Alors que la France se mobilise pour le gain de l’Euro 2016 de football, un professeur canadien sonne l’alarme sur les pratiques douteuses des Etats en temps de Jeux. Rien ne va plus…
Qui croire ? Au moment où la grande famille du foot-business hexagonal décrète, au nom du plan de relance de l’économie, une mobilisation générale en faveur de la candidature française à l’organisation de l’Euro 2016 de football, on en apprenait de belles la semaine dernière du côté de Coventry. C’est en effet l’université de cette charmante ville anglaise qui accueillait le symposium 2009 de l’organisation internationale Play The Game, un réseau de journalistes, d’enseignants et d’acteurs du secteur sportif principalement soutenu par le ministère des Sports danois et peu connu des médias français, qui se consacre à promouvoir l’éthique et la transparence dans le sport. Un vaste programme, qui lui vaut quelques inimitiés, notamment de la part de la FIFA, du Comité international olympique (CIO) et des fédérations sportives mondiales les plus corrompues. On se demande vraiment pourquoi ?
Toujours est-il qu’au programme de cette semaine de réflexion festive, figurait notamment une communication très attendue du professeur Chris Shaw, intitulée « Le 4ème pilier secret des Jeux Olympiques : Privatisation des profits et socialisation des pertes – l’envol des coûts de Vancouver 2010 ».
L’ami Chris, un Canadien qui enseigne à la prestigieuse université de Columbia, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère ; sa thèse tient en peu de mots : une des raisons de l’explosion incompréhensible de la dette publique des Etats tient en particulier à la volonté des institutions de toutes sortes, en charge de l’organisation de méga-évènements sportifs tels les Jeux Olympiques, d’en dissimuler systématiquement le véritable coût. Il a illustré son propos au moyen d’un exemple concret, à savoir l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver, l’année prochaine à Vancouver. Un dossier qui démontre selon lui à quel point le public est trompé sur le coût réel de l’opération. Une grande kermesse dont les uniques gagnants seraient les quelques entreprises privées titulaires des chantiers de construction.
« Les Jeux Olympiques sont peu à peu gagnés par un nouveau type de corruption… », a-t-il indiqué, en référence aux modalités de sélection de la ville organisatrice de plus en plus controversées. Un très mauvais souvenir pour nos petits gars qui soutenaient ‘Paris 2012’ et se sont faits doublés « à l’anglaise » par nos amis londoniens. Puis il a précisé : « …c’est le fait que les autorités publiques mentent continuellement aux contribuables et dissimulent le véritable coût de l’opération… ». « Est-ce de la stupidité ou de la tromperie évidente sur la marchandise ? Je dirais que c’est les deux à la fois… » , a-t-il répondu à une question de l’auditoire. Les recherches poussées qu’il a entrepris sur le budget des Jeux de Vancouver l’année prochaine l’ont amené à une conclusion qui a provoqué une franche rigolade : Shaw a tout bonnement comparé les Jeux Olympiques à l’escroquerie bancaire « à la Nigériane » désormais mondialement connue, dans laquelle des e-mails sont expédiés par quelques prétendus nigérians fortunés victimes du régime, qui demandent aux milliers de destinataires de leurs missives, de fournir leurs coordonnées bancaires afin de les aider à sortir quelques millions de pétro-dollars soi-disant bloqués dans le pays, pour finalement vider le compte des quelques gogos qui répondent favorablement. « C’est exactement la même logique », a affirmé le professeur Shaw, « on vous invite à faire preuve d’humanité ou de civisme en comptant activement sur votre cupidité… ».
Les chiffres communiqués par le Canadien sont éloquents : en 2002, le coût officiellement annoncé n’excédait pas 660 millions à la charge du contribuable. Au terme d’études approfondies, il est arrivé à une estimation de 6 milliards de dollars aujourd’hui ! « Aussi incroyable que ça puisse paraître, pas un décompte audité et certifié n’est disponible ; j’ai découvert par exemple que les coûts exposés au titre de la sécurité avaient été occultés dans une proportion inimaginable ; depuis mes découvertes, tous les échelons administratifs bloquent systématiquement l’accès aux informations… Si le Comité d’organisation des Jeux de Vancouver avait communiqué dès le départ le véritable coût de l’opération, nul doute que les contribuables concernés auraient refusé tout net de s’engager dans une telle spirale… ».
D’après le chercheur, outre l’explosion du budget de la sécurité et la destruction globale de l’environnement –100 000 arbres ont été déracinés pour faire de la place à ce qui est supposé constituer « les Jeux les plus écologiques jamais organisés » - le Comité d’organisation a même été obligé de consentir une hypothèque de 1,1 milliards de dollars canadiens sur le village olympique… On ne sait si en ces temps troublés, les banques invitées à la fiesta ont inclus l’opération dans la liste de leurs actifs toxiques ou si, par prudence, les prêts consentis au Comité olympique canadien ont été « généreusement » provisionnés.
Reste que, même s’ils enseignent à Columbia, ces Canadiens restent de grands enfants tout juste bons au négoce de peaux de bêtes et de sirop d’érable… Ce n’est pas chez nous que de telles dérives pourraient survenir. Pour peu que Platini nous l’attribue, personne ne doute de nos capacités à faire de l’Euro 2016 une formidable vitrine de notre savoir-faire en matière de mega-teufs sportives. Comme toutes celles qui l’ont précédé, notre génie de l’organisation en fera un succès planétaire qui ne coûtera pas un euro au contribuable. Ou si peu.
On se demande d’ailleurs pourquoi, pas plus tard que la semaine dernière, c’est à la sauvette que la Commission des affaires économiques de la Chambre des députés a adopté, dans le cadre du projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques, un amendement rendant « d’intérêt général » la construction d’enceintes sportives dans le cadre de la candidature française à l’Euro 2016 ?
Tout compte fait, « Chris le Trappeur » n’a peut être pas tout à fait tort de sonner l’alarme. Surtout lorsqu’on s’arrête un moment sur la rédaction dudit amendement : « les enceintes sportives… ainsi que les équipements connexes permettant le fonctionnement de ces enceintes sont déclarés d’intérêt général QUELLE QUE SOIT LA PROPRIETE PRIVEE OU PUBLIQUE de ces enceintes et équipements ». Ça va chercher dans les combien d’euros un « stade privé, d’intérêt général » pour l’Euro 2016 ?
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Tout ça pour voir Ronaldo (si le portugal est qualifié…) qui va gagner 2 400 euros par jour au Réal de Madrid… !
Ca fait un moment que les Londoniens regrettent d’avoir obtenus les jeux face aux Parisiens… Si la différence est du même tonneau que pour les Canadiens, les Anglais ne pourront même plus aller au pub dépenser leur livre qui a déjà perdu de sa valeur… !