Où s’est envolé l’argent de la fédération patronale de la métallurgie ? En partie dans une officine qui a longtemps vu des complots gauchistes et de la désinformation partout… Alors que l’UIMM a lancé le « processus de réflexion » sur l’avenir de ses réserves, qui se montent à plus de 600 millions d’euros, « Bakchich » vous livre son enquête.
La justice attendait de mettre la main sur la liste explosive des bénéficiaires des millions évaporés en argent liquide des comptes de l’UIMM. Bernique. Les (très) rares responsables de la fédération patronale au parfum se gardent bien d’apporter de l’eau au moulin de la transparence. Certes, l’ancien président, Pierre Guillen, comme Bakchich l’avait révélé, avait ciblé des « journalistes » comme faisant partie des destinataires des fonds.
Entendu par les flics le 3 octobre 2007, Denis Gautier-Sauvagnac avait laissé échapper quelques banalités : « Je les attribuais dans le cadre de la régulation de la vie économique et sociale ». La fameuse formule relative à la « fluidification » de la vie sociale n’était déjà pas loin. DGS avait pris soin d’ajouter : « J’ai toujours remis les fonds, l’intégralité des fonds, à des personnes physiques, des individus ». Depuis, Gautier-Sauvagnac a beau assurer que tout cela « était un secret de polichinelle », il persiste dans son silence sur l’identité des heureux bénéficiaires, même s’il a désigné un ancien président du patronat, François Ceyrac, un vieux monsieur de 95 ans qui ne risque pas grand chose en termes judiciaires, comme ayant touché des primes de cabinet. Bref, les flics et le juge Le Loire, chargé de l’enquête, n’ont pour le moment pas trouvé autre chose que quelques-unes de ces primes allouées aux uns et aux autres dans l’opacité la plus totale. Pas mal, mais bien maigre par rapport aux sommes disparues…
Par quel miracle l’argent de la fédération de la métallurgie a-t-il pu aboutir également à l’Institut d’études de la Désinformation (IED) ? Cette petite structure, presque une officine, avait été fondée par Vladimir Volkoff, un écrivain d’origine russe, et Daniel Trinquet, alors journaliste à Radio France. L’objet, légèrement parano sur les bords, consistait à déjouer les complots que les intellos et les médias, forcément gauchistes, instillent dans la société. Mais officiellement, il ne s’agissait que de « mettre en lumière des cas de désinformation dans la presse écrite et audiovisuelle ». Pour cela, l’équipe diffusait une lettre confidentielle et patronnait des « Assises de la désinformation », dont la première fournée eut lieu à Nice en 1989.
Selon plusieurs interlocuteurs proches du patronat, l’Institut a été largement financé par l’UIMM et son émanation parisienne, le GIM (Groupe des industries métallurgies métallurgiques de la région parisienne, représentant 2700 entreprises et 300 000). Un financement qui se serait interrompu avec le changement de direction au GIM, il y a quelques années, quand Pierre Chasseguet, un haut cadre de Dassault, a pris les rênes de la direction générale. Mais le GIM n’a pas donné suite à notre demande d’explications.
Un financement dont Daniel Trinquet, l’un des co-fondateurs de l’IED, dément l’existence. « Ah j’aurais bien aimé que l’UIMM nous finance », assure-t-il à Bakchich. Avant de reconnaître que « l’UIMM, le CNPF et d’autres fédérations patronales » avaient pris des « abonnements » aux travaux de l’Institut. Des abonnements probablement très bien payés…
Et Trinquet de préciser : « on a travaillé au coup par coup pour des entreprises qui nous demandaient des formations ». A la lutte contre le gauchisme ? Non, répond Trinquet : « on faisait des études sur la désinformation dont certaines entreprises s’estimaient victimes, comme des laboratoires pharmaceutiques ».
On aura bien compris que l’argent de la métallurgie a probablement fluidifié davantage la droite que la gauche. Dans les années 1970, même des syndicats étudiants proches de l’extrême-droite auraient bénéficié de la manne en cash. Au sommet du patronat, on a longtemps craint que l’idéologie « rouge » mette des bâtons dans les roues du fonctionnement des entreprises et étouffe les sirènes libérales auxquelles les patrons ne savent pas résister – Bakchich l’avait raconté. Et on a semé à tous vents l’argent de la métallurgie pour lutter contre le péril gauchiste…
Lire ou relire dans Bakchich :
Il y a bien pire que le péril "gauchiste", dont on se demande s’il existe encore, tant les "gauchistes" eux-mêmes participent du système.
C’est le péril "anarchiste".
On le met autant entre guillemets que le péril "gauchiste", car en fait, il n’a vraiment rien à voir avec une quelconque idéologie du même vocable.
Sont généralement qualifiés de "dangereux anarchistes" ceux qui refusent d’obéir à des ordres illégaux ou illégitimes, respectent la loi, et réclament son application.
Les vrais anarchistes, eux, sont tellement marginaux qu’ils ne dérangent personne. N’étant nullement intégrés, ils ne peuvent pas dénoncer le système et le mettre en péril.
Le mélange des faits et des insinuations ne permet pas de savoir si cet article délivre une information ou s’il est simplement tendancieux.
Pourriez-vous créer une rubrique Information et une rubrique Opinion, pour aider le lecteur à différencier ce qui est réellement étayé de ce qui ne l’est pas ?
Merci d’avance,
EM