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The Reader : l’amour après la guerre

adaptation / mardi 21 juillet 2009 par Marc Godin
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Un ado tombe fou amoureux d’une femme autoritaire et mystérieuse. D’après le best-seller de Bernard Schlink.

The Reader doit être le seul film de l’histoire du cinéma dont les deux producteurs sont morts. Non pas de honte ou de dépit car Sydney Pollack et Anthony Minghella sont décédés avant la fin du tournage et que le film n’aurait pas dépareillé au sein de leur filmographie, quelque part entre Out of Africa ou Le Patient anglais. Mais loin d’être un gros mélo dégoulinant, The Reader est aussi et surtout l’adaptation fidèle du Liseur, beau livre d’un juge, prof de droit et écrivain allemand, Bernard Schlink (mais pourquoi le marketing n’a-t-il pas gardé le titre du bouquin, hein, pourquoi ?).

Les délices de la chair et de la lecture

Dans l’Allemagne de l’après-guerre, Michael Berg, un ado plein de sève, fait la connaissance d’Hanna, contrôleuse de tramway de vingt ans son aînée. Il s’éprend de cette femme autoritaire, imprévisible, mystérieuse et, contre toute attente, devient bientôt son amant insatiable. Commence alors une liaison secrète, un rituel passionnel où, entre deux cours, Michael se fait laver par la jeune femme, elle lui fait l’amour, il lui fait la lecture. Elle l’initie à la sexualité, il lui fait découvrir Homère, Mark Twain, Dickens, Tchekhov, Tolstoï… Le plaisir de la chair, la sensualité des mots : cet été marquera Michael à jamais. Pourtant, un jour, elle disparaît, laissant Michael dévasté. Huit ans plus tard, le jeune homme, devenu étudiant en droit, assiste au procès des criminels nazis. Il découvre, stupéfait, Hanna, son amour de jeunesse, sur le banc des accusés : elle aurait été gardienne d’un camp de concentration…

Distanciation et lyrisme

Pour une telle histoire, il fallait un réalisateur brillant, fin, avec un point de vue. Anthony Minghella, qui filmait souvent avec des moufles, rêvait de mettre en image le best-seller de Schlink depuis une dizaine d’années. Quand il meurt en mars 2008, le bébé est alors confié à Stephen Daldry, épatant metteur en scène de Billy Elliott et surtout de The Hours. Bonne pioche ! Epaulé par le dramaturge David Hare, qui avait déjà adapté The Hours, Daldry alterne les époques, multiplie les allers-retours temporels entre les années 50 et les années 90, et son héros, incarné par Ralph Fiennes, interprète du nazi dément de La Liste de Schindler, plus mutique que jamais, se souvient de cette passion de jeunesse qui a ravagé sa vie.

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Daldry alterne également les styles : une première partie tout en sensualité, avec la scène la plus bandante de l’année, quand Kate Winslet, qui a offert au jeune garçon de prendre un bain, arrive derrière lui, complètement nue, dans la salle de bain. Une seconde, plus froide, tragique, où les personnages sont murés dans le silence, enfermés dans des tribunaux, derrière des barreaux ou dans des appartements lugubres. Pour l’image de son film, Daldry a bizarrement bénéficié de la grève des scénaristes qui l’a obligé à prendre deux chefs op’ différents, deux cadors : Roger Deakins, directeur de la photo des frères Coen, qui signe toute la partie avec Ralph Fiennes, et Chris Menges (Mission) qui a tourné l’histoire d’amour entre le puceau et la femme mûre une fois la grève terminée, alors que Deakins était déjà embarqué sur un autre projet.

Mais comme il filme des plaies jamais cicatrisées (un amour de jeunesse et la responsabilité du peuple allemand dans la Shoah), Stephen Daldry garde un style distancié, glacial, clinique, plongeant le spectateur, incapable de s’identifier avec les personnages, dans un malaise constant, une tension qui culminera lors d’une scène finale complètement déchirante. Mais sous l’apparente froideur des images, il y a un lyrisme qui rappelle les classiques du cinéma anglais, notamment le cinéma de David Lean. Du grand art…

