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Dire les maux du viol

Témoignage / mercredi 9 avril 2008 par Anaëlle Verzaux
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L’enfance violée. Voici les mots d’un homme, d’un enfant, abîmé par un viol. Philippe Pichon, fonctionnaire de police, accouche d’un mal qui le ronge depuis ses sept ans. Sans obscénité, on n’est pas chez Mireille Dumas, et avec gravité.

Né un beau jour de 1969, sa vie s’est arrêtée sept ans plus tard, dans les vestiaires d’une salle de sport, en octobre. Le jour exact, ni lui ni personne ne se souvient, ni lui ni personne ne se souviendra plus.

A sept ans, Philippe Pichon, s’est fait violer. Et sa vie s’est arrêtée. Forcément. « Le viol, c’est d’être chassé de chez soi, de son corps, ne plus pouvoir habiter chez soi, dans sa tête, au milieu du monde, parmi les siens. C’est pourquoi on devient fou. Ou presque. on ne peut plus aimer. On voudrait rentrer chez soi, habiter le monde, mais on n’y arrive plus » (p. 32). Philippe Pichon parvient malgré tout à aimer un peu, beaucoup, sa fille surtout, Manon. La petite a sept ans, comme lui le jour où s’est répandue sur son corps la torture. Comme lui aujourd’hui aussi. Aujourd’hui, à 38 ans, Philippe est flic, et enfant, l’enfant qu’il était à sept ans. À la librairie de Coulommiers, il montre à la vendeuse ce qu’il veut acheter, pour lui, un cahier grand format à gros carreaux. C’est pour un enfant ? Oui. Quel âge ? « Avec les doigts, j’ai répondu sept, pensant très fort non pas au jeune Philippe mais à Manon » (p. 65). Il y a Manon, et Marie aussi, la mère de sa fille. Marie a essayé de faire sortir la mort de son corps. Ce fut trop dur. S’en suit leur – fatale – rupture.

« Le bien n’est jamais sûr »

Lui reste la lecture, infinie lecture, et « les marches nocturnes, finalement comme une façon de percer l’indicible, c’est-à-dire l’éclaboussante crasse du monde ». Et l’écriture. La quête de sens dans le « vieux parchemin des visions ».

« Je creusais dans les mots comme l’on avait creusé dans ma chair, comme il avait auparavant fouillé ma bouche d’enfant avec son sexe dressé comme l’on creuse la terre avec un scalpel. Et ses mains sur mon tout jeune corps de sept ans avaient pris la couleur du sang et l’odeur des fumées, des derniers incendies comme l’on brûle la jupe des folles dans les pays où règne la terreur » (p. 139).

L'enfance violée

Mais pourquoi, lui, enfant, n’a-t-il pas parlé ? Lui le sait. Pourquoi n’a-t-il pas poussé le moindre cri, ni avant, ni pendant, ni après ; pourquoi avoir « ravalé râge et dégoût ». Là, Pichon prévient les prévisibles pervers abrutis. « Qu’on ne me dise pas que, peut-être, quelque part… j’y avais trouvé mon compte, sinon je hurle et dénonce sans le moindre état d’âme les immondes connards qui osent se livrer, de leur grasse lippe de libertins avertis, à de telles insinuations puantes » (p. 26). L’enfant ne sait pas toujours qu’un crime mérite châtiment.

Aujourd’hui, malgré la fatigue du ressassement du viol, Philippe Pichon écrit, s’écrit, se crie, par défi. Et pour témoigner que « le bien n’est jamais sûr ».

Au nom du chiffre, les médias n’aiment pas beaucoup déroger à leur loi de l’obscène. Au nom du courage de Philippe Pichon, prions pour qu’ils apprennent enfin que la pudeur est sacrée.

Post-Scriptum :

Philippe Pichon est l’auteur de nombreux ouvrages, dont le Journal d’un flic (Flammarion, 2007), qui l’a révélé au grand public.

Son livre Le cas Céline, coupable, mais de quoi ? vient d’être publié aux éditions Dualpha (lire la chronique de Bakchich.info).

« L’enfance violée », Philippe Pichon, Flammarion, 18 euros.

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10 MESSAGES
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Forum

  • Dire les maux du viol
    le vendredi 25 avril 2008 à 13:00
    C’est un très beau livre autour de cette idée : la terreur et son éclat. Philippe Pichon nous livre là un texte soigné, très écrit, extrêmement pudique. Je vous recommande, du même auteur, "Le Pain d’ortie" et "Un Pays vers le ciel", deux autres récits de vie. Vraiment, notre époque connaît encore quelques (vrais) écrivains.
  • Dire les maux du viol
    le mardi 15 avril 2008 à 11:51, Isabelle a dit :
    Votre réflexion perfide "on n’est pas chez Mireille Dumas" vous discrédite, vous auriez ponctué votre commentaire parlant "d’obscénité" par "On n’est pas chez Jean-Luc Delarue" eut été juste. Que vous n’aimiez pas MD est votre droit absolu mais que cela ne vous empêche pas d’être objective, ce qui dans votre métier est préférable
  • Dire les maux du viol
    le jeudi 10 avril 2008 à 16:57

    De la thérapie par le viol :

    http://www.brest.maville.com/Les-seances-tres-speciales-d-un-psychiatre-/re/actudet/actu_loc-469910-----_actu.html

    http://www.letelegramme.com/gratuit/generales/regions/finistere/assises-des-accuses-aux-abonnes-absents-20071205-2088970_1140661.php

    http://www.letelegramme.com/gratuit/generales/regions/finistere/assises-les-seances-tres-speciales-du-psychiatre-20071219-2188215_1158711.php

    http://www.letelegramme.com/gratuit/generales/regions/finistere/viols-sur-personne-vulnerable-douze-ans-de-prison-au-psychiatre-20071220-2192599_1159559.php

    http://www.brest.maville.com/Douze-ans-de-reclusion-au-psychiatre-violeur-/re/actudet/actu_dep-484530-----_actu.html

  • Dire les maux du viol
    le jeudi 10 avril 2008 à 15:58, PICHON Philippe a dit :
    L’écriture me vient du ciel obscurci de l’enfance. Il y a eu un éclair, il s’est arrêté, il a traversé ma vie. Une brûlure s’est logée dans mes nerfs. La lumière de l’écriture sur mes épaules a suffi à combler un pan de ma vie. Les livres, on les porte avec soi bien avant l’écriture. On les tient de la vie. On prétend brandir un savoir, mais l’on ne sait rien. L’on croit être quelqu’un, mais l’on est personne. L’on est comme ces neiges d’hiver sur les crêtes. L’on est comme ce soleil sur la mer. Comme ce froid dans les refuges. On passe, on passe à travers les saisons car naviguer est notre destin. Un grand merci à Anaëlle Verzaux pour la délicate et pudique recension de mon livre. PhP
  • Dire les maux du viol
    le jeudi 10 avril 2008 à 14:09, djendel68 a dit :
    ça m’est arrivé à 9 ans, aujourd’hui j’en ai 40. et moi aussi, je n’ai rien dit. Et depuis j’essaie de vivre avec cette plaie , cette honte qui me ronge, qui m’empêche de m’aimer et donc d’aimer.
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