Les 30 jours de deuil national annoncés au Gabon après la mort du président Bongo risquent d’être animés…par la guerre de succession. Son ministre de la Défense de fils, Ali, a déjà fermé les frontières du pays.
Calme, luxe et consternation. Mais au moins les portables passent sur Libreville, jusque tard dans la soirée. Et une voix atone, assommée, répond. « Sous le choc », glisse un ministre, au ton contrit. Pas même feint.
Après 41 ans de pouvoir, Omar Bongo Ondimba, qui s’est très officiellement éteint dans la journée du lundi 8 juin, a laissé la place. Et un grand vide. Au Gabon comme en France, les caisses risquent de sonner un peu plus creux, tant le mollah Omar savait se montrer dispendieux.
« La ville est calme, continue le dévoué mais pas forcément désintéressé serviteur de l’Etat, tous les Gabonais se préparent au deuil ». Un deuil national de 30 jours, dont les modalités seront définies le mardi 9 juin, en conseil des ministres. L’occasion pour tous les prétendants et acteurs de la [Saga Borgia du Gabon>article00612] -la guerre de succession que se livrent les héritiers depuis des années - de se jauger. Et de compter leurs alliés.
Volontiers offensif ces derniers temps, les proches de Pascaline, la fifille chérie, éternelle directrice de cabinet et véritable tenancière du pays, a opté pour un profil bas. Position d’attente et couteaux rangés. « Madame n’est pas candidate à la présidence », tel est le message à faire passer. Accompagner de la litanie de fille aimante et éplorée, qui ne pense qu’à faire son deuil. Et oublier les querelles de clocher. Pause donc sur la guerre de succession qu’elle livre à son demi-frère, Ali ? Plus de psalmodies contre le rival déclaré, ni de mise en doute de sa gabonité, ou de jets d’acide sur tous ces « étrangers qui l’entourent ». « L’heure est au deuil et au recueillement, assurent ses proches, les Gabonais vont se serrer les coudes ». Voire un peu plus.
Frontières terrestres, maritimes et aériennes ont été fermées. L’armée mise en état d’alerte. Les bâtiments publics sécurisés et un communiqué lu à l’antenne de la radio télé gabonaise. Le tout sur ordre du ministre de la Défense Ali Bongo. Un signal qui ressemble à s’y méprendre à un putsch. Ou une démonstration de force. Un brin obligée.
Le gamin de cinquante ans, copain de jeunesse et de bringue de Mohammed VI ou Karim Wade sait être attendu au tournant.
Si la ronde des intermédiaires du village franco-africain, des officiels de la cellule Afrique aux vieux matoux du marigot tel Robert Bourgi l’ont déjà adoubé, Ali n’a ni le bagout ni les secrets de son père pour peser. Ses hypothétiques pairs, le congolais Denis Sassou Nguesso ou l’Equato-guinéen Teodoro Obiang ne l’apprécient guère. Et voient d’un bon oeil le centre de l’Afrique centrale se déplacer vers leur capitale. Les vieux réseaux misent sur lui pour fantasmer une continuité.
Quant à la population, blousée des élections depuis des années, son réveil pourrait en imposer. Ou du moins, à l’instar des dernières élections municipales où Karim Wade a subi une débâcle, sursauter pour exister.
Bref, pas moyen pour Ali de s’imposer autrement que via l’armée. Qu’il a nettoyée pour placer ses hommes à l’automne dernier, comme l’a très bien décrit La Lettre du continent (toujours pillée jamais citée), petite anthologie des guerres du Palais du Bord de mer. « Peut-être mais les hommes étaient fidèles au Président, pas à Ali », juge une vieille concierge des Palais Africains. « Ali a tout intérêt à tout verrouiller car il n’est pas aimé et il en va de son "salut" au Gabon de se maintenir coûte que coûte ».
Mais en sortant du bois si tôt, Ali ne risque pas de voir sa côte remonter. D’autant que la gestion de l’annonce du décès du mollah Omar a surpris jusqu’à l’Elysée. Annoncé mort le 7 juin au soir, le mollah a ressuscité le 8 au matin par la grâce du Premier ministre réputé proche de Monsieur Fils, qui assurait lui avoir rendu visite… Au passage, Jean Eyeghe Ndong mouille d’autres alliés d’Ali, dont « le président de l’Assemblée nationale » qui l’aurait accompagné pour cette visite au-delà du ridicule. Dans l’après-midi du lundi, le même Premier ministre a envoyé un communiqué à la presse pour annoncer la mort du doyen. « A priori, constate une barbouze de la place, l’annonce a été retardée pour ne pas laisser le temps à la population de réagir sans s’organiser ».
Au moins Bongo n’a-t-il pas emmené les gaboniaiseries dans la tombe…
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Il est pratique de faire mourir un homme quelques heures après sa mort clinique : les héritiers peuvent faire de transfères financiers avantageux pour leur compte…
Il ne faut pas croire que tout cela était pour ménager ces pauvres congolais orphelins !
Il sera un jour intéressant de connaître tous les ordres donnés durant ces dernières heures… on verra que ça ne concernait pas toujours l’armée : en Suisse et en Europe, ils ont dû faire des virements à tour de bras !