La vie de Saint Mesrine, truand et martyr. Un film carré, efficace, « marketé banlieue », qui est aussi un sommet de putasserie.
« Mesrine » est un film de producteur, le rêve fou de Thomas Langmann. La légende veut que le fiston de Claude Berri découvre l’autobiographie de Mesrine, « L’Instinct de mort », à l’âge de onze ans. Fasciné, il la relit régulièrement et fantasme de porter à l’écran la vie de ce « Robin des bois » qu’il admire. Il aurait pu lire Proust, mais non… En 2000, Langmann s’offre les droits du bouquin de son idole et tente de s’acheter les se®vices de Gaspar Noé et de Jacques Audiard qui déclinent gentiment.
Quant à Mathieu Kassovitz, il passe la main en déclarant que Mesrine est « une enflure ». Le sulfureux Barbet Schroeder accepte le cadeau empoisonné et Vincent Cassel doit incarner le grand Jacques. Une fois le scénario de Guillaume Laurent et Schroeder finalisé, Schroeder et Cassel se fâchent tout rouge et l’acteur claque la porte, prétextant que Mesrine est dépeint comme un héros et que tous ses aspects sombres ont été gommés. Bon petit soldat, Langmann se met à la recherche de son nouveau Mesrine et tombe d’accord avec Benoît Magimel contre une somme rondelette. L’affaire capote et le producteur fou de rage écrase le haut de son crâne contre la cloison nasale de l’agent de Magimel.
Il rattrape le coup en confiant le script à Abdel Raouf Dafri (« La Commune »), nouveau venu mégalo qui se prend pour David Chase, la réalisation à Jean-François Richet de retour des Etats-unis, tandis que Cassel, qui était persuadé que personne d’autre que lui ne pourrait incarner Mesrine, revient ventre à terre. Après un tournage de neuf mois, 44 millions d’euros et une campagne marketing assez dégueulasse (le film est clairement ciblé pour les lascars de banlieue dont le film culte est « Scarface »), voici donc enfin la première partie de Mesrine, « L’Instinct de mort ».
C’est donc la mode du biopic. Après Sartre, Piaf, Mitterrand, Sagan, Coluche et avant Yves Montand, Coco Chanel, Nicolas Sarkozy ou Benjamin Castaldi (bon, je m’égare là), voici donc Mesrine Ze Movie. Le film débute porte de Clignancourt, avec un pré-générique annonçant la mort de Mesrine qui interviendra quatre heures plus tard. Puis, on nous déroule sagement le fil de la vie de Mesrine, des années 60 au début des années 70, de Clichy au Canada, en passant par l’Algérie. Mais plus qu’un scénario, on a l’impression de subir l’hagiographie d’un avocat ou d’un apôtre que réécrit l’histoire de Saint Jacques. Mesrine était un criminel ? Oui, mais !
Tout est là, dans cette rhétorique dégueulasse. Il a tué ? Oui, mais c’est l’armée française qui lui appris et qui lui a fait buter du fellagha pendant la guerre d’Algérie (pourtant, on apprend dans l’excellent doc de Philippe Roziès diffusé sur Planète le 21 octobre que Mesrine, malade des armes, avait basculé dans l’extrême violence AVANT la guerre d’Algérie). Il était irascible, brutal. Oui, mais c’était à cause de son père, un faible qui avait fait le STO pendant la guerre. C’était une bête sauvage. Oui, mais c’est le QHS qui l’a transformé en animal. On en est là ! Et si Abdel Raouf Dafri décrit Mesrine à longueur d’interview comme « un bouffon », il gomme allègrement le côté raciste du bonhomme. De fait, dès les premiers plans, pendant une séance de torture, le bidasse Mesrine refuse de tuer une Algérienne et flingue un Algérien blessé, comme pour abréger ses souffrances. Plus tard, il éventre et enterre vivant un Arabe, mais c’était un mac pourri, qui avait tabassé sa maîtresse.
