Ce mardi, comme toutes les semaines, Jean-François Copé rencontre les journalistes à l’Assemblée. Même génération, même ambition. Copé marche dans les pas de Nicolas Sarkozy.
Comme tous les mardis à l’issue de la réunion du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé tient sa conférence de presse, devant des journalistes, chaque semaine, plus nombreux. L’œil rivé sur l’horloge installée au mur, le président des députés UMP avale le rendez-vous à un rythme soutenu. Pas le temps de souffler. Il faut réussir à tout caser dans l’agenda. Car Copé est aussi député-maire de Meaux, président d’agglomération, et avocat, deux jours par semaine, pour le cabinet Gide Loyrette et Nouel. Boulimique du travail et toujours pressé… Hum, le style Copé n’est pas sans rappeler celui de Nicolas Sarkozy : avoir un coup d’avance sur les autres pour créer le débat autour de sa proposition. Dans un entretien à Libération, le 30 septembre, Jean-François Copé confiait d’ailleurs : « C’est la première chose que m’a apprise Sarkozy : en politique ce qui compte, ce n’est pas ce que l’on vous donne, c’est ce que l’on prend ». Ça tombe bien. Copé a le même appétit que Sarkozy : l’Élysée. Prévue pour 2017. Tout est dit.
Mais pour y parvenir, encore faut-il se construire une stature nationale, un réseau de parlementaires alliés, restreindre le nombre de ses ennemis et ne plus se faire oublier… Tout ce que Sarkozy a fait entre son élection à la mairie de Neuilly et son arrivée au « Château ». Copé a donc mis en place un club, « Génération France », futur machine de guerre habillée en nouveau « think tank » avec des antennes dans chaque circonscription. Manière de parvenir à exister, en dehors de l’UMP de Nicolas Sarkozy, et créer un réservoir d’idées. Dont on a peu de peine à imaginer qui elles sont censées aider !
Exister. Partout. Tout le temps. Surtout, là où on ne l’attend pas : « Ma stratégie n’est pas de foncer tête baissée », assurait d’ailleurs Copé le 25 septembre, après un déjeuner du groupe UMP de l’Assemblée nationale à l’Élysée, « mais d’essayer d’être là où on ne m’attend pas ». Que ce soit sur le millefeuille administratif, la réforme de l’audiovisuel, le RSA, la crise financière, les dépenses publiques… Aucun sujet n’est oublié. Aucun média non plus. L’homme enchaîne les interviews avec la même aisance et la même rapidité que Nicolas Sarkozy. Les deux hommes politiques ont parfaitement intégré l’art de la communication et de la répartie…
Toujours au nom du parler vrai - bien sûr ! - puisque « promis », Copé a « arrêté la langue de bois », en référence au titre du bouquin qu’il a sorti en 2006. Sarko avait d’ailleurs revendiqué cette liberté de ton avant lui, en surfant sur le rejet d’une classe politique jugée trop lointaine des préoccupations des Français. Ça, Copé l’a parfaitement intégré et se fait le hérault des inquiétudes des « vraies gens ». Comprenez, les parlementaires. Jean-François Copé, qui revendique la « coproduction législative » dans tous les domaines, boit donc du petit lait depuis le vote de la révision constitutionnelle adoptée le 21 juillet dernier. Car la réforme a en effet augmenté les pouvoirs de la majorité à l’Assemblée nationale, sans jamais tomber dans l’attaque frontale vis-à-vis de l’exécutif.
