Le documentaire "L’Info est-elle comestible ?" sort mercredi 12 janvier en salles. Son réalisateur explique à Bakchich pourquoi enquêter sur la crise des médias.
« L’Info est-elle comestible ? » Voilà une réflexion qui ne manque pas de sel. Particulièrement dans cette indigeste période où l’ingurgitation effrénée de médias fast-food provoque la crise de « foi » du consommateur de l’actu. Ancien conservateur du Musée d’histoire contemporaine, Laurent Gervereau dépoussière la crise de la presse dans un documentaire de 1h40 sorti mercredi 12 janvier 2011 au cinéma. En filigrane, la délicate transition de la télévision vers internet, « de la société du spectacle à des sociétés des spectateurs acteurs ».
Vaste et délicieux programme, souffrant de longueurs mais pointant, sans accusation populiste ni recherche de scandale, la réticence des médias classiques à solliciter des intervenants non-conformistes et proposer des enquêtes. Pour son film, ce sosie de John Goodman (Blues Brother) a égrené des rédactions hétéroclites, de Bakchich à France 24 en passant par la radio alsacienne Dreyeckland, ou l’AFP.
À quoi est dû le formatage du « news market » des télés ou cette propension de la presse « à penser que les lecteurs sont débiles », comme le constate le graphiste Kiki Picasso, ex-collaborateur de Libération ? « Actuellement, certains journalistes sont des esclaves-nés (…) Ce n’est pas le président qui assouplit les colonnes vertébrales, mais eux qui ont l’échine souple », lance Plantu, le dessinateur du Monde.
Dans son enquête sur les autoroutes de l’information, Gervereau emprunte des chemin de traverses, donnant la parole à des intervenants « invisibles ». Pas les anonymes qui peuplent les télés-réalités, mais « ceux qui agissent mais n’apparaissent jamais dans l’actu triomphante ». « L’info devient plurielle par la pluralité d’émetteurs », juge le réalisateur.
Le bonhomme n’est pourtant pas un « invisible ». En mars 2007, après un article du Monde sur son exposition répertoriant les vieilles affiches présidentielles (« pas mon oeuvre la plus pertinente »), radios et télés se sont bousculées pour entendre son analyse. Enfin presque : « les journalistes me demandaient systématiquement de répéter la phrase polémique que j’avais dit la veille. J’ai dû faire le perroquet », regrette-t-il. Mais ce drôle d’oiseau jure qu’on ne l’y reprendra plus. Qu’importe s’il y perd des plumes.
Un débat autour du film aura lieu au Reflet Médicis, 3 rue Champollion (Paris 5e), jeudi 13 janvier 2010 à 20h30 en présence du réalisateur Laurent Gervereau et de Nicolas Beau, directeur de la rédaction de Bakchich.