Hantés par la mort, un médium, une journaliste et un enfant tentent de continuer à vivre. Esprits gentils et connerie new age, Clint Eastwood se vautre dans les grandes largeurs.
Il y a six ans, lors de la sortie de Million Dollar Baby, Clint Eastwood déclarait : « C’est trop facile de prendre sa retraite, il me reste encore des choses à faire… » Depuis, Clint poursuit son œuvre immense, alterne les bons, voire les très bons films (L’Echange ou Gran Torino) et des œuvres mineures comme Invictus. En 2011, notre octogénaire préféré remet une nouvelle fois sa couronne en jeu et c’est… une immense déception.
Après les déboires d’un papy flingueur et la coupe du monde de rugby au pays de Mandela, Clint s’intéresse cette fois à trois personnages hantés par la mort : un médium de San Francisco, Matt Damon, qui possède le don de communiquer avec les morts, « une malédiction » qui l’empêche de vivre avec les vivants ; une journaliste française (Cécile de France), jeune & jolie, qui survit miraculeusement au tsunami de 2004 après une « near death experience » ; un gamin londonien, issu d’un quartier pourri, qui perd son frère jumeau et qui va tout faire pour entrer en contact une dernière fois avec lui.
Rien ne fonctionne dans Au-delà, et je me demande ce qui a pu séduire Clint dans ce scénario calamiteux de Peter Morgan, un mélo new age et surtout bancal. Auteur de The Queen ou Le Dernier roi d’Ecosse, Peter Morgan tricote un film choral avec une structure en trois parties et des allers-retours incessants entre les Etats-Unis, l’Angleterre et la France. L’histoire est donc morcelée et ressemble à une suite de sketchs qui peinent à coexister pendant 2h08. Pour boucler le machin, les trois personnages principaux se rencontrent à la fin – ô miracle - pour un dénouement riquiqui et téléphoné.
Bref, cette structure alambiquée ne fonctionne jamais et Morgan, pour tenter de masquer le vide de son script, joue l’overdose de pathos.
La partie anglaise n’existe que pour faire pleurer Margot et le scénariste charge un max la barque : la mort du petit frère en direct live, la maman droguée, le survivant placé dans une famille d’accueil et si cela ne suffisait pas, un attentat dans le métro londonien. La partie française est la plus faible et la façon dont Morgan présente la présentatrice-vedette de France Télévision est un grand moment de rigolade : une sorte de Barbie Chazal qui se déplace dans une voiture avec chauffeur, scotchée à son Blackberry, qui dîne dans des restos trois étoiles, et qui un beau jour décide d’écrire un livre sur Mitterrand pour « enfin tout dire, sans tabou », devant un comité de lecture fasciné par l’audace du projet ! Si on est dans Au-delà, c’est au-delà de la caricature… Quant au surnaturel, que nous raconte Morgan ? Eh bien oui, quand on meurt, il y a un tunnel, puis de la lumière, c’est très cool et des esprits gentils nous attendent. Ouf, je suis rassuré…
Avec ce matériau de second choix et des dialogues à pleurer, Clint Eastwood fait ce qu’il peut, c’est-à-dire pas grand-chose. En ouverture, il signe une incroyable scène de tsunami, sans se laisser dévorer par les effets spéciaux, l’anti-Roland Emmerich quoi. Mais après ce début en fanfare, Eastwood n’aura de cesse que de ralentir le rythme. La fragmentation du récit fait le reste et l’on assiste, médusé, à une succession de scènes anesthésiées, sans enjeu, qui ne vont nulle part.
Pour plomber encore plus son film, Clint a composé une musique asthmatique et jette quelques petites notes sporadiques de guitare. Pour réveiller ses spectateurs, Eastwood s’offre de temps en temps une « conversation » entre Matt Damon et un mort : rigolade assurée dans la salle. Une belle lumière blanche, des silhouettes floues et des visages de défunts, un au-delà de synthèse dans le pur style Hollywood… Presque aussi mauvais que Lovely Bones…
Si Clint dirige très mal Cécile de France et ne parvient pas à réfréner son accent gouailleur, pas vraiment crédible pour une journaliste-star, il se rachète avec Matt Damon, exceptionnel, et surtout la formidable Bryce Dallas Howard. En deux séquences, elle révèle sa vie brisée, ses fêlures et se met à nu. Le seul vrai moment d’émotion du film.
Cher NUSMNP,
Juste un petit mot. Depuis toujours, Clint Eastwood est un de mes cinéastes préférés. J’ai été terriblement déçu par Au-delà (comme une bonne partie de la presse, d’ailleurs). Je l’écris, simplement, sans provo. Car, croyez le ou non, j’ai de la peine quand je vois un mauvais Clint.
Quant à changer de métier, vous avez une idée ?
Ma très chère Cécile,
Je te l’ai déjà dit, j’adore ton accent de Titi parisien quand tu tournes Quand j’étais chanteur ou Mauvaise foi. Mais quand tu incarnes une Claire Chazal habillée en Hermès, ça ne marche pas vraiment…
Sans rancune. On dîne toujours la semaine prochaine ? Biz.
M