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Livre : le poids malveillant du passé allemand

Édition / mardi 18 mars 2008 par Anna-Patricia Kahn
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L’accueil chahuté fait en Allemagne aux « Bienveillantes », le livre événement de Jonathan Littell qui retrace les mémoires fictives d’un officier SS, montre à quel point le pays peine à regarder son passé nazi.

Ils ont dû attendre presque deux ans. Depuis le 23 février, les libraires et les lecteurs allemands peuvent enfin commencer leur descente dans l’enfer de Max Aue, officier SS qui n’existe que dans les 1388 pages du roman de Jonathan Littell, Les Bienveillantes. Ils le font d’ailleurs avec la même ivresse qu’en France, en Italie ou en Espagne : depuis sa parution, le livre caracole en tête des listes des meilleures ventes. Et concentre sur lui et son auteur les tirs nourris des critiques littéraires. Ainsi, l’hebdomadaire Der Spiegel se demande si l’ouvrage est oui ou non « pornographique », le Süddeusche Zeitung le traite poétiquement de « pervers, obscène, monstrueux » et le Die Zeit de « kitsch »

Le poids de la mémoire - JPG - 33.4 ko
Le poids de la mémoire
© Soularue

C’est que le parcours infernal du héros nazi des Bienveillantes réactive une fois de plus la mémoire tourmentée de l’Allemagne. « On n’en finit pas d’en finir avec un passé qui ne passe pas » s’exclame, peinée, cette intellectuelle très active dans les milieux culturels munichois. Pas une semaine ne passe en effet Outre-Rhin sans que les médias, les productions cinématographiques ou littéraires ne fassent état de ce passé. L’hebdomadaire Der Spiegel, en pleine « Littell-folie » à l’instar de la presse allemande, vient de titrer : « Les coupables. Pourquoi tant d’Allemands sont devenus des meurtriers ». Et interroge en vain moult spécialistes pour tenter de comprendre d’où vient le Mal qui a pris souche entre Munich et Berlin.

La force d’un tabou

Mais on pourrait tout aussi bien citer le cas de la série télé « Die Gustloffs », diffusée la semaine dernière en prime time sur la chaîne ZDS (l’équivalent de France 2) et qui raconte l’histoire d’un navire allemand coulé par les Soviétiques à la fin de la Seconde Guerre Mondiale avec 9 000 civils à bord. Ou encore du film der UntergangLa chute – qui raconte les derniers jours d’Hitler et qui trois ans après sa sortie continue de faire salle comble. Si selon le sociologue Harald Welzer les meurtriers de jadis ne se sont pas sentis coupables, leurs descendants ont, eux, bien du mal à gérer leur passé familial et collectif. « C’est un sujet qui a la force d’un tabou. Il excite et rend malade en même temps », explique Peter Wulff, publicitaire. « Chaque jour, j’aimerais me dire que tout cela n’a jamais existé. »

Pendant que le commun des Allemands s’applique à consciencieusement tenter d’oublier les crimes perpétués au nom de leur peuple, chaque nouvelle polémique ravive et rend plus visible le lien difficile d’une nation et d’individus à ce passé éminemment politique. Car du « travail de mémoire » fourni par la Bundesrepublik (République fédérale allemande) dépend encore et souvent sa crédibilité morale, selon un diplomate berlinois. En témoigne le débat public où la notion de culpabilité a tenu le premier rôle survenu récemment lorsque l’écrivain renommé Martin Walser a décidé « de tirer un trait définitif sous l’histoire ».

« L’incapacité de faire son deuil »

En parallèle, depuis une dizaine d’années, sociologues et psychologues se préoccupent comme pour faire diversion des traumatismes des victimes civiles allemandes du nazisme. Une façon de se rappeler à la mémoire universelle sous un jour moins négatif. Car, en Allemagne, le fait même de parler de ce qui fut est difficile. L’expression française « devoir de mémoire », devenue une arme politique de combat à plusieurs tranchants, n’a pas de traduction directe dans la langue de Goethe. Qui dit mémoire parle en allemand de « vergangenheitsbewältigung », c’est-à-dire de… « maîtrise du passé », ou se réfère à l’expression du philosophe Alexandre Mitscherlich « l’incapacité de faire son deuil. »

N’empêche que si l’entretien de la mémoire passe par la construction de lieux de commémorations, les Allemands sont, en Europe, passés maîtres dans l’art du travail autour de la mémoire. Ainsi, le visiteur franchissant la porte de Brandebourg, à Berlin, se retrouve au milieu d’un dédale de 2 400 stèles noires créées par l’architecte Peter Eisenmann. Ce mémorial au coeur de la capitale allemande, ouvert au public depuis 2005, est dédié aux Juifs assassinés et a déjà attiré plus de 3,5 millions de visiteurs.

Moins visibles, mais tout aussi remarquables sont les pierres de mémoire de l’artiste Gunter Demnig, des blocs de laiton insérés dans le béton des trottoirs d’une vingtaine de villes allemandes et qui rappellent au flâneur qu’avant d’être déportés, Juifs, communistes, Roma et Sinti appartenaient au tissu social de leurs cités. Aujourd’hui, le personnage de Max Aue s’est faufilé entre ces traces matérielles du passé. Un être fictif mais qui ressemble parfois comme un double inquiétant aux gentils grands-oncles et grands-pères de Herr und Frau (Monsieur et madame) Tout Le Monde.


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