La vie du lycée français de Marrakech est minée par une sordide affaire d’agressions sexuelles présumées. La justice française comme le Quai d’Orsay tentent d’enterrer le dossier.
« Le lycée Victor Hugo est le reflet de l’ambition française à Marrakech (…). Fier de ses principes, fait d’hommes et de femmes qui œuvrent sans faillir dans l’intérêt des jeunes qui lui sont confiés, notre établissement continue son chemin ». Sur son site internet, le lycée français de Marrakech, au Maroc, présente bien. Bien sûr, mention n’est pas faite de ces agressions sexuelles présumées que trois jeunes filles de Victor Hugo auraient subi en 2004 et 2005 de la part d’un groupe de garçons scolarisés dans ce même établissement prisé de la bourgeoisie locale. Les faits présumés concernent un viol en réunion (tournante) et une tentative de viol en dehors du lycée ainsi que des fellations imposées à une fillette dans les toilettes de Victor Hugo.
Victime de la tentative de viol, Nadia* a accepté de témoigner : « Le 23 novembre 2005, alors que j’étais en troisième, plusieurs jeunes de ma classe sont venus à mon domicile. Monsieur X*. m’a suivi dans ma chambre et m’a dit de manière menaçante : « Je ne sors pas d’ici tant que tu ne m’auras pas sucé ». Face à mes protestations, les jeunes hommes ont finalement quitté les lieux. Ils sont revenus peu après avec un cinquième jeune homme, Monsieur Z*. qui avait la réputation d’être particulièrement violent avec les filles, notamment sa petite amie. Il s’est exclamé : « les gars, venez, on lui enlève son pantalon ! ». Je me suis mise à crier et monsieur Y*. m’a alors mis la main sur la bouche et monsieur Z. a entrepris de m’enlever mon pantalon ». Heureusement, la mère de la petite entendra sa fille crier et lui évitera le pire.
Dès la semaine suivante, la jeune fille est littéralement mise en quarantaine par de nombreux autres jeunes du lycée. « Ceux qui ont tenté de me violer ne me parlaient plus et ont demandé à différents élèves de faire de même. Je suis rapidement devenue l’objet de sarcasmes », déplore-t-elle. Nadia* se dit également très choquée par le fait que la direction de Victor Hugo « n’a pas estimé utile de me recevoir pour discuter avec moi des faits pourtant très graves qui lui avaient été rapportés », notamment par sa mère.
Amélie*, elle, n’a pas eu autant de « chance » : selon le témoignage de la mère de Nadia*, un mois plus tard, elle a été appâtée dans un appartement voisin du lycée et violée collectivement par la même bande de garçons à une exception près. Plusieurs personnes affirment en outre que la tournante a été filmée à l’aide d’un téléphone portable et que de nombreux élèves du lycée ont visionné la vidéo, incluant la propre victime qui serait aujourd’hui « détruite psychologiquement » et « en grande détresse », selon les mots d’un témoin.
Une troisième victime de cette bande de garçons serait également à déplorer : une fillette de 6è qui se serait vue imposer, en 2004, toujours par le même groupe de garçons, des fellations dans les toilettes mêmes du lycée Victor Hugo. « A l’époque, j’avais pratiquement été témoin des faits puisque j’ai vu les jeunes hommes ressortir un par un des toilettes en se vantant de ce que la jeune fille leur avait fait », se souvient Nadia*.
Si au lycée, certaines victimes, leurs familles, des enseignants, des membres du personnel ainsi qu’une association de parents d’élèves, l’APEMA, ont tenté par tous les moyens qu’une enquête interne soit ouverte pour établir les faits (ou les infirmer) et que des mesures soient prises pour protéger les élèves si besoin, rien ne semble avoir été réalisé dans ce sens. Ni au sein de Victor Hugo, ni au Quai d’Orsay de qui dépend l’établissement, ni de la part de la justice française. Seul le wali (préfet) de Marrakech a pris l’initiative de convoquer les agresseurs présumés pour sérieusement les admonester, ce qui aurait permis de mettre un terme aux agressions sexuelles en série.
« Si dès le début, nous en avions directement appelé au Palais royal marocain plutôt qu’aux autorités françaises, les choses en auraient été autrement », estime, amère, l’infirmière du lycée au moment des faits et qui a depuis changé d’affectation. Car, comme en témoigne horrifiée une enseignante de Victor Hugo, après que les faits ont été dénoncés à la direction du lycée, « j’ai eu dans ma classe des victimes et des agresseurs présumés ! Comment est-ce possible ? »
Aujourd’hui, ces garçons viennent, à une exception, de décrocher leur baccalauréat à Victor Hugo et poursuivent leurs études en France et au Canada sans avoir eu à s’expliquer sur les accusations qui pèsent sur eux. Autant que les agressions présumées qu’auraient commises ces jeunes, fils de notables de Marrakech, c’est tout le dysfonctionnement d’une chaîne de responsabilités judiciaires, politiques et diplomatiques de l’Etat français qui est en cause. Sans parler de la dimension humaine, largement bafouée.
