Et si Dominique de Villepin n’avait pas fomenté l’affaire Clearstream mais simplement le scénario d’une BD ?
Au début était le Verbe et ensuite fut Alexandre Taillard de Vorms, cidevant ministre des Affaires étrangères auquel Arthur Vlaminck, frais diplômé de l’ENA, va devoir prêter sa plume. Dans ces Chroniques diplomatiques, dessinées par Christophe Blain et narrées par Abel Lanzac, la figure centrale est un simili-Villepin (dont le scénariste fut conseiller, nous dit l’éditeur), mais le héros, c’est le langage, l’envolée, le concept.
Dans la peau d’Arthur, le lecteur s’angoisse : comment va-t-il (mais comment peut-on même imaginer) transcrire en sujet-verbe-complément les saillies visionnaires et grandiloquentes du vibrionnant ministre ? Car, ici, le langage, « la chose la plus importante », défie le réel, les extraits d’Héraclite s’imposent dans les antichambres, et Taillard de Vorms, tour à tour lyrique et sarcastique, épuise son cabinet, mouline, grommelle, soupire, brasse l’air, « vlon ! » claque les portes, « vlan ! » Quant à Arthur, missionné – grosso modo – pour éviter une Troisième Guerre mondiale, il est sanctionné à coups de Stabilo, promu et déchu en une planche.
Au-delà du stress, inspiré par son mentor, il conserve la foi en la prose. Historiettes magnifiées mais inspirées de faits réels, jusqu’à une incursion en Oubanga, ces Chroniques sont une réussite totale par le rythme époustouflant, la précision des personnages, et surtout cette plongée inédite au coeur de l’action politique : dans le corps même des mots.
Quai d’Orsay (tome I), Chroniques diplomatiques, par Christophe Blain et Abel Lanzac, éd. Dargaud, 96 pages, 15,50 euros.
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