Rares sont les films qui traitent de la Guinée. "Cona’cris, la révolution orpheline" traite en profondeur des maux d’un pays qui ne cesse de s’enfoncer dans la pauvreté et la violence. Entretien et extraits.
Si ce film documentaire devait n’avoir qu’un seul but, ce serait de lutter contre l’amnésie collective récurrente dans l’histoire de la République de Guinée.
Les cycles de violence s’enchaînent et un massacre chasse l’autre, toujours plus affreux. En 2006, ce sont 30 lycéens qui trouvent la mort en manifestant. Le 22 janvier 2007, 137 personnes succombent devant les tirs à bout portant de l’armée selon l’AFP. 300 selon la société civile. Le 28 septembre 2009, c’est sous les ordres du putschiste Dadis Camara que l’armée viole et tue plus d’une centaine de personnes dans le stade de Conakry. Entre ces évènements, des commissions d’enquête fantoches ou étouffées par le pouvoir, plongeant la population dans la colère ou le désespoir.
Les auteurs du film, Gilles Nivet et Kinou Lefèvre, ont passé plus de dix ans dans le pays et l’ont quitté juste avant la mort du "vieux", le dictateur Lansana Conté (1984- décembre 2008). En contact direct avec la population, ils ont pu recueillir pendant deux ans des témoignages saisissants sur leur vie au quotidien.
Ils ont particulièrement prêté attention à la jeunesse du pays - les -30 ans constituant les trois quarts de la population- et les ont suivis dans les moments de révolte comme dans les moments de déception. Extraits
Extrait tout à fait savoureux entre la première dame du pays et les représentants de la commission d’enquête. Exaspérés par le blocage des investigations, ils viennent demander un soutien. Madame Conté offre une divine réponse comme seul soutien :
Des bouts d’armée aux quatre coins du pays mènent leur loi qui s’apparente plus aux règles d’un gang classique qu’à celle d’une armée républicaine. Mais selon Kinou Lefèvre, « dans cette apparente anarchie régnait un ordre bien établi. Le Sous-lieutenant Plivi que l’on voit dans le film et qui joue au chef de guerre, répondait -on l’a appris plus tard- aux ordres de Dadis Camara, le putschiste. Depuis, il est ministre de la sécurité présidentielle. Cet homme est un danger public. On a parlé d’escadron de la mort.. Et lui, c’est un type capable de vous enlever. »
Quant aux responsabilités internationales, Kinou oscille. « Les Guinéens doivent se prendre en main, c’est sûr, sortir leurs vieux démons. » Mais selon elle, les Occidentaux mènent une politique opaque. Alors que la Chine remporte de nombreux contrats publics depuis l’avènement du CNDD (Dadis Camara et son parti), les Occidentaux montrent un intérêt soudain pour les Guinéens. « Difficile de ne pas penser que tout ça est lié à la perte de marchés. La France, rappelle-t-elle, n’avait jamais manqué de féliciter en moins de 24 heures le président élu, même si les élections étaient contestées »… et surtout si elles étaient contestées, diraient de mauvaises langues.
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