La justice tout d’abord. Deux plaintes pour tentative de viol et viol ont été déposées en France en 2007 par deux victimes de nationalité française. Elles, ainsi que l’infirmière du lycée, ont été entendues par la police française, qui « a bien fait son travail et avec humanité », tient à préciser l’infirmière.
A cela s’ajoutent trois signalements envoyés en octobre 2007 au procureur de la République de Paris par l’association de parents d’élèves APEMA, onze enseignants du lycée français et l’infirmière. Tous dénoncent les agressions présumées et le fait qu’aucune mesure n’a été prise pour éclaircir cette affaire. Et depuis… plus rien !
En février 2009, une dépêche de l’agence Associated Press indique avoir appris de « source judiciaire » que « le parquet de Paris a décidé de transmettre, début février, la procédure aux autorités judiciaires marocaines qui décideront de l’opportunité de poursuivre l’enquête ». Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, en juillet 2009, le même parquet de Paris indique à Bakchich que « le dossier est encore à l’étude au parquet et qu’aucune décision n’avait été prise » sur l’ouverture d’une information judiciaire en France (donc la nomination d’un juge d’instruction) ou sur la dénonciation des faits à la justice marocaine.
Lorsqu’en septembre 2009, Bakchich a tenté de joindre de nouveau le parquet de Paris, personne n’était disponible en dépit de nombreux appels téléphoniques. De leur côté, ni les victimes, ni leurs avocats, pas plus que la Défenseure des Enfants appelée à la rescousse, ne parviennent à obtenir des informations précises sur les suites judiciaires qui pourraient être données à cette affaire à Paris.
La direction du lycée français de Marrakech, prévenue dès novembre 2005, de la tentative de viol sur Nadia*, ainsi que le Quai d’Orsay duquel l’établissement dépend au final, méritent également une mention spéciale pour leur gestion particulièrement opaque du dossier.
Dans une lettre aux parents d’élèves rédigée en septembre 2007 à l’occasion de la rentrée scolaire, le proviseur, François Liot (il a été muté en septembre 2009 dans un lycée de la ville de Brignoles, dans le Var), vante les mérites des « nouveaux dispositifs de circulation et de récréation pour les collégiens et les lycéens » qui sont « un succès ». Puis se gausse de « la lecture attentive du contrat de vie collective » du lycée qui « nous permet à tous de veiller à un déroulement harmonieux des apprentissages et à l’exercice d’une qualité de vie à laquelle nous sommes tous très attachés ». Le contexte était pourtant bien plus tendu que ne le laisse apparaître la prose du proviseur.
En effet, en juin 2007, la mère de Nadia* a « officiellement » re-tiré la sonnette d’alarme auprès de la direction du lycée, lui communiquant pour la seconde fois depuis 2005, selon elle, les noms des agresseurs de sa fille. Dans un témoignage écrit, elle indique également que la mère (aujourd’hui décédée) de la fillette ayant subi la tournante, lui avait confirmé le viol par téléphone avant de mourir. Et validé le nom des agresseurs qui, à une exception près, correspondaient à ceux ayant tenté de violer Nadia*.
Convaincus que des agressions sexuelles impliquant des élèves de Victor Hugo avaient bien eu lieu à l’intérieur comme à l’extérieur du lycée, des enseignants, certains personnels de l’établissement et l’APEMA sont alors entrés en action pour qu’une enquête administrative interne soit ouverte. Objectif : établir les faits ou les infirmer. « Cette “affaire” est primordiale pour nous. Nous voulons que cette malheureuse histoire soit tirée au clair et s’il y a des coupables, comme nous le laissent croire les informations que nous avons recoupées, qu’ils soient sanctionnés et retirés du lycée. Et que les victimes soient reconnues en tant que telles pour qu’elles puissent entamer leur longue marche pour se reconstruire », écrivait en mars 2008 Abdelkader Souhaïl, alors président de l’APEMA, dans un email adressé à la FAPEE, la fédération-mère de l’association, basée en France, qui ne daignera pas bouger.
