Le 7 mars, se tiendra un premier round télévisé entre les deux candidats UMP à l’investiture, pour les régionales en Ile-de-France : Valérie Pécresse contre Roger Karoutchi. Le secrétaire d’Etat ne compte pas se faire piquer la victoire.
« À bientôt pour de nouvelles batailles… Pour ceux qui savent. » C’est le texto que Roger Karoutchi, secrétaire d’État au Parlement et candidat à l’investiture UMP, a écrit au président (PS) de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, pour la nouvelle année. Aux yeux de Karoutchi, sa challenger Valérie Pécresse n’est pas à sa place dans cette campagne électorale. « Si elle veut aller à l’élection régionale », commente Karoutchi, « ce n’est pas par passion. C’est une étape politique dans sa carrière ». Avant d’ajouter : « pour Huchon et moi, ce n’est pas une étape ». Motivé, le Roger. Et déterminé à affronter son rival socialiste, Jean-Paul Huchon : « Chacun est convaincu que l’autre est, dans son parti, le seul à s’intéresser à la région ». Et une deuxième pique pour sa collègue du gouvernement !
Aux régionales de 2004, Karoutchi était déjà candidat contre le même Huchon. Mais s’était fait piquer la place par Jean-François Copé, alors ministre de Jacques Chirac. « C’était un choix du Prince », raconte Karoutchi. Pas question, dès lors, pour cet agrégé d’histoire de se faire piquer la vedette une seconde fois.
Surtout que tout le monde à l’UMP, dit-il, lui a répété à l’envie : « en 2010, Roger, c’est pour toi ». Le sang de « Roger » n’a fait qu’un tour quand Valérie Pécresse s’est mise en tête d’aller, elle-aussi, au charbon. D’autant plus qu’un sondage Opinion Way pour le Figaro, publié mi-janvier, a crédité la ministre de l’Enseignement d’une tête d’avance dans les intentions de vote des sympathisants UMP. Branle-bas de combat chez Karoutchi qui crie au sondage truqué et craint une commande de l’Élysée. Démenti du Palais et apaisement de Karoutchi. Pour lui, pas question de rigoler avec la région ! Dès qu’on en parle, le Méditerranéen est prompt à dégainer le combiné de son téléphone pour demander aux élus franciliens de choisir entre les deux candidats. Une campagne offensive, en toute amitié, bien sûr…
Leur premier face-à-face organisé, en février, à Raincy en Seine-Saint-Denis - ville tenue par un proche de Karoutchi - a tourné au fiasco. Le tout a été suspendu par l’UMP, à la demande de l’Élysée. Officiellement, parce que la ministre de l’Enseignement était en butte aux manif estudiantines. Officieusement, parce que le Palais n’a pas goûté aux images de Valérie Pécresse, huée par des militants UMP pro-Karoutchi. Et le Château n’a pas beaucoup aimé, non plus, que l’entourage du secrétaire d’État envoie la vidéo de cette soirée, réalisée par le Parisien, à tous les militants. À défaut de ces rencontres, Karoutchi a poursuivi les cafés politiques, les brunchs… « Quand on a besoin de quelqu’un pour animer une rencontre avec les militants, on appelle Roger car il est toujours disponible pour venir », plaisante un élu UMP francilien.
À l’Assemblée et au Sénat, le secrétaire d’État est, là aussi, censé être disponible. « Au bout de cinq nuit, assis sur les bancs de l’Assemblée, vous dites au député : mais tu vas te taire ! », plaisante Karoutchi, sa voix rappellant celle de Galabru. François Fillon lui est ravi de son secrétaire d’État, et ne pense d’ailleurs pas en changer. « Qui a la confiance du Président », lui a glissé Fillon, « celle du Premier ministre, s’entend avec les présidents de groupe et est capable de passer toutes ses nuits au Parlement ». Certains, pourtant à l’Élysée, lui reprochent d’avoir été « trop tendre » avec Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée qui a endossé le rôle de leader des troupes frondistes. « C’est absurde », réplique Karoutchi, « on ne m’a pas donné mission de faire la guerre à quelqu’un ». L’Élysée a quand même cru bon de placer Xavier Bertrand, à la tête de l’UMP pour gêner Copé dans son ascension. Mieux qu’un billard à trois bandes !
