La Ligue 1 plie mais ne rompt pas : avec ses 216 millions de pertes pour l’année 2008, le championnat boit la tasse…et ne respire qu’en vendant ses meilleurs joueurs.
A trop écouter la réclame de Frédéric Thiriez, le président de la LFP, on avait fini par croire ses sornettes. Cependant, à la lecture des statistiques de la DNCG pour la saison 2007-2008, on découvre à quel point on est encore loin de la « septième merveille du monde » qu’il nous vante sans vergogne à chaque fois que l’occasion se présente.
Première désagréable surprise, l’activité qui consiste à organiser, produire, diffuser le « passionnant » spectacle du championnat de L1 n’est pas rentable ; elle a dégagé au cours de la saison de référence, une perte de 216,3 millions d’euros et de 102,1 la saison précédente ; une aggravation de la situation de 119% d’autant plus inquiétante qu’elle s’inscrit dans une tendance au tassement des droits TV, le nerf de la guerre du foot hexagonal (les droits TV représentent 58% des recettes des clubs français, contre 34% en moyenne, au sein de l’UEFA).
Au passage, on découvre que le nombre total des spectateurs présents dans les stades pour assister au plus beau spectacle du monde (8 285 686 contre 8 290 346) a légèrement baissé tout comme les recettes des matches (136,9 contre 139,4 millions d’euros). Pourquoi donc dans ces conditions, faudrait-il construire de nouvelles enceintes sportives de capacité accrue, aux frais notamment de ceux qui n’y mettent jamais les pieds, si on ne parvient pas à remplir les stades existants ? L’argument du confort insuffisant est d’évidence une fausse barbe : si le spectacle était à la hauteur des espérances du public, nul doute qu’il s’y presserait sans rechigner. Bref, avec des recettes en augmentation de 1,7% et des dépenses progressant de 12,2%, l’affaire est mal engagée.
Des perspectives assez sombres qui, pour autant, n’ont pas dissuadé les clubs de L1, d’une part, d’augmenter leur masse salariale de 12,5% et de l’autre, de 66,7%, la rémunération (40,8 millions d’euros si l’on fait mine de croire les chiffres publiés !…) qu’ils versent aux agents de joueurs en lieu et place de ces derniers. Ce constat ne manquera pas de susciter quelques sourires goguenards : c’est soi-disant pour maîtriser la hausse des salaires de leurs poulains que les clubs rémunèrent selon divers stratagèmes les agents des artistes. Il faut croire que le dispositif est défaillant ou que la véritable raison de ce mécénat est ailleurs…
Par chance, le foot business à la française possède une seconde mamelle : les transferts (« mutations ») de joueurs ; une activité qui sauve la baraque et dégage un résultat positif de 265,8 millions d’euros contre 156,8 millions d’euros au cours du championnat précédent ; une remarquable progression de 69,5 % qui confirme à quel point les clubs sont devenus non-seulement « TV », mais surtout « mercato-dépendants » et plutôt deux fois l’an qu’une seule.
En 2007-2008, le joujou de Thiriez a donc dégagé une perte de 216,3 millions au titre de la compétition et un profit de 265,8 millions sur le négoce de joueurs ; le résultat d’exploitation de 49,5 millions d’euros de profit (en baisse de 9,5%) est la différence entre ces 2 chiffres. La DNCG tire d’ailleurs logiquement les enseignements de ce constat alarmant. Et s’inquiète tout doucement.
Dans les lettres qui précèdent les chiffres, l’auteur du rapport rappelle, pour la forme, que « l’article 106 du Règlement Administratif de la LFP dispose que les transferts de joueurs ne peuvent se faire que de club à club sous peine de lourdes sanctions… », et poursuit, sans rire, que « …la commission a eu à connaître cette année de cas de flux intervenus vers des entités/personnes n’ayant pas le statut de club, à l’occasion de transferts de joueurs avec l’étranger… ». Bref, un petit trafic d’êtres humains sans conséquence que, compte tenu de ce qui précède et une pratique solidement établie, on ne sanctionne que symboliquement (« Seules des peines avec sursis ont été prononcées cette année compte tenu des contextes particuliers des opérations effectuées mais si ces opérations se répétaient, des sanctions plus lourdes pourraient être prononcées… »). Des menaces qui glaceraient le sang des contrevenants si elles n’émanaient de la DNCG…
Dans ces conditions, le foot-business français serait bien avisé de ne soutenir que du bout des lèvres, la proposition de la FIFA dite « 6+5 » destinée à contraindre les clubs en général, et les clubs british en particulier, de faire figurer sur la feuille de match, un minimum de 6 joueurs susceptibles d’être sélectionnés dans leur équipe nationale. Une mesure soutenue par la Fédération Britannique (qui espère en contrepartie se voir attribué la Coupe du Monde 2014 par Sepp le Couillu et ses disciples) et combattue vigoureusement par la Premier League, au nom de la liberté du travail au sein de l’Union Européenne.
