Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours, un univers passé au crible par cinq journalistes qui s’amusent à décortiquer ce que les patrons cherchent à effacer.
Le monde patronal a son histoire glorieuse, celle des grands-capitaines-d’industrie, ceux qui à la sueur de leur front, ont monté des empires. Une histoire que célèbre régulièrement la presse économique, friande de ces sagas heureuses.
Et puis… il y a le reste : les secrets de cette petite famille qu’est le capitalisme français et que s’emploient à débusquer les auteurs de L’histoire secrète du patronat. Collusions politiques, pantouflage, ou espionnage… Autant de pratiques sur lesquelles les mêmes capitaines d’industrie préfèrent rester discrets.
Partis à l’assaut de cette forteresse imprenable, gardées par d’efficaces cerbères de la communication, cinq journalistes d’investigation Benoit Collombat, David Servenay, Martine Orange, Erwan Seznec, Frédéric Charpier brossent dans ce livre un édifiant tableau des mœurs patronales depuis l’après-guerre.
En matière d’information économique, on parle souvent de la guerre des communicants. On ne croit pas si bien dire. Comme le décrypte Benoît Collombat dans un passionnant article consacré aux deux plus grandes figures de la com’ patronale Anne Méaux et Michel Calzaroni. Pour ce dernier, la figure tutélaire est le sulfureux Michel Frois, figure de la propagande de l’armée pendant la guerre d’Indochine. Une bien belle école.
Dans l’histoire tumultueuse de ses relations avec la presse, le patronat français a globalement toujours tenté de contrôler les journalistes. Laurence Parisot, à son arrivée à la tête du Medef, avait juré qu’elle allait rompre avec ces pratiques antérieures et jouer la transparence.
Or, comme le raconte David Servenay dans un article consacré à la Dame de fer des patrons, dès lors qu’un journaliste se montre un peu trop curieux, comme ce fut le cas de Guillaume Delacroix des Echos, elle ordonne à l’organisation de boycotter le journal et réclame la tête de celui qui avait osé l’interroger sur les caisses noires de l’UIMM.
Bonnes feuilles
La carrière fulgurante de Stéphane Richard, ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde, qui arrive en janvier à la tête de France Télécom est, à elle seule, un condensé des dérives patronales. Extrait.
Nommé directeur de cabinet de la ministre de l’Économie et des Finances Christine Lagarde à l’été 2007, Stéphane Richard est emblématique d’une génération de hauts fonctionnaires, en passe de reléguer au rang d’anecdotes les problèmes déontologiques posés par le pantouflage à l’ancienne. Chez lui, le conflit d’intérêts n’est plus un risque à éviter, mais le moteur d’une carrière construite à la charnière du public et du privé.
L’ambivalence est inscrite dans sa formation initiale. Né le 24 août 1961, Stéphane Richard est diplômé de HEC et de l’ENA, promotion Fernand Braudel en 1987. Un de ses condisciples énarques est Nicolas Bazire, futur directeur de cabinet du Premier ministre Édouard Balladur pendant la deuxième cohabitation, de 1993 à 1995. C’est lui qui fera le pont entre Nicolas Sarkozy et Stéphane Richard.
En 1991, Stéphane Richard est encore de gauche, et membre du cabinet de Dominique Strauss-Kahn, alors ministre délégué à l’Industrie et au Commerce extérieur… Au bout d’un an, il quitte la politique pour les affaires, rejoignant la Compagnie Générale des eaux (CGE). Le jeune inspecteur des finances est d’abord chargé du redressement de la filiale immobilière Phénix, en grave difficulté. Puis, en 1997, il prend la tête d’un pôle que le groupe vient de créer pour rassembler des actifs très hétéroclites, la Compagnie générale immobiliers et services (CGIS).
De grands changements se préparent. La vénérable CGE est en train de devenir Vivendi. En 1996, Guy Dejouany a passé les commandes à Jean-Marie Messier, qui demande à Richard d’organiser les cessions d’actifs de la CGIS, avec l’idée de dégager des fonds pour investir dans le numérique. Richard s’exécute et revend hôtels, tours à La Défense, gymnases, clubs de vacances, centres commerciaux, installations portuaires à Marseille, etc. Pendant cette période, la CGIS fait travailler occasionnellement un avocat du cabinet Arnaud Claude, du nom de… Nicolas Sarkozy.