Si aujourd’hui les responsables de l’APEMA en 2007 comme des membres du personnel en poste à Victor Hugo à cette époque accusent le proviseur Liot de n’avoir pris aucune mesure pour établir les faits ou protéger les victimes présumées, celui-ci, contacté par Bakchich en juillet 2009, n’a pas souhaité s’exprimer. Il a fait savoir par l’intermédiaire de sa secrétaire qu’« il ne gère pas cette affaire » et qu’il faut s’adresser au service culturel de l’ambassade de France au Maroc (duquel il dépend) ainsi qu’à l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, la structure publique de laquelle relève le lycée français de Marrakech.
Contactée par Bakchich, l’ambassade de Rabat a indiqué par la voix de son chargé de presse que seul le Quai d’Orsay était habilité à s’exprimer. Puis, le ministère français des Affaires étrangères a fait savoir qu’« aucune interview ne sera possible car, à notre connaissance, les investigations du parquet se poursuivent et qu’on ne peut rien commenter ».
Même silence radio du côté de l’AEFE et dont l’une des responsables a pourtant reçu à Nantes l’infirmière du lycée de Marrakech : « nous n’avons pas tous les éléments pour répondre à vos questions (sic !). En effet, cette affaire est gérée localement par le poste diplomatique. Aussi, je vous conseille de contacter le poste diplomatique au Maroc qui sera davantage en mesure de vous informer ». La boucle est bouclée… Au vu de la large médiatisation des affaires de tournantes dans l’Hexagone, pourrait-on imaginer qu’un tel silence aurait prévalu dans un lycée en France ? Difficile de le croire.
Comble suprême de l’inertie publique qui prévaut dans cette affaire, une des membres de l’APEMA en 2007, Sylvie Bensaïdi, se souvient avoir « téléphoné au moins cinq fois et laissé des messages à un commissaire ou gendarme français en poste à l’ambassade de France à Rabat » sans jamais que ce dernier ne la rappelle !
Au final, le seul « officiel » français ayant accepté de s’exprimer (avec réticence) est le consul général de France à Marrakech, Jean Wiet, qui a reçu l’une des mères de victimes ainsi que des membres de l’APEMA. « Je leur ai immédiatement accordé un rendez-vous et ils m’ont parlé des faits supposés. Je leur ai indiqué la procédure à suivre, notamment judiciaire, puis en ai rendu compte à l’ambassade », se souvient-il.
A la fin de l’année 2007, les familles des victimes, les parents d’élèves de l’APEMA décident, par désespoir, d’en référer aux politiques. Bonne pioche : en octobre 2007, Nicolas Sarkozy effectue une visite officielle au royaume du Maroc en compagnie notamment de Fadela Amara, secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville, à laquelle un mot des agressions sexuelles présumées est touché.
Quelques jours plus tard, un des parents d’élèves reçoit un mail de la conseillère de Fadela Amara qui en a visiblement référé à sa collègue Rachida Dati, de la Justice. Hélas, c’est la douche froide : « S’agissant des victimes de ces infractions, tant que le procureur de la République de Paris diligente les investigations dans le cadre d’une enquête préliminaire, le code de procédure pénale ne permet pas qu’elles puissent se constituer partie civile et bénéficier des droits conférés à ce statut. Elles seront néanmoins avisées de la décision que prendra le procureur de la République de Paris à l’issue de l’enquête », indiquait la conseillère de Fadela Amara. Cela fait bientôt deux ans qu’elles attendent et annoncent qu’elles s’apprêtent à lancer une nouvelle procédure judiciaire contre la direction du lycée Victor Hugo et les autorités françaises…
* Le prénom ou le nom a été modifié.
A lire ou relire sur Bakchich.info
Bravo et merci pour cet article. Je n’ai pas le même talent rédactionnelle mais voici de l’intérieur quelques informations complémentaires, qui me semble intéressantes, pour compléter le tableau :
J’ai présidé l’APEMA entre 2006 et 2007, par conséquent , je me suis impliqué dans cette sordide affaire avec les personnes que vous mentionné, mais également, une poignée d’adhérent( e)s très engagé( e)s et militant(e )s, qui ont faits un travail de grande qualité, merci à eux et elles.
Tous d’abord je tiens à préciser deux point :
1)Une partie de ces faits, parmi les plus violents, ce sont déroulé avant la prise de fonction de M.Liot, il aurait était donc pour lui, plus « facile », a posteriori de « gérer » cette crise avec des actes appropriés, étant donné que l’établissement n’était alors pas, sous sa responsabilité. Ça n’a pas était le cas… Et lorsque, qu’il a été averti en novembre 2005, d’une nouvelle tentative de viols en réunion (Nadia*) par son adjoint, rien n’a était fait…
2)L’APEMA, n’est pas la seule association de parents d’élèves du Lycée Victor Hugo, il existe au seins du groupement scolaire (école Renoir et Victor Hugo) une seconde association UCPE , rattachée à la très connue FCPE.