Un Oscar mérité pour Kate Winslet

On le savait depuis The Hours, où il dirigeait Meryl Streep, Julianne Moore, Nicole Kidman et Ed Harris, Stephen Daldry, homme de théâtre, est un grand directeur d’acteurs. Plus mutique que jamais, Ralph Fiennes est formidable en homme consumé par la passion, incapable d’oublier ou de pardonner. Quant à Kate Winslet, récompensée d’un Oscar, il est absolument stupéfiant de voir la comédienne britannique disparaître à ce point derrière son personnage et devenir « le Cheval » décrit par Schlink dans son livre. Son visage se métamorphose alors en un masque impénétrable qui illustre la banalité du mal. La force de son regard, la façon dont elle se tient, dont elle appelle son jeune amant (« Boy »), son air buté lors du procès, sa transformation finale : elle est d’une intensité extraordinaire. Certains critiques, qui s’extasient quand Vincent Cassel prend 20 kilos de gras, ont raillé cette performance prétendument à Oscar (because pas de maquillage, scènes de nu, vieillissement de 30 ans à la fin). J’ai simplement du mal à comprendre ce que l’on peut reprocher à cette comédienne au sommet de son art, comme je vois mal comment une autre actrice aurait pu se métamorphoser en Hanna, alors que Nicole Kidman avait été choisie par Daldry avant de tomber enceinte…

Un film révisionniste ?

Pour continuer avec nos amis critiques, j’avoue que je reste dubitatif devant les arguments « polémiques » de certains. En gros, The Reader serait un film dégueulasse, révisionniste, car il fait pleurer sur le sort d’une héroïne abjecte (bah non, on ne pleure pas) et s’intéresse au bourreau et non aux victimes. Même la fin, une séquence sublime entre Ralph Fiennes et une rescapée des camps qui parlent en champ / contre-champ, poserait problème car cette femme juive est – horreur ! – riche, d’où le cliché antisémite… C’est beau comme du Philippe Val… Que répondre à ce fatras de conneries ? D’abord, que tout est dans le livre de Bernard Schlink. Que le film n’excuse JAMAIS Hanna qui restera une énigme jusqu’à la fin. Et que le sujet n’est absolument pas l’Holocauste, mais comment une génération peut survivre à un crime total, absolu, perpétré par la génération précédente, à savoir ses parents. The Reader ne répond jamais à cette question, s’apparentant à un requiem en forme de point d’interrogation.

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Englués dans le quotidien, Kate Winslet et Leo DiCaprio s’engueulent copieusement et se postillonnent dessus.

« The Reader » de Stephen Daldry, avec Kate Winslet, Ralph Fiennes, David Kross, Lena Olin, Bruno Ganz

En salles depuis le 15 juillet


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9 MESSAGES

Forum

  • The Reader : l’amour après la guerre
    le lundi 25 janvier 2010 à 00:55, coco a dit :

    Pour moi ce film donne envie de lire le livre et d’autres livres sur la culpabilité allemande.

    Il soulève le voile sur la raison réelle du comportement de la population à cette période : on a appris aux gens à obéir ! L’idée que le devoir est loi se retrouve aussi dans le film quand le professeur dit que ce procès ne concerne pas la justice mais la loi.

    J’ai revu dernièrement Shoa, the war aussi est très instructif : sur une planète où l’anti-sémitisme était une évidence DANS TOUS LES PAYS l’allemagne n’a hélas que juste exacerbé le sujet afin de fédérer les populations qui n’attendaient qu’un coupable… et l’occident a fermé les yeux jusqu’à ce qu’un autre sujet que l’holocauste leur permette d’intervenir : Désolée de le dire mais heureusement pour l’Europe que Pearl Harbor et le Communisme soient venus nous aider !

    Shoa le montre bien : les paysans polonais proches des camps disent avoir tous su ce qu’il en était (l’odeur étant la meilleur des raison avec les transports incessants). La seule chose qu’ils avouent c’est que en temps de guerre ils ramassaient les patates et avec la disparition des juifs ils sont devenus commerçants… comment juger les gens depuis notre petit confort voilà le sujet du film.

    L’illetrisme étant une "tare" il vaut mieux être jugé pour meurtre que l’avouer… voilà le profil des gens qui ont obéit quand la peur n’a pas été leur motivation dans ces horreurs.

    Le sujet de ce film pour moi : notre vision du monde à une date donnée, se conformer à l’image qu’on doit donner, obéir quitte à aller à l’encontre de sa morale.

    C’est triste mais tant qu’on se donnera de fausses raisons on laissera toujours libre cours aux orateurs qui sauront utiliser les arguments les plus vils pour fédérer des populations pour de mauvaises raisons.