Si une telle mesure devait prendre effet (lors d’un Congrès de la FIFA à Sydney en 2008, une résolution a été adoptée par 155 pays pour qu’elle soit mise en œuvre à partir du championnat 2013/2014) son impact sur le résultat positif des opérations de transfert du championnat de France de L1 et donc sur ses performances économiques globales, pourrait bien être dévastateur. Reconnaissons d’ailleurs que ce n’est pas un argument fréquemment invoqué par les présidents de nos clubs, qui préfèrent pester contre une fiscalité « confiscatoire », pour expliquer la modestie de leurs performances sportives au niveau européen.
À lire ou relire sur Bakchich :
Réponse à Daniel
Ce n’est pas une pratique comptable mais LA pratique comptable ; j’achète un joueur à 50 millions d’euros ; je vais augmenter mes actifs incorporels à l’actif du bilan (contrats d’acquisition de droits sportifs sur les joueurs achetés) de 50 millions et, dans l’hypothèse d’un contrat de travail de 5 ans, je vais "amortir" c’est à dire constater une charge déductible de l’IS à savoir la dépréciation du contrat du joueur considéré de 10 millions de telle sorte quà la fin de la saison mon "joueur" ne vaut plus comptablement que 40 millions et ainsi de suite…soit 0 à la fin de la 5ème saison si jamais il lui venait l’idée de rester jusque là dans son club employeur.
Le chiffre présenté est intéressant, mais comme souvent sur bakchich ou rue89, l’argumentation derrière est souvent spécieuse.
D’abord si la fréquentation des stades est en baisse, c’est avant tout pour deux raisons : 1) Lens a été relégué. 2) les Nantais refusent de cautionner la politique de Kita et désertent la Beaujoire. Allez faire un tour à Lescure : croyez-vous que le spectacle des dribbles de Gourcuff convainc les gens de se déplacer dans un stade pourri de chez pourri ? De même, quand il y a 90 000 demandes d’abonnement par an, comment pourrait-on croire qu’on ne pourrait pas remplir un Vélodrome de 85 000 places, quand celui de Tapie (40 000) n’était déjà pas plein, et que l’actuel voit chaque hiver ses places les plus exposées au vent glacé vides ? Toutes les études montrent que le remplacement d’une enceinte vétuste par un stade neuf et confortable augmente la fréquentation de 30% en moyenne.
Ensuite, qu’est-ce que 40 millions d’euros distribués aux agents par 20 clubs à côté d’une masse salariale totale de… Ben écoutez, Lyon + Marseille et on atteint déjà les 150 millions d’euros rien qu’à eux deux. Rajoutez les 18 autres… Vous n’avancez strictement aucun chiffre et pourtant selon vous ces 40M ne compensent pas des augmentations de joueurs qui seraient bien plus fortes. Bizarre comme argument.
Ensuite, sur les transferts qui auraient eu lieu à des entités autres que des clubs, vous avez des exemples précis permettant de dire que la DNCG a été trop molle ? Par ailleurs, sur quoi vous basez-vous pour juger ses menaces "risibles" ?
Ce qui était censé être le coeur de votre article, la dépendance à la revente des joueurs, ne remplit finalement que quelques lignes alors qu’il y aurait bien davantage à en dire plutôt que se focaliser sur des détails.
"L’argument du confort insuffisant est d’évidence une fausse barbe : si le spectacle était à la hauteur des espérances du public, nul doute qu’il s’y presserait sans rechigner"
C’est pas un peu simpliste ça ? Au moins autant que l’argument du confort qui augmente à lui tout seul la fréquentation, d’ailleurs, mais quand même.
Quand on a pratiqué quelques stades de L1, gros et petits, je pense qu’on mesure facilement à quel point ceux-ci sont majoritairement cheap voire carrément vétustes et peuvent rebuter d’office les moins passionnés de football en France, et ils sont plus nombreux qu’ailleurs. Et si le spectacle est beau, le spectateur regardera… derrière sa télé, et dans son canapé.
Bref, on peut tirer à vue sur l’idée de faire financer à la communauté les nouveaux équipements en stade, mais pas sur l’argument cité en exergue, à peu près aussi pertinent qu’une analyse au doigt mouillée de Mme Bonsensse ou Mr Yakafokon.