L’UCPE, présidé alors par M.Moulay Driss El Alaoui, avait dédaigner mener de front cette affaire devant le proviseur à l’invitation de l’APEMA, ainsi que toutes autres actions. Ce dernier avait eu connaissance avant l’APEMA, des faits, mais surtout, il connaissait de nom et/ou personnellement, certains parents des agresseurs présumés, installé au plus haut niveau hiérarchique, de ministère, police, etc.
Année scolaire 2006/2007, mois de mai.
Des bruits circulent sur des agressions sexuelles à l’intérieur et à l’extérieur du Lycée, faits rapidement corroborés par un grand nombre d’élèves et par la mère de Nadia* qui m’informe, faute d’oreilles attentives à l’UCPE, d’une tentative de viols sur sa fille Nadia*, mais également, qu’elle connait une autre victime de viol.
Nous décidons, Mme Bensaïdi, présidente sortante de l’APEMA, le futur président (il ne le sais pas encore) Abdelkader Souhail, et moi même, de rencontrer avant la prochaine rentrée les deux tête de liste des deux syndicats enseignants SNES & SNUipp, pour partager, faute de réaction de la direction de l’établissement, nos préoccupations, notamment, celle de voir des agresseurs présumés, côtoyer les plus jeunes élèves (6e - 5e.). Il en ressortira quelque jours plus tard, une lettre au procureur de la république, signé par seulement 11 enseignants sur environs 70 !
L’Apema suivra cette initiative en envoyant également une lettre de signalement au procureur pour dénoncer les agressions et soutenir cette initiative courageuse. Une visite chez M.Wiet consul de France sera organisé un peu plus tard, avec seul, un membre du SNES, visite relaté dans cet article.
Subissant la passivité de notre proviseur depuis trop longtemps, face à ces faits graves , nous éplucherons des centaines de pages de décrets, circulaires, de l’éducation Nationale, de l’AEFE,…, sans l’aide malheureusement, de la Fapée, ou de l‘UCPE… nous arriverons enfin à mettre M. Liot au pied du mur, avec le bon décret (qu’il connaissait très bien !) pour l’ouverture d’une enquête interne, qui sera malheureusement diligenté par le SCAC de Rabat, M. NEUVILLE François, Conseiller Culturel Adjoint qui travail dans un obscurantisme digne du Moyen-âge, avec le résultat que l’on connait…
Une petite précision concernant la visite de M.Sarkozy à Marrakech.
En octobre 2007, C’est Mme Rachida Dati (Garde des Sceaux) que j’ai interpelé au consulat, avec Mme Aniko Boehler (Morocco experience & projets / Watoto Projects) pour lui signifier les viols en tournantes au LVH. C’est en Mars 2008 que des membres de l’Apema ont eu l’occasion de rencontrer la Secrétaire d’Etat à la Ville, Fadela Amara lors d’une réception en son honneur au consulat de France à Marrakech, qui, à notre demande, nous a envoyé un mail assez rapidement (suffisamment rare pour être souligné), pour nous informer de l’état d’avancement du dossier.
En espérant voir ces crimes sanctionnés.
Gabriel Maillard
L’omerta continue…
dans un article Web du VarMatin.com , consacré à M.Liot, des commentaires dénonçant sont laxisme dans cette affaire de viols au LVH ont été simplement supprimés ce vendredi 11 Septembre… La liberté d’expression n’existe pas dans l’entourage de M.Le Proviseur, libertés que les rédacteurs, les journalistes, « défendent » aux quatre coins du monde, sont bafoués à la porte du pays des droit de l’homme, bel exemple ! Si vous avez des questions sur cette soudaine disparition de commentaires, voici le mail du rédacteur, et du journaliste de VarMatin.com.
http://www.varmatin.com/ta/proviseur/209941/brignoles-raynouard-vise-l-excellence
Arevello@nicematin.fr
la rédaction : redacchef@nicematin.fr
Cher lecteur, chère lectrice, si vous avez encore des envies partager cet article de Bachich, avec la commune de Brignoles, elle vous écoutera :
cabinetdumaire@brignoles.fr
contact@brignoles.fr
affaires.scolaires@brignoles.fr
bij.brignoles@brignoles.fr
cpenf2@brignoles.fr
sccas@brignoles.fr
archives.brignoles@brignoles.fr
Cordialement,
G.Maillard