Derrière la caméra, Jean-François Richet. Il filme efficace et ce premier volet de Mesrine (le second, bien pire, « L’Ennemi public N°1 », sortira le 19 novembre) enquille les scènes d’action, les moments forts dans une reconstitution cossue des années 60-70. Parfait pour une diffusion un dimanche soir sur TF1… Les seconds rôles – Gérard Depardieu, Cécile de France, Gilles Lellouche, Roy Dupuis…- font un petit tour et puis s’en vont, mais n’existent pas face à l’ogre Cassel. Mais ce qui gêne le plus, c’est le manque de point de vue de l’entreprise. La faute au scénario qui ne creuse pas la piste politique (et l’OAS alors, puis son engagement avec l’extrême gauche ?), encore moins la piste sociologique, se sert de l’époque comme un papier peint vintage, fait une peinture approximative du Milieu, laisse dans l’ombre le travail de la police… Un scénario bateau que Jean-François Richet se contente d’illustrer, d’enluminer. Réalisateur médiocre (pas un seul bon film au compteur, vérifiez), Richet a donc remplacé Barbet Schroeder.
Comment cela est-il possible, ou même envisageable ? Parce que personne d’autre ne voulait se commettre là-dedans ? Parce que Richet, bon technicien, est estampillé « Banlieue » depuis « Ma 6-T va crack-er » (ce titre !) ? Avec Cassel le bourgeois qui se rêve bad boy et Richet le rebelle, Thomas Langmann s’achète la street credibility et va pouvoir offrir aux d’jeuns - qui méritent mieux que cela, quand même - un Tony Montana 100% camembert. Richet aurait pu s’inspirer de la trilogie « Pusher », du Danois Nicolas Winding Refn, peinture d’un monde criminel qui ne connaît que la médiocrité, le ratage et l’impasse. Mais tel un sous-Scorsese, il choisit le clinquant, la baston, le glamour et le mythe. Quant à ses déclarations, son « message », en voici la substantifique moelle, issue du dossier de presse. A la question, « Que représente Mesrine pour vous ? », il répond :« Un homme libre. Il a vécu ses rêves et a été jusqu’au bout. ».
Heureusement qu’il n’a pas filmé la bio d’Hitler, sinon, nous aurions eu droit au couplet sur le peintre contrarié… On a connu des réalisateurs plus inspirés, plus intelligents, mais Langmann, déjà responsable d’un « Astérix » de triste mémoire, n’en avait sûrement pas besoin pour un tel produit. Le sommet de la putasserie est atteint à la fin du second film (on y reviendra) avec ce plan incroyable où Mesrine, criblé de balles par les flics, est porté en croix. Non content de mythifier, Richet canonise son idole. A ce niveau de connerie, il n’y a rien à dire, ou alors citer Mesrine himself : « Ce qu’il y a de terrible, c’est que certains vont faire de moi un héros et il n’y a pas de héros dans la criminalité. » Tout est dit.
Impossible néanmoins de laisser sous silence la performance de Vincent Cassel. Capable du meilleur (chez Audiard ou Noé) mais surtout du pire (il s’est compromis dans une série de nanars XXL comme « Le Pacte des loups », « Sheitan », « Sa majesté Minor », « Blueberry », « Jeanne d’Arc », « Dérapage »… au secours !), Cassel est ici comme un poisson dans l’eau. Il est impressionnant de justesse, de force brute. On lui souhaite simplement de tourner dans des films à la hauteur de son talent.
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Quel article débile et de bas niveau, si on ne peut pas montrer les événements survenus dans la vie d’un homme et expliquant (expliquer n’est pas excuser ou approuver) coment décrire un personnage.
En bref un article à charge qui n’a aucun intérêt à part révéler la frustration de qqun qui ne réalisera sans doute jamais de films puisque il est tellement plus facile de dire que les autres font de la merde…
tu joues au critique singlant ?
mesrine était pas un ange … et n’importe quel film de fiction pour raconter ça, bof. richet a effectivement fait un bon film y’a des années ( qu’apparemment tu ignores) : etat des lieux. deja sur la banlieue, mais pavillonnaire, les p’tits blancs aux vies étriquées… assez juste.
si on parle de Mesrine, y’a bauer…