  • The Reader : l’amour après la guerre
    le dimanche 6 septembre 2009 à 22:21, yannmax a dit :
    J’ai pour ma part trouvé ce film tout simplement moyen. Le seul bon point est Kate Winslet. De plus je suis en partie d’accord avec la polémique qu’il a suscité. La fin, par exemple m’a choqué. Dans le livre la rescapée n’est pas riche pourquoi avoir changé cela. Alors que pendant presque tout le film le scénario suit le bouquin à la lettre. Si cela n’est pas fait exprès alors c’est vraiment maladroit. On ne badine pas avec la Shoah.
  • The Reader : l’amour après la guerre
    le lundi 10 août 2009 à 16:01, Jane a dit :
    @ Marc GODIN : j’adhère au mot près à la totalité de votre critique. Je viens de voir ce remarquable film après avoir été bouleversée par le livre. @ l’anonyme qui questionne : "Que vaut le livre par rapport au film ?" : le livre est aussi passionnant que le film, d’ailleurs l’adaptation est très fidèle. N’hésitez pas, lisez-le.
  • The Reader : l’amour après la guerre
    le mercredi 22 juillet 2009 à 15:29
    Que vaut le livre par rapport au film ?
    • The Reader : l’amour après la guerre
      le mercredi 29 juillet 2009 à 18:17, Marc Godin a dit :
      Comme je l’écris dans mon papier, le film est TRES fidèle au livre. Daldry et son scénariste ont bien sûr élagué (je pense notamment aux passages - superbes - avec le père du narrateur), mais si vous êtes fan du bouquin, je pense que vous devriez aimer ce film.
  • The Reader : l’amour après la guerre
    le mardi 21 juillet 2009 à 09:19, de passage a dit :
    Ce qui est intéressant dans ce film, c’est de voir le destin d’une personne qui, si elle avait su lire, n’aurait certainement jamais été gardienne dans les camps nazis. Elle s’est attaché toute sa vie à cacher son handicap. Elle a refusé la promotion qui lui avait été faite de travailler dans les bureaux à cause de cela. C’est à ce moment précis qu’elle a décidé de partir. La honte qu’elle éprouvait l’a fait avouer au cours du procès qu’elle avait écrit ce rapport. Or quand on ne sait pas lire, on ne sait pas écrire. Alors oui, certains y auront peut-être vu un film sur la guerre, les juifs et les camps nazis mais je pense que c’est plus subtil que cela et que le fil conducteur du film est plutôt son analphabétisme. Quoi qu’il en soit, excellent film.
    • The Reader : l’amour après la guerre
      le mardi 21 juillet 2009 à 18:31

      Bof, moi j’ai été déçu. Toujours assez bien fait, mais laisse largement sur sa faim, avec les mêmes moyens il me semble que ç’aurait pu être mieux.
      - si on s’intéresse à la partie "romance", c’est du déjà vu, vaguement ennuyeux, et malgré ce que dit l’auteur de l’article, effectivement une caricature de rôle oscarisable
      - si on s’intéresse à la notion de "banalité du mal", à la culpabilité allemande, alors mieux vaut lire Hannah Arendt directement, parce que là on est dans le super-superficiel, l’explication ne va nulle part…

      Mais bon, les goûts les couleurs…

      • The Reader : l’amour après la guerre
        le vendredi 24 juillet 2009 à 09:16, Pierre Alexandre a dit :
        Tout à fait d’accord. On s’ennuie ferme d’un bout à l’autre, attendant qu’il se passe quelque chose. Mais pour reprendre une réplique célèbre : il ne se passe rien parce que personne ne veut qu’il se passe quelque chose. Alors le film souffre probablement de la mort prématurée du réalisateur initial (Antony Minghella) puis celle de Sidney Pollack (producteur exécutif), enfin le changement de directeur de la photo. Toutes ces conditions ont certainement contribuer à affaiblir la production d’un film où les comédiens semblent s’ennuyer autant que les spectateurs. Alors si c’est pour voir la jolie Kate à poil, pourquoi pas ? Mais ce n’est pas d’un érotisme équivoque. Daldry (le réalisateur final) n’est pas convainquant avec un sujet qu’il peine à maîtriser et dont il ne sait pas comment il va se débarrasser sans y perdre des plumes. A la fin de la séance, la première chose que je me suis dite : ils sont tous très mignons mais qu’est-ce que c’est nul. Dommage…
      • The Reader : l’amour après la guerre
        le vendredi 24 juillet 2009 à 15:54

        La "banalité du mal"… l’explication ne va nulle part…

        Mais pour quelle raison ça devrait aller quelque part ? Et si le plus terrible c’était justement ça ? Que la réalité est encore plus inconfortable que ce que l’on redoute, qu’une explication ne peut être que partielle tout simplement parce qu’on ne peut jamais allé au delà de ses propres limites.

        Mais que ça serait facile si les salauds n’étaient pas des humains comme nous !

        Ce qui définie le mieux l’humanité c’est "L’enfer est pavé de bonnes intentions" ; c’est sans doute désolant mais c’est comme ça !

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