En 2000, Vivendi décide de se séparer de la CGIS. Le pôle immobilier est cédé à des fonds d’investissement, dont une filiale de la Caisse des dépôts et consignations, CDC Equity capital. Stéphane Richard et d’autres dirigeants prennent des parts dans la nouvelle entité (bientôt rebaptisée Nexity), via un rachat d’entreprise avec effet de levier, ou leverage buy-out (LBO). C’est le premier des trois LBO successifs qui vont faire la fortune de Stéphane Richard. Sa participation initiale, qui n’excédait pas 750 000 euros, va atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros en 2006. Pressé de restructurer Vivendi, Messier a cédé la CGIS au début d’une envolée ahurissante des prix de l’immobilier.
Stéphane Richard, de son côté, a quitté Nexity pour devenir directeur général de Connex-Veolia Transport en 2003. Une forme de retour au bercail, puisque Veolia Transport est, elle aussi, une émanation de feu la CGE. À ce poste, Richard semble loin de la politique. Il en est en réalité tout proche. Fournisseur de service aux collectivités, le groupe offre en effet des possibilités de contact virtuellement inépuisables avec les élus. À titre personnel, Stéphane Richard reste en lien avec Nicolas Sarkozy, qui le fait chevalier de la Légion d’honneur le 14 juillet 2006.
À la même époque, Stéphane Richard est en train de négocier avec le fisc un énorme redressement, portant sur quelque 660 000 euros. Étudiant un des LBO de Nexity, la Direction nationale de vérification des situations fiscales s’est aperçue que Stéphane Richard avait dissimulé une partie de ses revenus dans des plans d’épargne en actions, à fiscalité favorable. Les discussions prenant du temps, l’intéressé se retrouve au printemps 2007 dans une situation surréaliste. Il bataille avec Bercy… tout en étant pressenti pour devenir directeur de cabinet du ministre de l’Économie et des Finances, un poste qu’il occupera effectivement à partir de l’été 2007. Une situation proprement inimaginable au Royaume-Uni, aux États-Unis ou dans les pays scandinaves. Richard s’acquitte de son redressement quatre mois plus tard.
Et ce n’est pas tout. En janvier 2006, quelques mois seulement avant de recevoir la Légion d’honneur, Stéphane Richard a été placé en garde à vue par les gendarmes de la section de recherches de Versailles, en sa qualité d’ancien directeur des affaires immobilières de Vivendi. Les enquêteurs travaillent sur un gigantesque dépassement de permis de construire portant sur 45 000 m2 bâtis entre 1996 et 2000, dans le quartier d’affaires de la Défense. La branche immobilière de Vivendi était très active à l’époque à La Défense. Stéphane Richard n’a pas été mis en examen dans ce dossier. Les investigations avançaient depuis très lentement. Une information judiciaire pour infraction au code l’urbanisme a été confiée à la juge Charlotte Bilger par le parquet de Nanterre en mai 2008.
En mai 2009, Stéphane Richard a annoncé qu’il prendrait la tête de l’opérateur Orange en 2011. Il a obtenu au préalable l’avis favorable de la Commission de déontologie, qui donne un avis (alors non obligatoire) sur le passage dans le privé des hauts fonctionnaires ou des membres de cabinet ministériel. Consciente d’un possible, pour ne pas dire inévitable, conflit d’intérêts avec ses anciennes fonctions de « dircab » de la ministre de l’Économie et des Finances, la Commission lui a interdit d’avoir des contacts professionnels avec ses anciens collaborateurs au cabinet. « Je pourrai donc parler à Christine Lagarde et à Luc Châtel », alors secrétaire d’État chargé de la consommation, en a déduit le plus sérieusement du monde Stéphane Richard, dans un entretien accordé au Journal du dimanche du 17 mai 2009. Voilà qui a au moins le mérite de la franchise. E. Seznec
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Et alors ? On signe un papier pour promouvoir son propre livre ? Oh le vilain. Mais je crois que je vais qd même l’acheter. J’aurai le droit à une dédicace ?
Avant 1945, faut lire Annie Lacroix-Riz ?
lionel bod.