Se pâmer devant la puissance économique chinoise était un sport national. Mais le vent tourne : d’arrogances en agacements, Pékin n’a plus bonne presse.
La France a toujours eu besoin de modèles extérieurs permettant de dénigrer sa situation. Après les Lettres anglaises de Voltaire, le « défi américain » de Jean-Jacques Servan-Schreiber, le « miracle allemand », et les Japonais vécus par Édith Cresson comme de redoutables fourmis à la conquête de l’univers, nous venons de vivre dix ans de sino-béatitude. Mais voilà, en ce début 2010, dans les milieux économiques, la sino-béatitude est en recul, au rythme de la montée de la « brésilâtrie »…
Ce qui nuit à la sino-béatitude, c’est le comportement des dirigeants chinois. Ainsi, au lieu de se couler dans l’écologie politiquement correcte à Copenhague, ils ont fait dans l’ironique puis l’agressif quand ils ont réalisé que les pseudo-experts du GIEC et autres rentiers de l’apocalypse climatique stigmatisaient non seulement le charbon comme producteur de CO2, mais encore le riz comme source de méthane. Depuis, tout les irrite : la politique des Américains à Taiwan, les pressions journalistiques et diplomatiques pour qu’ils ne se portent pas acquéreurs de la dette grecque, et contribuent ce faisant à déstabiliser l’euro…
Ces irritations sèchement exprimées ont conduit à une révision de l’opinion sur la Chine. Dans les milieux bien informés, on rappelle que la Chine ne représente que 7 % de la production mondiale pour 25 % de la population ; que ses fabuleuses réserves de change sont obtenues par un strict contrôle des changes, qui fait que chaque dollar entré en Chine y reste, comme piégé par une réglementation tatillonne ; que les entreprises qui y sont allées s’en mordent les doigts ; que l’ ouvrier chinois, souspayé, est assez intelligent pour ne donner qu’à hauteur de ce qu’on lui donne, ce qui maintient une productivité basse ; que la corruption est devenue problématique et que la population, lasse de ne pas voir son pouvoir d’achat augmenter au rythme des succès annoncés, est au bord de la révolte. Des essayistes libéraux à la Guy Sorman, naguère fascinés par le redressement d’une économie ruinée par Mao, n’hésitent plus à pronostiquer une imminente explosion sociale. Si vous souhaitez être à la mode, passez donc à l’admiration aveugle du Brésil, le nouveau pays à encenser !
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