Le président de la ligue de football professionnel a réalisé un joli tour : faire croire à tout le monde que le montant des droits de retransmission du championnat de France avait augmenté. Mais personne n’a rien vu ! Ou presque…
Avec ses fines moustaches, et son port guindé, Frédéric Thiriez aurait pu être un formidable prestidigitateur… à l’ancienne, à la José Garcimore. Du genre à sortir le lapin du chapeau, ou un billet derrière l’oreille de son interlocuteur. Énarque, avocat au conseil d’État et depuis 2002, président de la Ligue de football professionnel, Freddy les belles moustaches a tout de même gardé un petit côté magicien, mystifiant tout son monde lors de la toute récente attribution des droits télé du football.
D’abord, attirer le chaland avec un lot de déclarations fracassantes. Par exemple, après l’exploit de l’OM (plus grand club de foot du monde, n’en déplaisent à certains) à Liverpool, il déclarait que « la performance de l’OM, actuel seizième de la Ligue 1, contre le quatrième de la première league, démontre le très bon niveau du championnat de France ». Histoire de mettre la pression sur Canal + pour recracher au bassinet. La chaîne cryptée, comme elle le fait depuis 2005, donne 600 millions d’euros par an en moyenne (et non 650 comme avancé dans notre édition de vendredi) à la Ligue pour retransmettre les matchs d’un championnat un peu ennuyeux. Plus faible moyenne de buts d’Europe, un champion unique depuis 7 ans, Lyon. Bref, pas vraiment sexy.
Les présidents des clubs de foot, ultra-dépendants des droits télé, ont bien soutenu Thiriez dans sa lutte de com‘. Même ses habituels opposants. Pape Diouf, le président au verbe imagé de l’OM, a même apporté sa pièce à l’édifice : « sans le foot, Canal + c’est Canal moins ». Bien senti.
Et au final, il est sorti un joli paquet de l’appel d’offres. « Tout le monde est gagnant » avec l’enveloppe de 465 millions débloquée par Canal + et 203 millions par l’opérateur de téléphonie Orange. Et hop, avec 668 millions, le compte est le bon ! Les droits du foot ont augmenté. Et Thiriez de pérorer sur ce « succès collectif », puisque la manne a augmenté…
Cerise sur le gâteau, l’artiste fait même un petit rappel, avouant sur le plateau de l’Equipe TV qu’il « aurait remis sa démission ». Et hop, le tour est joué, tout le monde embraye. Satisfecit général. Les clubs jubilent à l’idée de voir arriver le grisbi : Canal + de voir son investissement baisser de façon significative et Orange d’être resté dans la course.
Sauf qu’après le joli tour, il y en toujours pour dévoiler le truc. Un petit calcul suffit, en fait. La ligue a réuni et attribué en douze lots et d’une seule traite ce qu’elle avait vendu en pièces successives auparavant. Une vente à la découpe qui avait rapporté gros au final.
En 2004, Canal + a remporté, contre 600 millions par an en moyenne (sur 3 ans), la retransmission de tous les matchs du championnat de Ligue 1 Orange. Avec un versement crescendo sur les trois saisons pour aboutir, sur la seule année 2007-2008, à un décaissement de 650 millions d’euros. Puis Orange a dégainé 29 millions par an en 2006 (sur deux ans), pour les retransmissions sur les téléphones mobiles. Dernière touche en 2007, avec les 24,5 millions avancés par France télévisions pour son mythique France 2 foot, le résumé des matchs du dimanche.
Soit grosso modo, pour la saison 2007/2008, plus de 700 millions d’euros (voir encadré) . Une différence de près 30 millions avec la nouvelle enveloppe de 668 millions comprenant émission du dimanche, retransmission télé et mobiles. Et tout le monde n’y a vu que du feu.
Enfin pour l’instant. Peut-être les présidents de club de foot qui l’ont élu, en recomptant la note, se rendront compte du subterfuge. En attendant, chapeau l’artiste !
Contrairement aux informations erronées parues dans l’article "Thiriez, le Garcimore des droits du foot", stipulant qu’"en 2004, Canal + a remporté pour 650 millions par an (sur 4 ans) la retransmission de tous les matchs du championnat de Ligue 1 Orange", le montant de 668 M€ atteint lors de l’appel à candidature conclu mercredi 6 février constitue bien un record historique des droits audiovisuels de la Ligue 1. De plus, le contrat liant la Ligue de Football Professionnel à Canal+ porte sur trois ans et non sur quatre, à savoir sur les saisons 2005/2006, 2006/2007 et 2007/2008.
Pour rappel, voici le montant des droits de la Ligue 1 perçus lors des trois dernières saisons.
Lors de la saison 2005/2006, les droits pour la Ligue 1 étaient de 618 M€ distribués ainsi :
600 M€ versés par Canal+
18 M€ versés par TF1 (pour Téléfoot)
Lors de la saison 2006/2007, ces droits s’élevaient à 646 M€ répartis de la manière suivante :
600 M€ versés par Canal+
27 M€ versés par Orange
19 M€ versés par TF1 (pour Téléfoot)
Pour la saison 2007/2008, ces mêmes droits atteignent la somme de 655,5 M€ selon la répartition suivante :
600 M€ versés par Canal+
31 M€ versés par Orange
24,5 M€ versés par France Télévisions (pour France 2 Foot)
Dont acte. Ou presque. Bakchich a un peu de mal avec les chiffres. Et se flagelle bien volontiers pour avoir écrit que Canal avait remporté en 2004 les droits du foot pour 4 ans au lieu de trois et contre 650 millions d’euros au lieu de 600. Mais la ligue paraît aussi avoir du mal à jongler avec ces jolis montants.
A consulter ses statistiques financières, disponibles seulement jusqu’à l’exercice 2005/2006, les droits de retransmission TV atteignaient 633 millions et non 618 comme énoncé dans ce droit de réponse.
D’autre part, lors de la dernière année de référence -2007/2008- Canal +, comme cela a été claironné par divers membres de la ligue que nous éviterons de citer pour ne pas créer de brouille, a bien versé 650 millions d’euros à la Ligue. Ajouté aux 31 millions versés par Orange et aux 24,5 versés par France Télévision, le montant dépasse 700 millions. En comparaison de cette saison, les droits de retransmissions du foot 2008-2012, à hauteur annoncée de 668 millions par an, vont donc bel et bien baisser. CQFD.
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