Karoutchi, lui, se verrait bien changer de portefeuille pour obtenir « quelque chose de plus visible en lien avec l’Ile-de-France », dit-il, comme les transports. Sur la question, Karoutchi est intarissable. Mais arrive quand même à égratigner sa rivale : « Valérie Pécresse reprend certaines de mes propositions à son compte. Elle ne connaît pas la région ». Leitmotiv de Karoutchi : faire apparaître Pécresse comme illégitime.
Dans son grand bureau, au cœur de Paris, Karoutchi l’assure : la primaire contre Pécresse ne lui pose donc aucun problème, très confiant dans le vote des militants. « Nicolas [Sarkozy] m’a demandé au printemps si j’acceptais le principe des primaires. Je lui ai dit oui ». Avant d’ajouter : J’aurais pourtant pu dire à Nicolas que c’était mon tour. Quel homme ! Les 70 000 adhérents UMP à jour de cotisation en Ile-de-France devront voter, par Internet, le 22 mars. Pour les booster, Karoutchi s’est mis à distribuer une boisson énergisante « Karoutchi High Energy », dans des cannettes à son effigie. Tout est bon pour se faire connaître !
Quand Karoutchi répète maintes fois « Nicolas », on s’en doute c’est pour Sarkozy. D’ailleurs dans tout son livre, Mes Quatre Vérités, Karoutchi ne désigne le Président que par son prénom, à quelques exceptions près. Manière de se présenter, sans retenue, comme l’homme du clan. Un proche de Sarkozy tempère : « ils sont 200 000 à l’appeler Nicolas ». Mais Karoutchi aime à rappeler que Sarkozy et lui se sont rencontrés en 1975 aux jeunesses du RPR. Depuis, les deux élus des Hauts-de-Seine sont restés proches. D’ailleurs, Karoutchi faisait partie des « happy few » invités au Fouquet’s, le soir de la présidentielle, le 6 mai 2007.
Dans ce même livre, Karoutchi fait son coming-out. Une première pour un ministre en exercice vue par beaucoup comme un coup politique destiné à pallier son manque de notoriété. L’intéressé a tenu à faire relire le passage à deux conseillers de Sarkozy, Franck Louvrier et Pierre Charon avant publication. Histoire de ne pas se mettre à dos le Château…
Avant de devenir sarkozyste, Karoutchi a surtout été un séguéniste. D’abord conseiller de Philippe Séguin au ministère des Affaires sociales, Karoutchi le suit à la présidence de l’Assemblée au milieu des années 1990, pour devenir son directeur de cabinet. Et continue la collaboration au RPR, jusqu’au départ inattendu de son mentor pendant la campagne des européennes de 1999. Karoutchi récupère ensuite le siège de Charles Pasqua au Sénat. Avant de devenir président du groupe UMP au conseil régional d’Ile-de-France.
« Nicolas » le surnomme Droopy, comme le chien triste héros des dessins animés de Tex-Avery : « je me plains de ce que les choses ne vont pas comme j’aimerais qu’elles aillent », lâche le secrétaire d’État. Avant de lâcher, avec la voix de Droopy : « I’m happy ». Il est vrai que Karoutchi n’est pas un optimiste né. « Fillon me surnomme Snoopy », sourit Karoutchi amusé que le Premier ministre s’emmêle les pinceaux entre les personnages de dessin animé. Manière aussi de faire comprendre, un brin courtisan, un brin opportuniste, que le chef du gouvernement et lui sont des proches. D’ailleurs, les deux hommes se tutoient.
Volontiers caustique, mais aussi sûr de lui, Karoutchi se dit sûr de l’emporter, le 22 mars, puis en 2010. « Chacun porte sa croix », lui a écrit une fois Huchon sur un petit papier en pleine séance du Conseil régional. Pour « Roger », pas de doute, c’est lui l’élu.
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