Le conseiller "justice" de Nicolas Sarkozy va retourner dans le privé en rejoignant le groupe de luxe de Bernard Arnault.
Patrick Ouart, conseiller justice de Sarkozy ou "garde des Sceaux bis" pour être plus explicite, va retourner chez LVMH. Il avait déjà travaillé pour le groupe de luxe titre de conseiller du président Bernard Arnault et membre du comité exécutif, de 2004 à 2007 et récupérera ces mêmes fonctions.
Il y recroisera l’ex-directeur de cabinet du Premier ministre Edouard Balladur, dont il avait été le conseiller justice, Nicolas Bazire. Son départ devrait être effectif le 1er décembre. Il a été auditionné par la Commission de déontologie à la mi-octobre, qui n’y a rien trouvé à redire.
Au bilan de Patrick Ouart figureront notamment la réforme de la carte judiciaire et de la procédure pénale, voire la disgrâce de Rachida Dati. Il a également conseillé Nicolas Sarkozy dans le dossier des faux listings Clearstream.
Patrick Ouart était sans conteste l’un des hommes forts du château. Mais aussi l’un des plus discrets. L’homme se méfie des médias et parle peu.
Mais il s’est parfois montré plus disert. Dans ses jeunes années, alors qu’il était membre de la très droitière Association professionnelle des magistrats (APM), fondée en 1981, le jeune juge lillois prenait la plume dans la revue de l’association et donnait quelques clés pour comprendre la Justice, version sarkozyste.
« Aujourd’hui je me suis levé de bonne heure et assis à ma table de travail dans une maison qui dort encore, je devine, plus que je vois, à travers la fenêtre du bureau les frêles squelettes des jeunes pommiers, nouveaux plantés de la sainte Catherine. J’aime cette heure. J’aime ce pays. J’aime aussi ce sentiment diffus de mélancolie qui est le produit de leur mélange. C’est ce moment que j’ai choisi pour écrire sur la justice. Curieux moment, pensent certains. Et comment leur en vouloir ? Comment pourraient-ils comprendre que la justice a une âme ? », écrit-il dans une touchante confidence en février 1989.
Une âme qui lui secoue la plume quand, le 16 janvier 1989, dans une lettre ouverte au garde des Sceaux de l’époque, Pierre Arpaillange, il s’indigne des pratiques de la Chancellerie : « Il est clair que la magistrature ne saurait en tout état de cause admettre que certains de ses membres se voient mutés contre leur vœu formel, librement et spontanément exprimé sans pressions ni menaces… ». Une saillie qui rend un peu plus assourdissant le silence de ce même Ouart, vingt ans après, quand Rachida Dati, contre l’avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et de l’intéressé, mute le procureur général d’Agen à la Cour de cassation.
Plus tôt, en avril 1984, dans ces mêmes colonnes de la revue de l’APM, Patrick Ouart, humaniste et philanthrope s’il en est, raille le gouvernement et la réalité carcérale française. Et détaille par le menu sa vision de la prison : « La peine de prison, qu’on veuille lui donner une finalité de réinsertion ou non, a pour effet immédiat, outre, bien sûr, l’aspect premier de sanction de la norme enfreinte, de placer hors du circuit social le délinquant qui, le plus souvent, vient une fois de plus de démontrer sa dangerosité » . Ou la récidive comme patrimoine génétique.
Force est de constater que malgré l’un des budgets les plus conséquents du gouvernement (6,6 milliards d’euros pour 2009), le ministère de la Justice a bien du mal à se défaire de cette réalité carcérale si collante. Suicides à répétition, grève des surveillants, surpopulation carcérale… Une fois aux affaires, le bon Ouart n’a pas eu l’idée de génie.
Saluons toutefois chez lui un certain don de voyance, quand au début de l’année 1989, dans un discours à l’Assemblée générale de l’APM, il déclare : « l’avenir qui s’annonce pour notre Justice est sombre. » . Mais pas celui du luxe.
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