Depuis l’arrivée de Jeannette Bougrab, les discriminations dont sont victimes les Roms et les gens du voyage ne sont plus traitées. Sur consigne de Matignon.
« J’ai eu le cabinet de Fillon, ils ne veulent pas qu’on parle des Roms et des gens du voyage ». Lancée en mai dans un couloir par Jeannette Bougrab, présidente de la Haute autorité pour la lutte contre les discriminations, peu après son arrivée à la tête de l’institution, la phrase a évidemment choqué.
Pour nombre d’agents c’était le signe, pas même dissimulé, de la mise sous tutelle par le gouvernement d’une administration jugée trop indépendante. Prendre ses consignes à Matignon lorsqu’on dirige une autorité administrative indépendante, et surtout lorsqu’il s’agit d’enterrer des plaintes, voilà qui fait désordre mais n’a visiblement pas contrarié la nouvelle présidente.
De fait, depuis l’arrivée de Jeannette Bougrab, plus aucune délibération de la Halde, les décisions de son collège suite à une saisine de victime de discrimination, n’a porté sur la question des Roms ou des gens du voyage. A titre de comparaison Bakchich a recensé que sur les trois premiers mois de l’année 2010, pas moins de six délibérations sur vingt-neuf avaient statué sur ces questions. Mais comme chacun a pu le constater, depuis le mois de mai, les discriminations à l’encontre des Roms et des gens du voyage ont miraculeusement cessé.
Discrimination dans l’accès au logement, à la scolarisation, à l’accès au droit de vote… Pschitt. Plus rien.
En interne, les juristes sont un peu moins présomptueux. « Les dossiers sur les Roms et les gens du voyages sont volontairement écartés. On les place au-dessous de la pile où ils commencent à s’accumuler », raconte un cadre de la Halde.
Que le gouvernement ait décidé dès le mois de mai de museler la Haute autorité sur le sujet, voilà qui jette en tout cas un éclairage intéressant sur l’embrasement de cet été contre les Roms. Loin d’être un coup de chaud d’un président aux abois, il semble au contraire que l’idée d’un plan concernant les Roms ait vu le jour au lendemain des régionales. Le fait divers de la gendarmerie de Saint-Aignan servant juste de déclencheur médiatique.
S’il dit ignorer les consignes reçues par la Halde, Laurent El Ghozi, membre du bureau consultatif de la Haute autorité mais aussi président de la Fnasat (Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les gens du voyage) reconnait que « les dernières prises de position de la Halde sur les Roms et les gens du voyage ont incontestablement irrité le gouvernement ».
Depuis plusieurs mois, la Halde était en effet montée au créneau pour pointer du doigt les multiples discriminations dont sont victimes ces populations en France.
Jugeant d’ailleurs que le gouvernement « n’avait pris aucun engagement » et ne répondait pas « de façon satisfaisante » à ses recommandations, la Halde avait fin 2009, comme elle en a le droit, publié au Journal officiel ses différentes délibérations. Une posture que n’aurait pas goûté l’exécutif.
Heureusement la nouvelle présidente qui se déclarait début septembre « pas choquée » par les expulsions des Roms, s’est montrée bien mieux élevée que son prédécesseur Louis Schweitzer. Manque de pot, devant le tollé médiatique provoqué par la circulaire du 5 août relative aux expulsions de camps illégaux et qui visait expressément les Roms, la Halde a finalement été saisie.« Cette saisine fera l’objet d’une étude et le Collège sera appelé à en délibérer », affirme l’institution sur son site… En toute indépendance, bien entendu.
"Halde, des dessous pas très chics", à lire dans Bakchich Hebdo n°38 !
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