympisme. Du père spirituel Pierre de Coubertin à la préparation des JO de Pékin, Patrick Clastres nous éclaire, dans « Jeux Olympiques : Un siècle de passions », sur les frasques, hautes en couleurs, du Comité International Olympique (CIO). Un siècle de passions… et aussi d’affaires noires en tout genre.
Des premiers jeux à Athènes en 1896 à ceux prévus en 2014 à Sotchi en Russie, le CIO a survécu à deux guerres mondiales, une guerre froide et s’installe dans la mondialisation en impitoyable gestionnaire et stratège politique. Le CIO a aussi survécu à son passé. Bel exploit vu le peu d’efforts. En effet, des liens étroits ont unis nazis et membres du CIO pendant la guerre. Plus gênants, ces liens ont continué après 1945. Le comité a promis une dénazification mais d’anciens membres du comité ont quand même été réhabilités comme le Reichsports-Führer Karl Ritter Von Halt en 1951. Difficile alors de faire l’apologie de la neutralité et du pacifisme.
Le dernier chapitre du livre s’intitule « Humanitaire et Business Olympique ». L’auteur développe la « révolution Samaranch », celle des années 80 et du pacte avec le business. L’important pour les entreprises est bien de participer…
Pourtant la Guerre froide a bien failli geler les dernières flammes. Langage binaire de l’époque, les Américains en 1980 boycottent les jeux de Moscou et en 1984 les Russes boycottent ceux de Los Angeles. Entre dopage, pressions et guerres aux quatre coins du globe, les Jeux Olympiques perdent leur légitimité. C’est la faillite. Mais arrive Juan Antonio Samaranch (Espagne, 1980-2001), bien décidé à s’affranchir du joug des États et à engranger les pépètes. Tout d’abord, il réforme le statut juridique du CIO : En 1981, un statut inédit est adopté par la Confédération helvétique : le CIO devient « une organisation internationale non gouvernementale, à but non lucratif, à forme d’association dotée de la personnalité juridique dont le siège est à Lausanne ». Une embrouille en somme qui « situe le CIO dans un hinterland (niche) juridique entre droit interne suisse et droit international. » Désormais que le CIO est tranquille, place aux contrats !
En premier lieu avec les chaînes de télé qui apportent l’essentiel de la manne financière. Suivent un petit cercle de firmes transnationales qui monopolisent l’événement. Dès 1988 « le choix de Seoul répond aux ambitions expansionnistes des partenaires commerciaux du CIO en Asie, par exemple Adidas ». Les jeux d’Atlanta de 1996 (les premiers bénéficiaires) sont présentés comme les « Jeux Coca-Cola/CNN/Delta Airlines ». Athènes avait beau se présenter comme le candidat idéal (100 ans après les premiers jeux d’Athènes en 1896), seule la logique du marché compte. Parmi les jeux, faits uniquement pour « faire du fric », existent les jeux « prétextes » comme les Jeux d’Athènes, organisés finalement en 2004 ou bien Sydney en 2000 dits « les Jeux écolos ». Honneur à l’Histoire et à l’environnement. Selon Clastres, c’est de « la Realpolitik ».
Dans le système Samaranch, la drague de l’ONU est l’autre sport préféré des membres du CIO [1]. « Craignant d’être réduit aux seuls Jeux Olympiques et assimilé au sport business, le CIO multiplie depuis 1992 les actions humanitaires auprès des différents organes dérivés de l’ONU. » [2]. Le CIO , en tant qu’institution internationale, pourrait en théorie tomber sous la férule des onusiens, la SDN (Société des Nations) avait d’ailleurs tenté d’accaparer le CIO sous sa coupe dans les années 20. L’idée commence tout de même à germer, surtout depuis la révélation d’affaires de corruption lors de l’attribution des jeux de Salt Lake City en 2002. Suivies des rumeurs persistantes de ceux de Londres en 2012.
La Commission européenne a tout de même fait pression pour que L’AMA, (l’Agence Mondiale Antidopage) quitte Lausanne pour Montréal. Chose faite en 2001. Patrick Clastres y voit une brèche dans le monopole olympique. Qui pourrait, pourquoi pas, déboucher sur une reprise en main des États sur les Jeux Olympiques ?
Mais Patrick Clastres n’y croit qu’à moitié. Les récents choix de Pékin ou même de Sotchi (Poutine avait promis une enveloppe de 13 milliards d’euros) ne sont pas à proprement parler des signes encourageants. Il le dit d’ailleurs lui-même : « Au fond de la jarre olympique, il ne reste plus désormais que l’espoir. Celui des sportifs du dimanche et des éducateurs de terrain ».
Les intertitres sont de la rédaction
Le CIO finance depuis les années 1980 des organismes produisant une histoire officielle des Jeux. Lié au magnifique Musée olympique de Lausanne, le Centre d’études comprend à la fois un service d’archives et une médiathèque. Il exerce sa mission prosélyte avec bienveillance et discrétion : système de bourses pour chercheurs, création en janvier 1995 d’une Chaire Internationale d’Olympisme en partenariat avec l’Université Autonome de Barcelone dont les objectifs sont « la recherche, la formation, la documentation et la diffusion des idéaux du Mouvement olympique ». Sur chaque continent, des centres universitaires de recherche sont financés en grande partie par le CIO ou par ses principaux sponsors. Depuis 1961, le gouvernement grec soutient l’Académie Internationale olympique qui organise des sessions internationales de formation à l’idéal olympique sur le site même de l’antique sanctuaire de Zeus. Le Comité Internationale de Pierre-de-Coubertin apparu en 1980 joue le rôle de conservatoire de la mémoire du baron français et de diffusion de sa « philosophie ». A trop vouloir contrôler l’écriture de sa propre histoire, le CIO s’interdit de tirer les leçons du passé. [3]
Pour visionner quelques questions posées à l’auteur, cliquez ici
Lire ou relire sur Bakchich :
[1] membres cooptés, c’est-à-dire choisis par le comité directeur du CIO et non par les institutions des gouvernements étrangers. Ils sont nommés jusqu’à l’âge de 70 ans. Et font partie de la grande et belle famille du CIO
[2] Le CIO collabore avec le HCR (Haut Commissaire des Nations Unis pour les Réfugiés), le PNUD (Programme des Nations Unis Pour le Développement) et la FAO (Programme des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation
[3] passage tiré du paragraphe « Une histoire sous influence » p 103
J’aime énormément les exploits sportifs que procurent les Jeux Olympiques. De nouveaux records sont établis et de nouvelles limites sont franchies ! D’ailleurs le site Civis Memoria rassemble quelques un de ces exploits :
J’espère pouvoir lire de nouveaux témoignages à la rentrée !