Englués dans le quotidien, Kate Winslet et Leo DiCaprio s’engueulent copieusement et se postillonnent dessus.
Il y a tout d’abord ce titre abscons et stupide, Les Noces rebelles. Kezako ? Exit le Revolutionary Road original, sûrement pas assez vendeur, et merci le marketing bien frontal. C’est pourtant dans la Revolutionary Road d’une banlieue cossue que se déroule l’histoire tristement banale d’April et Frank Wheeler.
Jeunes, charismatiques, idéalistes, ils sont persuadés que le monde leur appartient et qu’un avenir radieux leur est réservé. Deux mômes plus tard, ils ont bradé leurs rêves pour une vie monotone dans un beau pavillon : lui établit des rapports commerciaux incompréhensibles dans un bureau, elle, mère au foyer voulait devenir actrice. Ils se trompent mutuellement. Le temps les a rattrapés ; les deux tourtereaux ne roucoulent plus et s’abîment dans le mensonge et, pire encore, dans la routine du quotidien. Dans un ultime sursaut, April propose à Frank de tout plaquer et de partir à Paris pour changer enfin de vie. Mais la Revolutionary Road est une impasse…
Film sur l’usure du couple et la frustration, Les Noces rebelles évoque Qui a peur de Virginia Wolf ?, grosse scène de ménage étirée sur près de deux heures. On serre donc les mâchoires, on casse du mobilier, on crie, on piaille, on pleure, on se jette des assiettes à la gueule en faisant de grands moulinets avec les bras, bref, c’est du brutal.
Derrière la caméra, Sam Mendes qui avait déjà dynamité le rêve américain avec le superbe American Beauty. Ici, l’action se déroule dans les années 50, mais Mendes continue son œuvre de destruction massive. Si American Beauty jouait la carte de l’ironie, Mendes, le petit génie des planches se prend maintenant pour Bergman, nous délivre son message désenchanté sur le Couple. Merci Sam !
Avec la finesse d’un pachyderme, il adapte un pseudo-classique (La Fenêtre panoramique de Richard Yates) qu’il agrémente de phrases définitives comme « Je voulais vivre, je voulais que l’on se remette à vivre », « On ne peut pas se mentir en disant que cette vie est celle dont nous avions rêvé » ou « Je ne peux pas partir, je ne peux pas rester » C’est beau comme du Harlequin !
Pour la narration, le cinéaste met en avant un personnage dérangé, placé en hôpital psychiatrique, incarné par l’excellent Michael Shannon (Bug), qui assène ses quatre vérités au couple en perdition. « Si ça se trouve, vous vous méritez ». Fou, mais pas con.
Pour la forme, Mendes fait dans le théâtre filmé, le cinoche pépère. Les costumes sont flambant neufs, les décors (studio) immaculés, les acteurs sont somptueusement maquillés, peignés et manucurés. Néanmoins, pour un film sur le couple et l’amour conjugal, tout cela manque sérieusement d’âme. Et de chair. Quand il ne réinvente pas Au théâtre ce soir, Mendes en fait des tonnes, utilise trucs et tics. Pour une scène bien dramatique, il surligne avec des cascades de violons. Et pour faire pleurer Margot, il filme DiCaprio en train de courir au ralenti dans la nuit. C’est ce qui s’appelle avoir confiance en son spectateur…
Sam Mendes termine sur une pirouette abracadabrantesque et nous offre la solution pour faire durer son couple : l’homme doit éteindre son sonotone quand son épouse lui parle. Qu’est-ce qu’on se marre…
Loués unanimement par la presse, grands favoris des Oscars, Kate Winslet et de Leonardo DiCaprio m’ont étonné par leur jeu foncièrement outré. Acteurs subtils, brillants, ils surjouent, un peu comme ces acteurs de théâtre qui ont peur que les spectateurs du dernier rang s’endorment.
Bref, même si Leo et Kate crient, vocifèrent et postillonnent dans le plus pur style Actor Studio, on s’ennuie ferme, abasourdi par les clichés, les longueurs, la prétention de l’ensemble. Et puis soudain, un plan. Presque rien. Kate Winslet, de dos, avec une petite tâche de sang qui macule sa robe. Un plan qui arrache la rétine, une émotion, de la chair, enfin. Un peu tard, le film est quasiment terminé.
Les Noces rebelles de Sam Mendes avec Kate Winslet, Leonardo DiCaprio, Kathy Bates, Michael Shannon.
Sortie en salles le 21 janvier.