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Profs, imageries d’Epinal

Rattrapage / vendredi 12 février 2010 par Juliette Keating
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Du temps de Pagnol, l’instituteur en blouse régnait sur une classe de marmots dociles aux doigts tâchés d’encre. Les médias diffusent aujourd’hui une vision bien différente des enseignants.

Le-prof-qui-a-peur : shooté aux anxiolytiques, il a depuis longtemps perdu le sommeil. Le teint blafard, il tremble de tous ses membres sur le chemin du collège, baisse les yeux quand les gamins l’insultent, courbe le dos sous les jets de caillasse et n’oublie jamais de fermer la porte de sa classe à double tour. C’est la coqueluche des médias, victime héroïque de la violence scolaire, que le journaliste pressé traque devant les bahuts pour abreuver un public assoiffé de récits chocs sur la terrible réalité des cités.

Il faut dire que le-prof-qui-a-peur est souvent une prof, créature sensible et sans défense face aux hordes de brutes illettrées échouées sur les bancs des lycées de banlieue. Arborant une jupe en étendard, elle doit se munir d’un flingue – et pallier ainsi l’absence de pénis sans lequel il n’y a pas d’ordre possible – pour obtenir des élèves réfractaires qu’ils ânonnent, sous menace de mort, le joli nom de Jean-Baptiste Poquelin.

Le salaire de la peur

Il y aurait de la violence dans les quartiers où la vie est difficile ? Eh oui, n’en déplaise aux statisticiens du Ministère de l’Intérieur. Faut-il s’étonner que ceux qui sont les éternels perdants d’un système social de plus en plus dur avec les faibles, les inculpés parfaits au bénéfice d’une caste privilégiée qui les juge responsables de leurs échecs, les citoyens de seconde zone aux papiers d’identité toujours douteux et sans cesse contrôlés, réagissent par des accès de rage contre tout ce qui, à leurs yeux, représente l’oppresseur ? L’agent de Pôle Emplois dépassé par le flot grandissant de chômeurs n’éprouve-t-il pas une peur certaine devant la colère de ceux dont le dossier d’indemnisation stagne en bas de la pile ? L’agent de la CAF se sent-il en sécurité devant la foule furieuse de ceux qui ont vu leurs allocations suspendues parce qu’ils n’ont pas fourni un document que l’administration n’a pas songé à leur demander ? L’infirmier, le médecin urgentiste, ne subissent-ils pas un stress permanent, entassant comme ils peuvent les patients, qui n’ont jamais si bien porté leur nom, dans les couloirs déjà pleins de l’hôpital ?

L’ajournée de la juppe

Le prof n’a pas plus peur que les autres travailleurs qui, sur le terrain, s’efforcent tant bien que mal d’amoindrir les effets désastreux d’une politique économique et sociale injuste. Les bataillons de vigiles, les batteries de caméras de surveillance n’arrangeront rien. A traiter le symptôme plutôt que la maladie, le malade finit toujours par crever.

Devant la destruction planifiée de l’Education Nationale, les profs clament leur colère. L’école publique est le bien de chacun d’entre nous, que ce gouvernement nous dérobe sous notre nez, enfumant l’opinion à coups de com, dissimulant des économies budgétaires sous le masque de réformes qui ne feront qu’aggraver les insuffisances auxquelles elles sont censées remédier, favorisant le privé, réservé à quelques uns, au dépend de l’éducation de qualité pour tous. Les images d’Epinal séduisent les naïfs par leurs couleurs criardes. Après le prof-qui-fout-rien et le prof-toujours-en-grève, le prof-qui-a-peur aura la vie longue, si nous ne rompons pas enfin avec le simplisme.

Lire ou relire sur Bakchich.info :

Près de 170.000 enfants handicapés sont scolarisés en France, accompagnés par 25.000 éducateurs, tous précaires. Morvandiau a rencontré un de ces "emploi vie scolaire" (EVS).
Boursier ! Nous t’avons choisi, toi, entre 1000 démunis qui ne nous méritent pas. Tu t’assiéras sur les bancs des écoles où nos enfants s’entraînent à tenir leurs rôles d’élites de la Nation…
L’instituteur Alain Refalo signataire d’une lettre à son inspecteur académique qui a lancé le mouvement des désobéissseurs dans l’école primaire revient dans un livre à paraître sur son combat. Et ce qu’il lui a (…)
Chers amis du Parti populaire, les réformes se poursuivent ; nous ne nous arrêterons que lorsque nos bons vieux curés auront chanté le requiem pour les instituteurs.
Depuis la suspension de l’ex-mandarin et deux de ses vice-présidents, une irréductible équipe animée de l’énergie du désespoir s’agite toujours sur le campus toulonnais pour tenter de sauver ce qui peut (…)

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3 MESSAGES

Forum

  • Profs, imageries d’Epinal
    le samedi 13 février 2010 à 20:03

    L’image d’Epinal, c’est celle de TOUT LE MONDE Y L’EST BEAU, TOUT LE MONDE IL EST GENTIL.

    Tant que le gouvernement n’aura pas le courage politique de vraiment taper sur les méchants des quartiers qui profitent du trafic de drogue, il n’y aura strictement aucune avancée possible. Comment proposer des conditions de travail comparables avec les 1000€ gagnés par jour pour les trafiquants débutants ?

    Tant que la gauche (et les profs, un synonyme) n’a pas compris que pour construire dans les quartiers, il fallait d’abord faire régner l’ordre (et il faudra en payer le prix), rien ne sera possible…

    • Profs, imageries d’Epinal, Dubeauf au commentaire
      le dimanche 28 février 2010 à 16:19
      il y a des gens qui reprennent à leur compte les clichetons les plus lourds, les plus scabreux ("pour construire dans les quartiers, ils faut d’abord taper sur les méchants", etc.), et qui espèrent ainsi, un jour, voir le monde évoluer… C’est beau. Vraiment.
  • Profs, imageries d’Epinal
    le samedi 13 février 2010 à 14:32, miluz a dit :

    J’ai enseigné dans une banlieue parisienne dites "chaude". Les élèves étaient plus abandonnés qu’autre chose, attentifs à ce qu’on leur donnait avec une soif manifeste de trouver des solutions. Mais la répression a commencé à ce moment-là. Au début des années 90, l’administration a eu des réactions incompréhensibles. Les quelques professeurs étroits d’esprit qui pouvaient se dire victimes de violence avaient provoqué à leur insu des sentiments d’injustice. Ca a commencé comme ça.

    Mais il y en a si peu dans ce métier qu’il a fallu longtemps à ces "images" pour devenir crédibles. Au moins une bonne trentaine d’années. Les médias qui les véhiculent commencent à être remis en cause. Et s’il faut du temps à un mensonge pour être cru, la vérité n’en nécessite que très peu.

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