Depuis l’été, les autorités marocaines se déchaînent contre la presse indépendante du royaume. Chronologie de ces derniers jours.
A force de vouloir museler la presse indépendante, les autorités du royaume du Maroc ne savent plus où donner de la tête et tapent tous azimuts. Bakchich vous propose une chronologie édifiante de cette vague de répression inédite.
Mardi 27 octobre :
Reporters sans Frontières (RSF) organise dans des conditions difficiles une conférence de presse au Maroc où le secrétaire général de l’Ong, Jean-François Julliard, et la responsable Maghreb, Soazig Dollet, se sont rendus spécialement. Objectif selon les déclarations de J.F. Julliard à l’AFP : exprimer la solidarité de RSF avec la presse marocaine, les médias marocains et les journalistes marocains condamnés ces derniers mois par des tribunaux marocains. Reporters sans Frontière a également annoncé qu’elle allait « saisir officiellement Hillary Clinton qui va venir la semaine prochaine au Maroc, pour qu’elle parle de cette question de la liberté de la presse, pour qu’elle évoque les difficultés et le manque de pluralisme de l’information aujourd’hui au Maroc ». La secrétaire d’Etat américaine est en effet attendue au royaume les 2 et 3 novembre prochains pour participer au Forum pour le futur à Marrakech.
Lundi 26 octobre 2009 :
Le quotidien espagnol El Pais annonce qu’il n’a pas été diffusé au Maroc la veille. En cause : la publication de caricatures de la famille royale qui ont fâché le ministère de l’Intérieur ainsi que le Palais. Il s’agissait en l’occurrence d’un dessin du caricaturiste Plantu publié par le quotidien Le Monde dont les éditions des 22,23 et 24 octobre ont, elles aussi, purement et simplement été interdites au Maroc, ainsi que d’un dessin de notre ami et collaborateur Khalid Gueddar qui représente le prince Moulay Ismaïl.
Dans le procès du caricaturiste Khalid Gueddar et du directeur du journal Akhbar Al Youm, Taoufik Bouachrine, la justice marocaine annonce qu’elle rendra son verdict le 30 octobre prochain. Les deux hommes sont poursuivis pour « offense au drapeau national » suite à la publication le 26 septembre d’une caricature montrant le prince Moulay Ismaïl sur fond de drapeau marocain. Dans son réquisitoire, le parquet de Casablanca a requis l’application de la loi, soit une peine de prison ferme de six mois à trois ans. Le journal Akhbar Al Youm a, lui, été fermé de force par les autorités qui n’ont pas attendu une décision de justice. La situation est hautement périlleuse pour Khalid Gueddar et Taoufik Bouachrine qui comparaîtront de nouveau le 30 octobre devant la justice. Cette fois, c’est le prince Moulay Ismaïl qui a porté plainte pour « manquement au respect dû à la famille royale ». Une peine passible de trois à cinq ans de prison au Maroc.
Toujours le lundi 26 octobre, deux journalistes ont été condamnés à de la prison avec sursis pour avoir, selon la version officielle, publié une « fausse information » sur la santé du roi Mohammed VI. Ainsi, le directeur du quotidien Al Jarida Al Oula, Ali Anouzla, a été condamné à un an de prison avec sursis et à 885 euros d’amende et la journaliste Bouchra Eddou à trois mois avec sursis et à 455 euros d’amende. A la suite d’un communiqué du Palais royal annonçant que Mohammed VI était en arrêt maladie pour cinq jours à cause d’une « infection à rotavirus avec signes digestifs et déshydratation aigüe », Al Jarida Al Oula avait publié un article intitulé « la maladie du roi reporte les causeries religieuses et son déplacement à Casablanca ». Les deux journalistes ont bien sûr fait appel de leur condamnation et estiment devoir être acquittés.
24 octobre 2009 :
Pour le troisième jour consécutif, les autorités marocaines bloquent la diffusion au royaume du quotidien français Le Monde en raison de caricatures représentant des membres de la famille royale. C’est notamment le cas d’un dessin du caricaturiste Plantu qui vise à soutenir Khalid Gueddar. Le ministre de la Communication du Maroc, Khalid Naciri, déclare dans la foulée : « Nous ne pouvons accepter ce qui est une atteinte directe à nos sentiments, une démarche présentant le Maroc comme un pays liberticide ». No comment.
22 octobre 2009 :
Bakchich et Reporters sans Frontières organisent un rassemblement devant l’ambassade du Maroc à Paris pour soutenir le caricaturiste Khalid Gueddar ainsi que tous les journalistes marocains qui sont harcelés et qui comparaissent devant les tribunaux. Une centaine de manifestants ont fait le déplacement. Pour Bakchich, les autorités marocaines font notamment payer à Khalid la BD sur la vie du roi Mohammed VI que le caricaturiste a publié sur notre site web.
18 octobre 2009 :
Le Journal Hebdomadaire a été condamné a payer une amende de 250 000 euros de dommages et intérêts pour « diffamation » dans le cadre d’un vieux procès qui remonte à 2006. Dans la foulée, les comptes bancaires de cette publication phare aujourd’hui menacée de disparition ont été saisis. Les autorités et notamment le Palais royal n’ont pas apprécié que le journaliste et éditorialiste Aboubakr Jamaï qui dirigeait Le Journal Hebdomadaire en 2006 reprenne du service au travers d’éditoriaux et d’articles sans concessions.
15 octobre 2009 :
Stupéfaction et consternement. Le directeur de l’hebdomadaire Al Michaâl, Idriss Chahtane, est condamné à un an de prison ferme et incarcéré à la prison de Rabat-Salé. Deux journalistes de ce magazine, Rachid Mhamid et Mustapha Hirane, écopent de trois mois de prison ferme mais sont laissés en liberté dans l’attente de leur procès en appel. Leur crime : des articles sur la santé du roi Mohammed VI que les autorités n’ont pas acceptés.
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Certains voudraient qu’en France la liberté d’expression soit limitée lorsqu’il s’agit de se plaindre des médias.
Il est assez curieux de vouloir réduire la liberté d’expression au nom de la liberté de la presse.
Faudra m’expliquer …