La Suisse, épicentre de la planète football. Et pas seulement parce que va s’ouvrir l’Euro de football, samedi prochain. Depuis mars, se tient dans la bucolique ville de Zug un charmant procès, qui pourrait entâcher l’immaculée réputation du président de la FIFA- la fédération mondiale- Sepp Blatter.
Pendant que la presse hexagonale s’échinait à prévoir le nom des joueurs retenus pour la grand’messe de l’Euro helvético-autrichien 2008 qui débute dans quelques jours, on en apprenait de belles du côté de Zug, en Suisse.
C’est en effet dans cette ville qui sent bon le secret bancaire et les fiduciaires discrètes, que se dispute depuis début mars avec une couverture médiatique des plus réduite, une partie tout aussi décisive pour l’avenir du football mondial. Le procès de la faillite un brin frauduleuse d’ISL et d’une demi-douzaine de ses dirigeants, confirme s’il en était encore besoin que les rétro-commissions sont au football mondial ce que le chocolat chaud est aux profiteroles : indissociables.
Petit rappel : En juillet 1996, ISL avait été déclarée par la FIFA, lauréate des droits TV des coupes du monde 2002 et 2006. Un bonheur n’arrivant jamais seul, ISL avait aussi emporté à la Noël 1997, les contrats de marketing pour les mêmes épreuves. Séance tenante, la force de vente d’ISL s’était lancée avec enthousiasme dans la commercialisation mondiale des droits tombés dans son escarcelle par la bonne grâce des gros bonnets de la FIFA. Dès juillet 1998, ISL parvenait à vendre pour 60 millions de Dollars, une première tranche des droits TV à Globo, la chaîne de télévision brésilienne, dont théoriquement, 22 millions devaient être reversés sur le champ à la FIFA. Laquelle n’en verra jamais la couleur…Pas plus que des autres sommes encaissées par ISL jusqu’à ce qu’un juge du tribunal de commerce prononce sa faillite le 21 mai 2001.
Bakchich a déjà relaté les circonstances dans lesquelles, attirée par l’odeur du sang, Vivendi en la personne de l’entreprenant Jérôme Valcke, avait tenté, quelques semaines avant le clap de fin d’ISL, de récupérer moyennant quelques menues menaces, ces droits « imprudemment » attribués par la FIFA. Et la réponse toute en nuance de Sepp Blatter, le président de la FIFA, refusant de céder au chantage de son futur Secrétaire Général.
Promu comme l’on sait, après avoir été licencié par le même Blatter un peu plus tôt du fait de ses coûteuses manigances au préjudice de MasterCard. (90 millions de dollars ont été versés à MasterCard par la FIFA pour résoudre le différend « à l’amiable »).
À Zug, les 228 pages de l’acte d’accusation d’ISL et de ses 6 dirigeants contient quelques scoops croustillants qu’il serait honteux de ne pas dévoiler.
D’abord qu’une société détenue par Joao Havelange, l’ancien empereur de la FIFA et son ex-gendre, l’indéboulonnable et plusieurs fois condamné président de la Fédération brésilienne Ricardo Teixeira, a reçu « un minimum » d’un million de dollars « ristournés » par ISL. Ensuite que ce sont plus de 138 millions de francs suisses qui ont été rétrocédés par ISL entre 1989 et 2001.
Un joli magot consciencieusement distribué par Jean-Marie Weber, son « Trésorier Payeur Général » et ex-ami intime de Blatter, aujourd’hui dans le box des accusés.
On découvre également au détour de l’acte d’accusation, l’existence d’une autre fondation du Liechtenstein dénommée Sicuretta, alimentée par ISL à hauteur de 6,4 millions de Dollars retirés progressivement en cash par Jean Marie Weber et distribués à on ne sait qui.
Jusqu’à présent, Weber s’obstine en effet à refuser de communiquer les noms des bénéficiaires de ses rétro-faveurs. Pas du genre repenti le Jean Marie.
Pas sûr pourtant que ça constitue la meilleure des assurances-vie. Guido Renggli, l’avocat du Lichtenstein qui avait procuration sur le compte, a cru utile de confier aux enquêteurs que Weber l’avait amené à Paris en 1998 pour « discuter » avec Blatter qui venait d’être élu président de la FIFA, puis assister à un match de la coupe du monde ; la belle affaire…
Werner Wurgler, l’avocat de Christoph Malms, l’un des 6 prévenus au procès et accessoirement beau-frère des sœurs Dassler, héritières du fondateur d’Adidas, dont il représentait les intérêts dans ISL, a fait à la cour quelques confidences plus gênantes encore pour Blatter.
Il a en effet affirmé que son client avait été approché par Blatter qui lui avait indiqué que le maintien de Weber aux commandes d’ISL était une condition pour que cette dernière conserve ses contrats avec la FIFA. Si telle n’était pas le cas « ce serait mauvais pour ISL » aurait affirmé « Sepp le Couillu » Blatter à Malms. Le maintien de Weber aux commandes financières d’ISL semblait d’ailleurs une priorité absolue pour la FIFA puisqu’ aux dires de Wurgler au tribunal, son client aurait reçu le même message d’Havelange au cours de la coupe du monde à Paris en 1998. La tactique judiciaire est astucieuse : « c’est à cause de ces ultimatums de la part des 2 présidents de la FIFA qu’il a été économiquement impossible au groupe ISL d’échapper au système des rétro-commissions », a-t-il ajouté sans sourire.
Le côté comique de l’histoire c’est qu’à l’époque, les pots de vin n’étaient pas illégaux en Suisse qui ne les a prohibés que très récemment. Les goulus de la FIFA eux, se sont assis sans vergogne sur l’article 12 du Code d’Ethique de la maison qui les prohibait clairement, quoi qu’en dise la loi helvétique. Interrogé à plusieurs reprises par les medias depuis le début de l’année, Sepp fait le fanfaron en affirmant avec son culot légendaire que ce qui se passe à Zug en ce moment ne concerne la FIFA en aucune manière.
Pas sûr qu’il maintienne la même ligne de conduite lorsque seront communiquées à la cour, les pièces saisies dans son bureau le 3 novembre 2006 par le procureur spécial Thomas Hildbrand au cours d’une mémorable perquisition. Le verdict est attendu en juillet. On ne sait jamais. Si la réputation de Sepp venait à être définitivement salie, rien ne dit que Jérôme Valcke sa première gâchette, ne se proposerait pas pour le remplacer. Dans l’intérêt supérieur du football bien entendu.
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Entre nous, c’est quand même bizarre que le siège de la FIFA soit en Suisse, non ? Le foot est très loin d’en être le sport national là bas. Je n’ai jamais compris ce que l’instance suprême du foot faisait là bas ;
Et quand on voit les réception faites par la FIFA, ou tout ce que doit toucher la FIFA des sponsors qd telle ou telle competition est organisée, ou la part des droits TV qui leur sont reversés, on se demande ce qu’ils font de tout ce pognon. Ok, ils en reversent une partie lors des compétitions aux équipes qui s’y sont illustrées, mais bon, je suis un brin scéptique…