Et « JFC », comme l’appellent ses jeunes collaborateurs, a vite saisi que la réforme pour la simplification du millefeuille administratif était, à ce titre, un joli paquet cadeau. Dès la mi-octobre, il a donc mis en place un groupe de travail parlementaire sur la question, grillant la politesse au comité d’experts de l’Élysée. Et tenté d’imposer six de ses membres dans la commission Balladur. De quoi exaspérer le « Palais » où l’activisme de Copé agace de plus en plus. « Nicolas Sarkozy était fou de rage », raconte un parlementaire, et a dit au président du groupe UMP à l’Assemblée : « Ce n’est pas toi qui fait la loi. C’est moi qui nomme les membres de la commission. C’est ensuite Édouard Balladur qui les valide ». Pan sur le bec et rentrez dans le rang ! Dans l’histoire, Copé a quand même reçu le soutien des députés à qui il offre une grosse marge de manoeuvre. « Sous couvert de démocratie », raconte un parlementaire de droite, « Copé favorise un bordel ambiant, notamment pendant les réunions du groupe pendant. De plus en plus, les députés y mettent en difficulté certains ministres. Xavier Bertrand redoute d’ailleurs de s’y rendre… »
En récupérant la présidence du groupe UMP à l’Assemblée, Copé s’est donc transformé en portevoix des élus UMP, inquiets d’être réduits au rôle de « godillots » face à l’hyperactivité du chef de l’État. Si Sarko savait… En le privant d’un maroquin ministériel, le président a finalement rendu service à « JFC ». Un scénario qui n’est pas sans rappeler celui de 2005 quand Nicolas Sarkozy, écarté de Matignon par Jacques Chirac, avait transformé le ministère de l’Intérieur en tremplin politique. « Jean-François Copé applique purement et simplement la méthode de Nicolas Sarkozy entre 2004 et 2007 », commente un proche du président, « à cette nuance près que celle de Nicolas passait par la prise de l’UMP ». Pour l’instant, Copé ne pense pas au parti, conscient qu’il pourrait s’y casser les dents.
Même si en politique, l’échec est formateur… c’est bien connu ! « Vous l’aurez compris je n’ai pas pour habitude de regarder passer les trains, mais bien au contraire de tout assumer. Mes doutes, mes échecs, mais aussi mes idées… et mon ambition », énonce Copé sur le site de son club. Des paroles qui font étrangement échos avec celles de Nicolas Sarkozy, en novembre 2005, dans une interview accordée à l’Express : « Ce qui compte, c’est d’essayer d’avancer, de soulever des montagnes, de refuser l’immobilisme qui, lui, conduit toujours à l’échec et à l’impasse. Mon credo, c’est qu’il n’existe aucune fatalité (…) Un destin, ça se construit. ». Copé a donc pris le sien en main. Alors quand Sarko l’a nommé à la tête de la commission spéciale sur la réforme de l’audiovisuel public, un sujet politiquement sensible, Copé en a profité pour rencontrer les patrons des grands groupes de presse. Et s’en faire des amis pour la suite, comme un certain Sarkozy y était déjà parvenu avant lui ?
Ne jamais insulter l’avenir et n’oublier personne, deux des règles primordiales dans la conquête du sacré Graal… Copé les a fait siennes. Primo, il rend toujours hommage à l’action du président, « sans flagornerie », dit-il. Dernière en date sur le plateau de Canal +, le 12 octobre dernier, en pleine crise financière : « On a un président de la République française qui, dans cette période, se montre absolument exceptionnel ». Deuxio, Copé a mis fin aux rancœurs - avec Xavier Bertrand, Nathalie Kosciusko-Morizet… - et tendu la main à ceux laissés de côté par Sarkozy : Dominique de Villepin et Jean-Pierre Raffarin à qui il a récemment téléphoné. Une méthode implacable utilisée autrefois par Sarko - avec François Fillon exclu du gouvernement Villepin ou avant Charles Pasqua - et qui permet de faire de ses nouveaux amis, de fidèles alliés. « Ce n’est pas innocent de tendre la main à Dominique de Villepin aujourd’hui », commente un fidèle du président, c’est même « assez frondeur ».
À l’Élysée, on observe Copé. Avec cette question : que faire de lui ? Pour l’instant rien. Entre la crise financière et la présidence de l’Union européenne, les bourdes des ministres et la hausse du chômage, son tour attendra !
À lire ou relire sur Bakchich.info :